LES PROCÈS DE 1945-1948

9 août 2014

COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945,RÉSISTANCE HISTORIQUE — braultjeanpaul @ 3 h 38 min

Issus des promotions 1917 à 1940, trente-trois polytechniciens (proportion tout à fait supérieure à la moyenne) ayant combattu dans la Résistance ou les Forces Françaises Libres ont mérité d’être, parmi les 1034 Français honorés par le général de Gaulle dans les termes suivants:

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Conformément au décret du 29 janvier 1941, créant l’Ordre de la Libération.

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Louis ARMAND 1905-1971 (X1924) Compagnon de la Libération

Ingénieur des Mines. Directeur du matériel de la nouvelle SNCF en 1934. Février 1943 : il fonde Résistance-Fer, qui prépare l’action des cheminots sur l’ensemble du territoire, fournit aux alliés de précieuses informations sur les chemins de fer, et met sur pied les sabotages et le plan de paralysie des transports pour le jour J. 24 juin 1944 : arrêté, il figure pendant trois semaines sur la liste des otages à Fresnes, mais est relâché le 18 août. Il fut après la guerre Directeur Général de la SNCF, puis participa à la création du CEA avec le Général de Gaulle.

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Jean BERTIN 1897-1972 (X1915) Compagnon de la Libération

Ingénieur des Ponts et Chaussées, il tente de rejoindre Londres en juillet 1940, mais est arrêté en Andorre. Il organise à Laon un service de renseignements efficace de 1941 à novembre 1942, puis l’Armée secrète du département de l’Aisne jusqu’en novembre 1943. Recherché par la Gestapo, il part à Nancy et devient adjoint du Délégué Militaire de la Région C. Il organise le Plan Vert (sabotages au moment du jour J), et participe ensuite à la guérilla avec les maquis de la Piquante Pierre (Vosges) jusqu’en octobre 1944. Il termine la guerre comme Commandant F.F.I.

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André BOLLIER 1920-1944 (X1938) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Prisonnier pendant la campagne de 1940, il est libéré en tant que grand blessé en novembre 1940. Il rejoint l’X à Lyon. Sorti 4ème, il entre dans la Résistance au sein du mouvement Combat. Il se consacre, sous le pseudonyme de Vélin, à la propagande, fournit des faux-papiers. Organise l’évasion de Berthie Albrecht de l’hôpital de Bron le 24 décembre 1942. Janvier 1943 : chef national de la propagande de Combat. Début 1944, il fait imprimer plus d’un million et demi de journaux et de tracts par mois. 8 mars 1944 : arrêté, torturé, condamné à mort, il s’évade la veille de son exécution, mais, le 17 juin, il est surpris et abattu dans son imprimerie clandestine par la Gestapo et la Milice.

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André BOULLOCHE 1915-1978 (X1934) Compagnon de la Libération

Décembre 1940 : ingénieur des Ponts et Chaussées, il entre dans la Résistance et prend la responsabilité du réseau Postel-Vinay après l’arrestation de celui-ci fin décembre 1941. 1943 : recherché par la Gestapo, il rejoint l’Angleterre via l’Espagne. Il revient en France en septembre 1943. Avec les responsables de l’Armée Secrète, il met en place l’organisation paramilitaire de la Résistance et fait entreprendre de nombreux sabotages demandés par le Commandement Interallié. 12 janvier 1944 : dénoncé, il est arrêté par la Gestapo et grièvement blessé par balle en tentant de s’échapper. Il est déporté en avril 1944 (Auschwitz, Buchenwald, Flossenburg) avec ses parents et son frère, qui ne reviendront pas. Il est libéré le 23 avril 1945.

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Maurice BOURGES-MAUNOURY 1914-1993 (X1935) Compagnon de la Libération

Commandant de batterie en juin 1940, est fait prisonnier et rapatrié en 1941 comme ingénieur. Début 1943 : il parvient à gagner Londres via l’Espagne. Il rejoint la France en septembre 1943 et devient Délégué Militaire de la Région Rhône-Alpes, puis Délégué Militaire National. Reparti pour Londres fin avril 1944 pour rendre compte des résultats obtenus en France en vue du débarquement allié, il rejoint à nouveau la France en juin 1944 comme Délégué Militaire pour la zone sud. Blessé en tentant de rejoindre Paris après la libération de Lyon, il est transporté à l’hôpital du Creusot, encore occupé par les Allemands. Ramené à Lyon par des saboteurs, il est nommé sous-chef d’État-major de l’Armée jusqu’en juin 1945 puis Commissaire de la République à Bordeaux.

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Charles BRIOGNE 1913-1942 (X1932) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Artilleur, capitaine en 1940, capturé lors des durs combats de Saint-Valéry-en-Caux, il s’évade et part comme volontaire pour la Syrie, où il prend le commandement d’un des escadrons de Tcherkesses du Colonel Collet. mai 1941 : ayant rejoint la France Libre avec ses hommes, il forme le 2ème groupe du 1er Régiment d’Artillerie Coloniale des F.F.L., et participe aux campagnes de Libye et de Cyrénaïque avec la 1ère D.F.L. à partir de décembre 1941. À Bir Hakeim, il est commandant en second du 1er R.A.C. Il disparaît lors de la sortie de force des F.F.L., dans la nuit du 10 au 11 juin 1942. Son corps ne sera jamais retrouvé.

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Jacques BRUNSCHWIG-BORDIER 1905-1977 (X1924) Compagnon de la Libération

Février 1943 : membre de Libération Sud, il passe en zone nord pour assurer les fonctions de Délégué Général du mouvement. En septembre 1943, il part pour Londres. Il est désigné pour représenter le mouvement à l’Assemblée Consultative à Alger. Mars 1944 : parachuté en France, il reprend sa charge de Délégué Général. Arrêté par la Gestapo le 24 juin 1944, torturé, il est déporté le 15 août 1944 (Buchenwald, Dora, Nordhausen). Il s’évade le 4 avril 1945.

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Jean CREPIN 1908-1996 (X1928) Compagnon de la Libération

Capitaine dans l’Artillerie Coloniale, en poste au Cameroun au moment de la défaite, il s’engage dans les F.F.L. le 28 août 1940. Promu chef d’escadron, il s’illustre à la tête de l’artillerie lors de la campagne du Fezzan, au sein de la Force L du général Leclerc, puis lors de la campagne de Tunisie. Promu lieutenant-colonel, il commande l’artillerie divisionnaire de la 2e D.B. 25 août 1944 : il obtient la capitulation de la garnison allemande retranchée dans le Luxembourg. Lors des opérations du 13 au 24 novembre 1944, il permet de rompre les défenses ennemies, en particulier dans la région de Nieferhoff et Saint-Quirin, facilitant l’exploitation par les blindés. Il est l’un des principaux artisans de la victoire de Strasbourg, montrant un sens tactique remarquable.

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Raymond DECUGIS 1907-1942 (X1926) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Ingénieur des Ponts et Chaussées puis Ingénieur principal de 1ère classe du cadre général des Travaux Publics des Colonies, il se trouve à Madagascar lors de la débâcle. A l’arrivée des F.N.F.L. à la Réunion, le 28 novembre 1942, il est l’un des premiers de la colonie à se mettre au service de la France Libre. La batterie de la Pointe des Galets ayant ouvert le feu sur le Léopard, bâtiment F.N.F.L., il se porte immédiatement sur les lieux pour faire cesser le feu. C’est en accomplissant cette mission qu’il est mortellement atteint par les balles de soldats restés fidèles au gouvernement de Vichy.

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Maurice DELAGE 1906-1959 (X1925) Compagnon de la Libération

Été 1940 : il rejoint les F.F.L. à Beyrouth. En sa qualité d’ancien des Mines, il est envoyé au Service des Mines à Brazzaville, puis chargé de l’intérim de la direction d’une mine d’or au Cameroun. Nommé capitaine, il est appelé par Leclerc à la fin de la campagne de Tunisie pour être l’adjoint du Commandant du 2ème Bataillon du Génie. Entre septembre 1943 et mai 1944, il préside à la création du 13ème Bataillon du Génie, dont il prend le commandement. Il participe à toutes les campagnes de la 2ème D.B. (Normandie, Paris, Vosges, Alsace, Royan).

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André DEWAVRIN 1911-1998 (X1932) Compagnon de la Libération

Entré à l’état-major du Génie du Corps Expéditionnaire français en Norvège, il suit la division Bethouart en Angleterre à la veille de l’armistice. Ayant rejoint de Gaulle à Londres, il organise, sous le pseudonyme de Passy, le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignement et d’Action), chargé de recueillir des renseignements et de monter des opérations subversives contre le potentiel de guerre ennemi. En 1943, il effectue avec Pierre Brossolette une mission de huit semaines en territoire occupé, apportant une contribution inappréciable à l’organisation de la Résistance. En février 1944, il devient chef d’état-major du général Koenig.

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Honoré d’ESTIENNE D’ORVES 1901-1941 (X1921) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

27 septembre 1940 : lieutenant de vaisseau, il rejoint Londres. Il devient chef du 2e Bureau de l’état-major des Forces Navales Françaises Libres (F.N.F.L.) mais ne tarde pas à solliciter la faveur de passer en France pour y organiser un réseau de renseignements. 21 décembre 1940 : il embarque à destination de Plogoff. Parfaitement aidé par ses collaborateurs immédiats, il met sur pied, sous le pseudonyme de Jean-Pierre Girard, un réseau qui couvre toute la Bretagne. 22 janvier 1941 : il est arrêté, dénoncé par le radio venu avec lui d’Angleterre. Le 23 mai, le Capitaine de Frégate d’Estienne d’Orves et ses camarades sont condamnés à mort. Ils sont exécutés le 29 août 1941 au Mont Valérien.

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Michel FOURQUET 1914-1992 (X1933) Compagnon de la Libération

Capitaine, il commande une escadrille en 39-40 ; devant la tournure prise par les événements, il demande et obtient sa radiation en janvier 1941. D’abord entré en contact avec Ceux de la Libération et le réseau Alliance, il parvient à rejoindre l’Angleterre par bateau de pêche en juin 1942. Engagé dans les F.A.F.L., il devient adjoint du Commandant du Groupe de Bombardement Lorraine dont il prend le commandement de décembre 1943 à novembre 1944. A la fin de la guerre, il a assuré au total 71 missions de bombardement ; parmi ses principales opérations, on compte la projection d’écrans de fumée sur la côté normande lors du jour J, et le bombardement des panzers allemands à Falaise les 4 et 5 août 1944. Michel Fourquet sera par la suite secrétaire général de la défense nationale (1962-1965), chef d’état-major de l’Armée (1968-1971), général d’armée aérienne.

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Louis GENTIL 1896-1945 (X1919S) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

En 1939, le Lt-Cl. Gentil commande un régiment d’Artillerie à Toul. En mai, il rejoint le Ministère de la Guerre. Après l’armistice, il met à l’abri de l’ennemi dans la région de Clermont-Ferrand un grand nombre d’armes individuelles et sabote le matériel lourd qui se trouve à sa disposition. Au printemps 1943, il se fait mettre en congé, ses activités à l’établissement du Matériel à Clermont-Ferrand étant devenues trop évidentes. Malgré son désir d’aller combattre en Afrique, il est nommé adjoint du Chef du réseau Gallia. Rappelé à Londres, il est arrêté quelques jours avant son départ, le 24 mai 1944. Son silence total sauve ses camarades, en particulier ceux du réseau Darius qu’il avait fondé à Paris. Emprisonné à Fresnes, il est déporté le 15 août 1944 au camp de Dora, où il décède le 8 avril 1945.

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René GERVAIS 1908-1997 (X1928) Compagnon de la Libération

Janvier 1941 : entré au Service de Renseignements de l’Armée de l’Air, il est placé à la frontière espagnole pour étudier l’état de la pénétration allemande en Espagne. Muté en juillet 1941 à Vichy, sa mission consiste à drainer les renseignements relatifs à l’occupation militaire allemande en zone nord et à l’industrie aéronautique en Allemagne. Chef du SR Air en France à partir de novembre 1942, il coordonne et développe le réseau de renseignements. Il réalise également, avec les avions affectés à son service, l’évasion du personnel recherché par la Gestapo ou évadé, et les liaisons de commandement. Il échappe de peu à la Gestapo en janvier 1943, et, l’étau se resserrant autour de lui, il est affecté aux services secrets.

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André GRAVIER Né en 1911-2004 (X1931) Compagnon de la Libération

Capitaine du Génie à Alep lors de l’Armistice, il rejoint les F.F.L. en juillet 1941. Il intègre la brigade Koenig. Excellent technicien, il se signale à Bir Hakeim en établissant l’enceinte minée autour du camp retranché. Il est grièvement blessé lors de la sortie de vive force, dans la nuit du 10 au 11 juin 1942. Rétabli, il est promu commandant et rejoint la 1ère D.F.L. en mars 1943 près de Tobrouk. Après avoir participé à la campagne de Tunisie, il constitue et organise en octobre 1943 le 13ème Bataillon du Génie, intégré à la 2e D.B. Le chef de bataillon Gravier devient commandant du Génie Divisionnaire au PC du Général Leclerc, et prend part à toute la campagne de France jusqu’en mars 1945.

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René GUFFLET 1911-1942 (X1931) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Présent à Beyrouth lors de l’Armistice, Il rejoint les F.F.L. pour prendre part comme volontaire à la campagne de Libye, à la tête de la 3ème batterie du 1er R.A.C. de la Brigade Koenig. 1er mai 1942 : avec deux sections de sa batterie, il force au repli un élément ennemi disposant de pièces de 105 mm et de chars, à l’ouest de Bir Hakeim. Dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, au cours de la sortie de vive force de la position de Bir Hakeim, le capitaine Gufflet est tué sur le coup d’une balle en plein coeur à bord de son véhicule.

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Jacques de GUILLEBON 1909-1985 (X1930) Compagnon de la Libération

Affecté au Tchad lors de l’Armistice, il participe au ralliement du territoire à la France Libre, ce qui lui vaut d’être condamné à mort par contumace par le Tribunal Militaire de Riom. Il prend part à toutes les campagnes menées par Leclerc : Koufra, le Fezzan, la campagne de Tunisie. Il commande un sous-groupement tactique dans la 2e D.B., entre parmi les premiers à Paris, obtient la reddition de Strasbourg. Il finit la campagne avec la 2e D.B. à Berchtesgaden et termine la guerre colonel.

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André JACOB 1909-1940 (X1928) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Séminariste en 1939, mobilisé dans l’Armée de l’Air, il combat en mai 1940 aux confins de la Belgique et des Pays-Bas, survole Dunkerque, et est cité à l’ordre de la Brigade Aérienne. Il rejoint immédiatement avec son avion de Gaulle en Angleterre, où il est affecté à la 1ère Escadrille de Bombardement des F.A.F.L. Il participe avec Roques (X1934) dès juillet 1940 à des bombardements sur la Ruhr. 9 novembre 1940 : n’étant pas de service mais volontaire, il part de Douala (Cameroun) pour une reconnaissance avec lâcher de tracts sur Libreville (Gabon). Il disparaît au cours de cette mission avec son radio et son pilote. Toutes les recherches resteront sans résultat.

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Marcel LANGER 1917-1990 (X1938) Compagnon de la Libération

Volontaire pour l’Armée de l’Air en septembre 1939, il devient pilote de chasse. Il rejoint l’Angleterre via l’Afrique du Nord en juillet 1940, d’où il part pour l’Afrique. En 1941, il effectue des missions de bombardement contre les Italiens en Abyssinie. Promu lieutenant, il participe ensuite à 50 missions contre l’Afrika Korps de Rommel, jusqu’en février 1942. Il est ensuite affecté à des missions de convoyage avant de prendre le commandement de l’escadrille Nancy jusqu’en juillet 1944 ; il effectue ainsi 39 missions de combat en France. Commandant à la fin de la Guerre, il retourne à l’X pour y effectuer sa seconde année et rejoint la vie civile.

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Roger LANTENOIS 1910-1986 (X1929) Compagnon de la Libération

Présent au Congo lors de l’Armistice, il se porte volontaire pour les F.F.L. lors du ralliement du territoire à la France Libre en août 1940. Fin 1941 : il rejoint la Colonne Leclerc, dont il est nommé chef de 4ème Bureau au grade de Capitaine. Il s’illustre en assurant ainsi le difficile ravitaillement de cette unité lors des acrobatiques campagnes africaines (800 camions échelonnés sur 2 000 kilomètres), puis celui des 4 000 véhicules de la 2e D.B. de son débarquement en France jusqu’à Berchtesgaden.

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Aimé LEPERCQ 1889-1944 (X1909) Compagnon de la Libération

Mobilisé dans l’Artillerie en 1939, il prend ensuite la Présidence du Comité d’Organisation de l’Industrie des Combustibles Minéraux Solides. Révoqué en 1943 pour ses positions hostiles au S.T.O., il se consacre entièrement à la Résistance au sein de l’Organisation Civile et Militaire dont il prend la présidence le 25 février 1944. Premier commandant des F.F.I. de Paris, il est arrêté par la Gestapo le 8 mars, puis libéré le 17 août suite aux désordres de l’administrationallemande. Nommé Ministre des Finances du Gouvernement Provisoire de la République du Général de Gaulle, il est tué dans un accident de voiture le 9 novembre 1944.

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Jacques MAILLET Né en 1913-2009 (X1931) Compagnon de la Libération

Renseignements sur la fabrication d’armements en France puis, sur ordre de Londres, s’évade par l’Espagne. En Angleterre, il est chargé par le BCRA d’une mission en France destinée à dresser un état économique prévisible de la France à la Libération, et les besoins à satisfaire en priorité. Sa mission terminée, en décembre 1943, il ne parvient pas à rejoindre l’Angleterre, et assure alors la représentation du Gouvernement Provisoire dans toute la zone Sud. D’août 1943 à mai 1944, il effectue de nombreuses missions d’inspection et de réorganisation dans les maquis de la région alpine.

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Gérard MARSAULT Né en 1912-2000 (X1932) Compagnon de la Libération

Officier d’Artillerie Coloniale, il est au Tchad depuis 1937 au moment de l’Armistice. Il rallie les F.F.L. en même temps que le territoire, le 28 août 1940. Promu Capitaine en janvier 1941, il rejoint la 1ère D.F.L., toujours dans l’Artillerie, et participe sans interruption à toutes ses campagnes : Bir Hakeim (où il est chargé d’une opération de diversion au sud, vers Djalo), El Alamein, la Tunisie. Chef d’escadron en juin 1943, il prend le commandement du 1er Groupe du 1er R.A. en 1944. Il s’illustre en Italie, puis dans la Campagne de France, notamment lors de la prise de Toulon et des combats en Alsace et autour de Colmar.

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Paul MORLON 1912-1993 (X1933) Compagnon de la Libération

Officier d’Artillerie Coloniale, est à Bangui lorsqu’il apprend l’Armistice. Il rejoint Brazzaville pour rallier les F.F.L. Après avoir œuvré au ralliement du territoire, il rejoint le 1er Régiment d’Artillerie Coloniale au sein de la 1ère D.F.L., à Damas, le 27 août 1941. A la tête de la 4ème batterie, il effectue toutes les campagnes de la 1ère D.F.L. : Halfaya, Bir Hakeim, El Alamein, la Tunisie, l’Italie, puis la Campagne de France. Il est promu Chef d’Escadron le 1er octobre 1944. En mars 1945 il est sur le front des Alpes.

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René NICOLAU 1899-1945 (X1917) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Ingénieur en chef des Travaux Publics, est mobilisé comme Directeur des Travaux Publics à Saigon. De là, il fournit des informations très importantes aux Services de Renseignements militaires ainsi qu’au réseau Bocquet. En octobre 1944, il est nommé Chef du Comité SA du réseau Legrand dans lequel il était entré en janvier ; son secteur d’attribution comprend la Cochinchine et le Sud-Annam. En décembre, il devient Chef de la Section Politique de tout le sud de l’Indochine. Arrêté fin avril 1945 par la Gendarmerie japonaise, il meurt à Saigon le 20 mai 1945 des suites des tortures infligées par la Kempetaï.

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Pierre PENE 1898-1972 (X1920) Compagnon de la Libération

Sous-lieutenant d’Artillerie dans la Grande Guerre, mobilisé comme Officier d’Artillerie Coloniale en 1939, ingénieur Général des Travaux Publics à la Direction des Transports de l’Aisne, il entre dans la Résistance au réseau Centurie. Son groupe, créé en janvier 1941, se rallie à l’Organisation Civile et Militaire (O.C.M.). De 1942 à 1943, il est responsable pour l’Aisne, puis également pour les Ardennes. De décembre 1943 à la date de son arrestation (4 avril 1944), il est responsable F.F.I. de la région P. Évadé, il est désigné comme Commissaire de la République de Saint-Quentin.

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Serge RAVANEL Né en 1920-2009 (X1939) Compagnon de la Libération

Élève à l’Ecole polytechnique à Lyon, il prend contact avec la Résistance (mouvement du Général Cochet), avant de rejoindre à la fin de ses études (juin 1942) Libération-Sud. Nommé en juin 1943 chef national des Groupes Francs des Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.). Ces groupes réalisent notamment la libération de Raymond Aubrac le 21 octobre 1943, la destruction du dépôt de munitions allemand de Grenoble en novembre 1943. Nommé le 6 juin 1944 à Toulouse chef régional de l’ensemble des forces militaires de la résistance réunies sous le nom de F.F.I. (environs 45 000 hommes). Du 17 au 24 août 1944, coordonne les combats de libération de la région Sud-Ouest, avec la capture 13 000 prisonniers et 300 000 tonnes de matériel.

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André RONDENAY 1913-1944 (X1933) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Officier d’Artillerie, capturé en mai 1940. S’évade et rejoint l’Angleterre via l’Espagne. Septembre 1943 : parachuté en France, il organise le plan Tortue destiné à neutraliser les Panzer Divisionen le jour J. Janvier 1944 : délégué militaire de la Région Parisienne. Il étudie et réalise le sabotage de nombreuses usines, évitant de coûteux bombardements aériens. Avril 1944 : délégué militaire Zone Nord, il coordonne les plans Vert (sabotage des transports) et Violet (sabotage des transmissions). Organise les maquis dans l’Aube, l’Yonne et la Nièvre. 20 juillet 1944 : arrêté, puis assassiné par la Gestapo le 15 août 1944 à Domont (Val d’Oise).

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Raymond ROQUES 1914-1943 (X1934) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Ayant rejoint par avion Londres le 22 juin 1940, il s’engage dans les F.F.L., et a l’honneur d’être le premier Français Libre à reprendre le combat en effectuant à bord d’un Wellington de la R.A.F. plusieurs bombardements de nuit sur la Ruhr en juillet 1940 (dont certains avec A. JACOB (X1928, Mpf). Fin 1940, il est envoyé au Moyen-Orient et affecté au soutien aérien de la Colonne Leclerc ; il participe notamment à l’opération de Koufra, puis à celles du Fezzan (dans le cadre du Groupe Lorraine, puis du Groupe Bretagne). En avril 1943, il est chargé de l’instruction des nouveaux pilotes. Au cours d’un vol d’entraînement de nuit, il disparaît le 23 avril 1943.

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Robert SAUNAL Né en 1920-2008 (X1940) Compagnon de la Libération

Mai 1940 : admissible à l’Ecole Normale Supérieure et à Polytechnique, il renonce aux épreuves orales d’admission suite à l’avance allemande, et rejoint l’Angleterre pour s’engager dans les Forces Françaises Libres. Nommé Aspirant, il rejoint la Brigade Koenig et participe à la campagne de Libye de 1942 comme orienteur au 1er R.A. À Bir Hakeim, chargé du ravitaillement en munitions des batteries, il est grièvement blessé, puis fait prisonnier pendant la sortie de vive force, et emmené en captivité en Italie. Il s’échappe du camp de prisonniers en septembre 1943 et rejoint les lignes alliées. Il participe à la campagne d’Italie du 11 mai au 20 juin 1944 et à celle de France (Toulon-Belfort-Alsace). En octobre 1945, il revient faire ses études à l’Ecole Polytechnique.

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Robert ROSSI 1913-1944 (X1933) Compagnon de la Libération – Mort pour la France

Directeur des Études de l’Ecole de l’Air à Bordeaux, il est mis en congé d’Armistice en décembre 1940. Il prend alors contact avec le mouvement Libération  dans la région de Toulouse et s’impose comme chef militaire de ce mouvement. Il met sur pied toutes les unités de l’Armée Secrète qu’il entraîne dans la région du sud-ouest, et organise tout un réseau de dépôts d’armes. Le 19 octobre 1943, il est arrêté par la Gestapo. Il s’évade le 10 janvier 1944 et est chargé de former l’État-major Régional. En mai 1944, il est désigné comme Inspecteur F.F.I., puis Chef de la Région R2, à Marseille. Il prépare ainsi tout un réseau de maquis le long de la Côte d’Azur et en Haute-Provence. Traqué par la Gestapo, il est à nouveau arrêté le 16 juillet 1944. Torturé, il est fusillé le 19 juillet à Signes (Var) avec 38 autres résistants.

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Étienne SCHLUMBERGER Né en 1915 (X1936) Compagnon de la Libération

Ingénieur du génie maritime à la section des sous-marins à Lorient, il rallie la France Libre en juin 1940 et embarque comme Enseigne de Vaisseau sur l’aviso Commandant Duboc. Il prend part à l’expédition de Dakar et est ensuite détaché auprès de l’Amiral d’Argenlieu pour les opérations contre Libreville et Port-Gentil en novembre 1940. Le 9 février 1941, il embarque sur le sous-marin Junon et patrouille en Norvège. Il est Commandant du Junon en mars 1943 et Commandant de la base de Dundee (Écosse). Après l’avarie du Junon, il arme le sous-marin Morse. Il termine la guerre à l’état-major de l’Amiral Nord.

LES POLYTECHNICIENS MORTS EN DÉPORTATION

près la Libération, l’amicale des anciens élèves de l’École polytechnique dressa la liste de 68 polytechniciens morts en déportation, que nous avons complétée par ailleurs:

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Ces polytechniciens sont morts soit dans des camps de concentration où exploités, sous-alimentés, soumis à toutes les privations, les tortures et les mauvais traitements mouraient les déportés politiques pour faits de Résistance, soit dans des camps d’extermination, symbolisés aujourd’hui par le nom du plus important d’entre eux, Auschwitz dans lesquels l’Allemagne national-socialiste mettait en oeuvre, de manière industrielle, son entreprise d’assassinat systématique des Juifs d’Europe.

C’est ainsi que Raymond BERR (X1907), administrateur délégué de Kuhlmann, est parti de Drancy avec sa femme et sa fille par le convoi n°70 du 27 mars 1944, vers Auschwitz et Bergen-Belsen, on ne les reverra pas Charles de CORTA (X1897), animateur d’un réseau de résistance franco-polonais, remettant des faux papiers et hébergeant des résistants, est déporté avec sa femme et meurt le 15 septembre 1944 à Buchenwald Jean VERNEAU (X1911), Robert LATEULADE (X1937), Jean SERVRANCKX (X1938) se retrouvent commensaux au camp de transit de Compiègne avec neuf autres X ; tous seront déportés à Buchenwald, ces trois-là ne reviendront pas ne reviendront pas non plus le Colonel Charles DUTHEIL de la ROCHERE et Paul HAUET (tous deux X1889), pionniers du réseau du Musée de l’Homme dès juillet 1940 Jean-Guy BERNARD (X1938), est arrêté comme résistant et déporté comme juif le 31 juillet 1944 vers l’Allemagne dont il ne revient pas Claude BRUNSCHWIG (X1943), reçu au concours de 1943 à l’intérieur du numerus clausus qui s’applique aux juifs, ne peut rejoindre l’École à Paris, est envoyé en avril 1944 de Drancy à Auschwitz où il est exterminé ; son nom n’apparaît qu’en 1997 dans l’annuaire de l’X Jean-Pierre HELFT (X1942) lui aussi est déporté sans jamais être entré à l’Ecole Claude LEVY (X1941) ne reviendra pas de Buchenwald après avoir été fait prisonnier dans un maquis Jean MALAVOY (X1921) membre d’un réseau de renseignement, est arrêté en mars 1942; déporté au camp de Mauthausen il continue à fournir des renseignements sur les usines V2 voisines du camp ; il est fusillé au camp de Gusen le 13 février 1945 Louis CITROËN (X1923), chef régional de Résistance-Fer à Marseille, est déporté à Auschwitz d’où il ne revient pas Louis GENTIL (X1919) qui dirige un réseau de renseignement rattaché au BCRA est déporté à Dora ; il y sabote les V2 sur lesquelles il travaille et y meurt le 8 avril 1945 Gilbert SCEMLA (X1938), arrêté en Tunisie en 1943 en tentant de rejoindre les troupes alliées, a été déporté à Dachau puis décapité à Halle (Allemagne).

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En 1942, Jacques Heuillard est membre du réseau de résistance normand Buckmaster , qui convoie vers Paris les armes de la future Libération, au nez et à la barbe des Feldgendarmes de la Gare Saint-Lazare. Mais ce réseau est démantelé : le 9 août 1943, en vacances à Neuf-Marché alors qu’il est ordinairement étudiant à Paris, Jacques Heuillard est arrêté. Il est amené à la tannerie du résistant Hénaff, où il retrouve nombre de ses camarades, alignés devant des faisceaux de fusils Mauser menaçants. Toute une mise en scène est faite pour les intimider, mais personne ne parlera en dépit d’interrogatoires musclés. Après un passage au fameux état-major de la Gestapo, avenue Maréchal Foch à Paris, il est emmené avec une vingtaine de résistants à la prison de Fresnes d’où il sera libéré 3 mois plus tard. Il eut la chance de ne pas être déporté, contrairement à d’autres membres du réseau de résistance, comme son père, Georges Heuillard, ou le député Albert Forcinal et sa femme, qui furent envoyés à Buchenwald et à Ravensbrück. Les survivants seront libérés par les Alliés en 1945. Jacques Heuillard continue le combat. Dès 1944, il prend le maquis en Corrèze : il se cache huit jours avec quatre camarades dans une chambre d’hôtel de Brive-la-Gaillarde. Entassés, ils connaissent la faim et l’incertitude de leur sort, mais finissent par rejoindre un correspondant de l’Armée Secrète, M. Judicis, à Beaulieu-sur-Dordogne. Ils lui remettent tous leurs papiers et perdent alors toute existence administrative. Le lendemain matin, ils se retrouvent parmi leurs camarades maquisards armés, en groupes, capables de briser l’encerclement ou de défendre chèrement leur peau. Jacques Heuillard prend alors le surnom de Robinson, et continue à se battre pour la France : il est alors membre du bataillon de l’As de Cœur de l’Armée Secrète de Corrèze, qui assura la libération de Brive-la-Gaillarde. A la fin de la guerre, il passe en Angleterre où il s’engage avec les parachutistes SAS (Special Air Service), ce qui lui vaudra, plus tard, de figurer dans le film Bataillons du ciel, dont le scénario est de Joseph Kessel.

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En 1942, Jacques Heuillard est membre du réseau de résistance normand « Buckmaster », qui convoie vers Paris les armes de la future Libération, au nez et à la barbe des Feldgendarmes de la Gare Saint-Lazare. Mais ce réseau est démantelé : le 9 août 1943, en vacances à Neuf-Marché alors qu’il est ordinairement étudiant à Paris, Jacques Heuillard est arrêté. Il est amené à la tannerie du résistant Hénaff, où il retrouve nombre de ses camarades, alignés devant des faisceaux de fusils Mauser menaçants. Toute une mise en scène est faite pour les intimider, mais personne ne parlera en dépit d’interrogatoires musclés. Après un passage au fameux état-major de la Gestapo, avenue Maréchal Foch à Paris, il est emmené avec une vingtaine de résistants à la prison de Fresnes d’où il sera libéré 3 mois plus tard. Il eut la chance de ne pas être déporté, contrairement à d’autres membres du réseau de résistance, comme son père, Georges Heuillard, ou le député Albert Forcinal et sa femme, qui furent envoyés à Buchenwald et à Ravensbrück. Les survivants seront libérés par les Alliés en 1945. Jacques Heuillard continue le combat. Dès 1944, il prend le maquis en Corrèze : il se cache huit jours avec quatre camarades dans une chambre d’hôtel de Brive-la-Gaillarde. Entassés, ils connaissent la faim et l’incertitude de leur sort, mais finissent par rejoindre un correspondant de l’Armée Secrète, M. Judicis, à Beaulieu-sur-Dordogne. Ils lui remettent tous leurs papiers et perdent alors toute existence administrative. Le lendemain matin, ils se retrouvent parmi leurs camarades maquisards armés, en groupes, capables de briser l’encerclement ou de défendre chèrement leur peau. Jacques Heuillard prend alors le surnom de Robinson, et continue à se battre pour la France : il est alors membre du bataillon de l’As de Cœur de l’Armée Secrète de Corrèze, qui assura la libération de Brive-la-Gaillarde. A la fin de la guerre, il passe en Angleterre où il s’engage avec les parachutistes SAS (Special Air Service), ce qui lui vaudra, plus tard, de figurer dans le film Bataillons du ciel, dont le scénario est de Joseph Kessel.

Homme de confiance, il fut mis à contribution après la Libération pour participer à la réorganisation du pays.

Libération de Gisors, le 30.08.44

La veille du 30 août, les Gisorsiens pouvaient, à travers les volets et rideaux de leurs fenêtres, assister au spectacle assez ahurissant des détachements allemands  traversant les rues de la ville. Les casques, véhicules, chevaux garnis de feuilles croyant pouvoir se dérober à des avions amis, l’allure délabrée, sales, fatigués mais toutefois arrogants, il ne faisait pas bon de les croiser, mais c’était incontestablement la déroute, la déconfiture de l’armée allemande.

Vers l’aube du 30 août, une poignée de résistants débusquaient un important détachement au repos à Dangu, 250 contre 15 et l’arrivée des premiers chars anglais vint fort à propos pour prendre en charge les prisonniers quand même trop nombreux pour les 15 maquisards. Puis ce fut un silence lourd, oppressant. Au loin, on entendait le ronflement de puissants moteurs allemands ? Alliés ? et soudain vers 9 h 50, on vit arriver par la route de Courcelles des chars, des véhicules blindés tirant par-ci, par-là, et ce fut le délire ; le premier char anglais arrivait au passage à niveau de Gisors Boisgeloup le mercredi 30 août  à 10 h 16 et dans le délire de la délivrance, la population de Gisors lui fit un accueil inoubliable. Mais les Allemands avaient eux aussi préparé la réception : un train de munitions miné, garé sous l’embranchement des Vigues sautait, détruisant plusieurs immeubles, jetant la consternation parmi la population.

Néanmoins l’allégresse de la délivrance reprit le dessus. Les Alliés poursuivaient les fuyards malfaisants sans relâche, laissant le nettoyage des forêts et des plaines aux  hommes de la Résistance. C’est jour pour jour après vingt ans  que Gisors s’apprête à fêter  ce vingtième anniversaire de la Libération.

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Les troupes alliées libérant Gisors – août 1944

René Laporte fut prisonnier de guerre en Allemagne jusqu’en 1943, d’où il revint malade. L’armée lui refusa toute pension. Il rejoignit le groupe de résistants animé par Bruder, où il travailla avec des agents de liaison. Ils récupéraient les aviateurs alliés dont les avions avaient été abattus. Madame Madeleine Bouillant les conduisait à pied jusqu’à la gare de Dangu. Ensuite, ils allaient à Noyers, chez Mme Perdereau, qui  hébergea jusqu’à 13 personnes. Des cultivateurs les aidaient pour la nourriture. Il prit le maquis en 1944, avant de participer au Comité de Libération de Gisors, qui exerça les responsabilités municipales à la Libération.

Josette Christmann

L’appel du Général De Gaulle demandait à tout le monde de participer. Alors, petit à petit, les Français ont agi, mais par-dessous. Mon père, Jean Pierson, faisait partie d’un réseau où les gens n’avaient pas le droit de s’appeler par leur véritable nom. Il a travaillé avec M. Bruder, chef de gare de Gisors-Boisgeloup et M. Darling, qui habitait à Trie-Château. Il donnait des renseignements lorsqu’il a été arrêté par des Allemands, sans doute après dénonciation. Ma mère cachait des parachutistes et aidait des prisonniers à s’évader. En effet, des trains convoyant des prisonniers passaient à Gisors. Plusieurs essayaient alors de s’évader. Une fois, un prisonnier lui a dit : Madame, Madame, aidez-moi, je suis en train de me sauver, je ne voudrais pas être repris par les Allemands! Alors ma mère a répondu : Tiens, Paul, prends ce broc-là et viens m’aider à donner à boire!

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Albert Forcinal 1887-1976

Il est resté fidèle à Gisors tout au long de sa vie. Il a grandi entre l’hôtel de l’Écu de France et la pharmacie Patouillard. En 1914, il est mobilisé comme élève officié : blessé à la bataille de la Marne, il récolte neuf citations, puis est fait officier de la Légion d’honneur sur le champ de bataille en 1918. Il s’engage ensuite en politique, puis s’intéresse aux questions militaires à partir de 1935.

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Le magasin de faïence familial des Forcinal

Ce parcours l’amène naturellement à la résistance active : il anime le réseau Ghors-Asturies, affilié au mouvement Libération-Nord, ce qui lui vaut d’être déporté à Buchenwald en 1943.

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Jean Even

Il travaillait à la CIPEL de Gisors (Compagnie Industrielle des Piles Électriques), où il fut arrêté en 1942 par la police française. Il avait alors 23 ans. Peu après, sa valise et sa carte d’identité ont été retournées chez les siens, mais il n’est jamais rentré. On ignore tout sur les circonstances de sa mort. Personne n’a jamais pu dire non plus quel était son rôle dans la résistance.

Jean puissant

En ce qui me concerne, je ne me suis pas battu longtemps car j’ai été fait prisonnier au bout de  trois jours : j’ai été  encerclé par plusieurs soldats ennemis bien armés. Nous avions un fusil pour trois, alors que les soldats ennemis avaient un fusil-mitrailleur. Nous attendions la livraison de nos caisses de cartouches. Nous avons été emmenés à Neuf-Brisach dans un camp de guerre. Nous sommes restés sept jours sans nourriture, avec seulement cinq litres d’eau par jour, en comptant dedans l’eau pour notre toilette. Comme nous étions en juin, l’eau, nous la buvions au lieu de nous préoccuper de notre toilette. Nous attrapions la dysenterie et nous étions envahis de poux car nous dormions par terre, sur la terre ou sur le sable. Nous sommes restés plusieurs jours sans nourriture, parfois nous avions une boule de pain pour 52 prisonniers. C’est vous dire que nous nous battions. Dans les camps de prisonniers, il y avait des fils barbelés partout avec un soldat en haut d’une tour qui regardait si personne ne s’évadait ; sinon, il avait ordre de tirer. Quand nous jouions au ballon, et que celui-ci passait derrière la ligne, nous lui demandions la permission d’aller le récupérer, pour ne pas nous faire abattre comme des chiens.

Avec du recul, pouvez-vous nous dire votre sentiment sur cette période ? Vous savez, ce n’est pas quelque chose dont j’aime parler, mais j’ai une mauvaise opinion de l’humanité. A la fin de tout ce gâchis, on a du mal à faire confiance à d’autres personnes. Au niveau de mon caractère, celui-ci est devenu beaucoup plus fort et plus dur. Vivre dans un camp de prisonniers n’est pas rose : tout cela vous forge le caractère et endurcit le cœur d’un être humain. Je ne souhaite à personne de vivre l’enfer et le déroulement d’une guerre.

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Pierre Durand Timbre édité par la Poste en 1964 en mémoire des victimes de la déportation

Entré dans la résistance en Mayenne, Pierre Durand y est arrêté et envoyé au camp de Buchenwald le 22 août 1944 puis à Strattfurt le 13 septembre 1944. Il travaille dans une mine de sel puis dans une carrière de sable à l’air libre. Le 11 avril 1945, les Allemands l’évacuent de Strattfurt par étapes de 20 à 25 km par jour, à cause de l’avancée des troupes russes. Il fut assassiné par les SS le 22 avril 1945, dans l’étape qui le conduisait à Ditterbach.

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Louis Mallard 1922-1944

Né à Vaudancourt le 29 juin 1922. Marin de profession, il est engagé dans la Résistance après que l’on ait coulé la flotte française à Toulon, en 1942. Il participe à la section spécial sabotage, organisée par Jacques Nancy, parachuté de Londres sur la façade sud-ouest de la France. Avec Albert Gin, il exécute de nombreux sabotages de voies ferrées, châteaux d’eau, locomotives. A Magnac-sur-Touvre, ils détruisent un train chargé de véhicules militaires. Le 9 mai 1944, ils viennent se ravitailler dans une ferme de Malaville, mais la Gestapo à été prévenue et elle les attend. Albert Gin arrive à s’enfuir, mais Louis Mallard se tord la cheville en sautant d’un toit. Il tire sur le chef de la Gestapo d’Angoulême ; c’est alors qu’il reçoit une rafale de mitraillette dans le ventre. Puis il se tire une balle dans la tête pour ne pas être pris et torturé par les nazis.

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Maurice Fingercwajg 1923-1944

Portrait de face conservé dans les archives fédérales allemandes, présentant suffisamment de ressemblances avec le profil de l’Affiche rouge pour qu’on puisse l’attribuer à Maurice Fingercwajg naît le, 25 décembre 1923 à Varsovie, en Pologne. Il n’a pas trois ans quand ses parents se fixent à Paris. Son père, ouvrier tailleur, travaille durement afin de nourrir sa famille. Le petit Maurice va à l’école et pourrait être un enfant heureux si, à l’âge de dix ans, il n’avait perdu sa maman. Tout jeune, il travaillera comme ouvrier tapissier. Jacques, son frère aîné, qui est membre des Jeunesses communistes, exerce sur lui une grande influence. Aussi, en 1940, adhère-t-il à son tour aux J.C. où il est très actif. Lorsque le 2e détachement (juif) des FTP immigrés s’organise au printemps 1942, Maurice y est un des premiers combattants. Son courage et son dévouement lui valent d’être muté dans les équipes de dérailleurs d’élite, sous le commandement de Manouchian, où il exécute de nombreuses actions hardies. Lors des grandes rafles et persécutions antijuives, son père, ses deux frères, Jacques et Léon, sont déportés. Il reste seul au monde et sa seule famille des Combattants antifascistes. En novembre 1943, il est arrêté avec son chef Manouchian et traduit avec ses autres frères de combat au procès des 23. Condamné à mort, il est fusillé au Mont Valérien le 21 février 1944. Son nom figure sur l’affiche rouge  éditée par les Allemands : Fingercwajg, Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements.

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Szlama Grzywacz 1909-1944

Portrait conservé dans les archives fédérales allemandes, dans une pose similaire à celle de l’affiche rouge. Szlama Grzywacz (1909-1944), fut l’un des résistants fusillés au fort du Mont-Valérien comme membre du groupe Manouchian, soldat volontaire de l’armée française de libération FTP-MOI. Son nom est l’un des dix qui figurent sur l’affiche rouge placardée par les Allemands pendant le procès des 23 du groupe Manouchian. Sa photographie y est accompagnée de la mention : (Grzywacz juif polonais 2 attentats).

Premières années

Szlama Grzywacz naît à Wołomin (Pologne) en 1909, dans une famille ouvrière. Dès son jeune âge, il est obligé de travailler. À l’âge de 16 ans, il adhère aux Jeunesses communistes où il devient un militant très actif. En 1931, il est arrêté par la police pilsudskiste et condamné à cinq années de prison.

Les cinq années d’emprisonnement n’arrivent pas à briser son moral, bien au contraire. Libéré, il reprend son activité. Mais comme il est persécuté par la police, ses amis lui conseillent de quitter la Pologne. Il vient à Paris en 1936, mais il n’y reste pas longtemps : il part pour l’Espagne, où il va combattre dans les Brigades internationales, contre le fascisme qui menace le monde. Après la défaite de l’armée républicaine, il languit dans les camps de concentration de Gurs et d’Argelès, mais il réussit à s’évader.

Seconde Guerre mondiale

Sous l’occupation hitlérienne, Grzywacz devient très actif dans le mouvement syndical clandestin. Il organise les ouvriers juifs travaillant dans les ateliers de fourrure. Il estime que ce travail est trop calme pour lui, et il rejoint les FTP où il lutte de son mieux contre les bourreaux hitlériens. Lors des arrestations massives parmi les combattants immigrés, il tombe entre les mains de la Gestapo. Son passé de combattant de l’Espagne républicaine et de Franc-tireur lui valent de subir d’atroces souffrances, jusqu’au jour où, avec ses camarades, il sera traduit devant le tribunal militaire allemand, condamné à mort et fusillé, comme eux, le 21 février 1944, au fort du Mont-Valérien.

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Missak Manouchian 1906-1944

Portrait conservé dans les archives fédérales allemandes, et reproduit dans l’Affiche rouge.

Missak Manouchian (arménien: Միսաք Մանուշյան), ou Michel Manouchian, est un militant communiste de la MOI et commissaire militaire des FTP-MOI de la région parisienne, né le 1er septembre 1906 à Adıyaman, dans l’actuelle Turquie, et mort le 21 février 1944, fusillé au fort du Mont-Valérien. Missak Manouchian est né dans une famille de paysans arméniens du village d’Adıyaman en Turquie. Enfant, il perd son père, probablement tué par des militaires turcs lors du génocide arménien. Sa mère meurt quelque temps après, victime de la famine qui suivit. Il est alors recueilli, avec son frère Karabet, dans un orphelinat du protectorat français de Syrie. En 1925, ils débarquent à Marseille où Missak exerce le métier de menuisier qu’il a appris à l’orphelinat. Puis les deux frères décident d’aller à Paris, mais Karabet tombe malade. Missak se fait alors embaucher aux usines Citroën comme tourneur, afin de subvenir à leurs besoins. Karabet décède en 1927 et Missak est licencié au moment de la grande crise économique du début des années 1930. Il gagne alors sa vie en posant pour des sculpteurs. Missak écrit des poèmes et, avec son ami arménien Semma, il fonde deux revues littéraires, Tchank (l’Effort) et Machagouyt (Culture), où ils publient des articles concernant la littérature française et arménienne ; ils traduisent Baudelaire, Verlaine et Rimbaud en arménien. À la même époque, Missak et Semma s’inscrivent à la Sorbonne comme auditeurs libres et y suivent des cours de littérature, de philosophie, d’économie politique et d’histoire.

En 1934, Missak adhère au parti communiste. En 1935, il est élu secrétaire du Comité de Secours pour l’Arménie (HOC) qui relève en fait de la MOI (main d’œuvre immigrée). Il devient alors un militant permanent. C’est là qu’en 1935 il rencontre Mélinée qui deviendra sa compagne. À la même époque, il est également responsable du journal Zangou (nom d’un fleuve arménien).

Au moment de la guerre de 1939-1940, il semble qu’en tant qu’étranger, il ait été affecté dans une usine de la région de Rouen, en qualité de tourneur. Mais rentré à Paris, après la défaite de juin 1940, il reprend ses activités militantes, devenues illégales puisque le parti communiste est interdit depuis septembre 1939. Il est arrêté au cours d’une rafle anticommuniste avant le 22 juin 1941, date de l’invasion de l’URSS par les Allemands. Interné au camp de Compiègne, il est libéré au bout de quelques semaines, aucune charge n’étant retenue contre lui.

Il devient alors responsable politique de la section arménienne clandestine de la MOI dont on ne connaît guère l’activité jusqu’en 1943. En février 1943, Manouchian est versé dans les FTP-MOI, groupe des Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée de Paris : il s’agit de groupes armés constitués en avril 1942 sous la direction du Juif bessarabien Boris Holban. Le premier détachement où il est affecté comporte essentiellement des Juifs roumains et hongrois et quelques Arméniens. Le 17 mars, il participe à sa première action armée, à Levallois-Perret, mais son indiscipline lui vaut un blâme et une mise à l’écart.

En juillet 1943, il devient commissaire technique des FTP-MOI parisiens puis en août, il est nommé commissaire militaire, à la place de Boris Holban qui avait été démis de ses fonctions pour raisons disciplinaires. Joseph Epstein, responsable d’un autre groupe de FTP-MOI, était devenu le responsable de l’ensemble des Francs-tireurs et partisans de la région parisienne. Il est donc le supérieur hiérarchique de Manouchian qui, lui-même, a sous ses ordres trois détachements, soit au total une cinquantaine de militants[]. On doit mettre à son actif l’exécution (par Marcel Rayman, Léo Kneler et Celestino Alfonso), le 28 septembre 1943, du général Julius Ritter, adjoint pour la France de Fritz Sauckel, responsable de la mobilisation de la main-d’œuvre (STO) dans l’Europe occupée par les nazis. Les groupes de Manouchian accomplissent près de trente opérations en plein Paris d’août à la mi-novembre 1943.

La Brigade spéciale n° 2 des Renseignements généraux avait réussi deux coups de filet en mars et juillet 1943. À partir de là, elle put mener à bien une vaste filature qui aboutit au démantèlement complet des FTP-MOI parisiens à la mi-novembre avec 68 arrestations dont celles de Manouchian et Joseph Epstein. Au matin du 16 novembre 1943, Manouchian est arrêté en gare d’Évry Petit-Bourg. Sa compagne Mélinée parvient à échapper à la police. Missak Manouchian, torturé, et vingt-trois de ses camarades sont livrés aux Allemands de la Geheime Feldpolizei (GFP) qui exploitent l’affaire à des fins de propagande.

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Affiche rouge

Son nom figure sur l’affiche rouge éditée par les Allemands: (Fingercwajg, Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements). La fameuse Affiche rouge, éditée par les Allemands et placardée à 15 000 exemplaires, présente Manouchian en ces termes : Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés. Mais l’affaire de l’Affiche rouge, placardée sur les murs de Paris par l’ennemi, produit l’effet contraire à celui escompté : pour toute la Résistance, elle devient l’emblème du martyre. Les soutiens de sympathisants se multiplient.

Les vingt-deux hommes sont fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Olga Bancic est décapitée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944.

Posthume

En 1955, à l’occasion de l’inauguration de la rue du Groupe Manouchian, située dans le 20e arrondissement de Paris, Aragon écrit un poème Strophes pour se souvenir, librement inspiré de la dernière lettre que Missak Manouchian adressa à son épouse Mélinée. Ce poème sera mis en musique par Léo Ferré sous le titre L’Affiche rouge, en 1959.

La mairie d’Évry a donné le nom de Missak Manouchian à un parc en bord de Seine, à l’endroit même où eut lieu son arrestation. Une plaque commémorative a été déposée le 21 février 2009, par la mairie de la ville de Paris[, au 11 rue de Plaisance, Paris XIVe, en présence d’anciens Résistants. Cet ancien hôtel fut le dernier domicile de Mélinée (née Assadourian) et Missak Manouchian.

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Marcel Rayman 1923-1944

Portrait conservé dans les Archives fédérales allemandes, dans une pose identique à celle de l’Affiche rouge.

Premières années

Marcel Rayman naît le 1er mai 1923 à Varsovie. Il vient en France avec ses parents à l’âge de huit ans. À dix ans, il entre aux Pionniers et au club sportif ouvrier Yask. Rattrapant son retard, il étudie avec facilité et passe son brevet élémentaire à quinze ans. Il commence à travailler avec ses parents, comme ouvrier tricoteur.

Seconde Guerre mondiale

Dès que les premiers groupes des Jeunesses communistes se reforment, il y adhère d’emblée et milite activement jusqu’au début de 1942, participant aux manifestations illégales, collages d’affiches, papillons, etc. Il devient responsable des J.C. du XIe arrondissement.

Au début de 1942, il demande à entrer au deuxième détachement juif FTP. Il est accepté. Il se distingue aussitôt par son courage et son intelligence. Il est nommé moniteur pour entraîner les nouveaux combattants. Lorsque le groupe tchèque des FTP se forme, il y est envoyé pour leur enseigner l’art militaire des partisans. Il y réussit pleinement et la première action contre les Allemands au Pont des Arts connaît un très grand retentissement. Lors de la formation du détachement arménien, il est de nouveau envoyé comme moniteur. Fait notable, la première action de Missak Manouchian, à Levallois, est faite sous la direction de Marcel Rayman.

Le 3 juin 1942, devant le, 17 rue Mirabeau à Paris 16ème, Marcel Rayman et Ernest Blankopf lancent à toute volée des grenades sur un car de la Kriegsmarine. Les Allemands ripostent d’un feu nourri. Marcel Rayman, recherché par toutes les polices, parvient à s’échapper, mais Ernest Blankopf grièvement blessé préfère se tirer la dernière balle de son pistolet dans la tête plutôt que d’être pris.

Durant l’été 1943, les FTP MOI décident d’abattre le commandant du Grand Paris, le général von Schaumburg, signataire des affiches placardées dans Paris annonçant l’exécution des résistants. Le service de Renseignement de la FTP MOI, je repère un officier très galonné. Il va quotidiennement se promener à cheval au Bois de Boulogne, escorté de 2 gardes. Après sa promenade, il remonte l’avenue Raphaël et entre dans la cour d’un luxueux hôtel, avant de reprendre sa voiture de fonction qui le conduit à l’hôtel Meurice. L’itinéraire étant toujours le même, Marcel Rayman, Raymond Kojiski et Léo Kneller décident d’agir. Le 28 juillet 1943, les trois hommes attaquent la voiture en lançant une grenade et parviennent à s’enfuir. Mais la cible est manquée et de plus, ce n’était pas le commandant du Grand Paris qui se trouvait dans la voiture ce jour-là, mais le lieutenant colonel Moritz von Maliber et un membre de son état major.

Désormais Marcel Rayman est très recherché, et sa planque, rue de Belleville à Paris, ne tarde pas à être connue des Renseignements généraux. Mais ceux-ci préfèrent prolonger la filature plutôt que de se contenter d’une seule arrestation.

En juillet et août 1943, les Brigades Spéciales n° 2 (BS2) des Renseignements généraux concentrent leurs efforts sur les terroristes de la MOI. Marcel Rayman, responsable du groupe des dérailleurs (de trains) et de l’exécution, Missak Manouchian, chef militaire, et Léo Kneller, combattant très aguerri, sont les plus recherchés.

Début août 1943, Lajb Goldberg, farouche partisan depuis juillet 1942 (ses parents ont été raflés) est identifié et suivi jusqu’au 9 bis passage de Stinville. Il ressort accompagné de Marcel Rayman, suivi par l’inspecteur Constant des RG.

À la fin de l’été, presque tous les combattants de la MOI sont repérés.

Le service de renseignement FTP-MOI, avait remarqué des renforcements des mesures de sécurité rue Saint-Dominique, à Paris. Une grosse Mercedes garnie sur les ailes de fanions à croix gammée, pénétrait régulièrement dans la cour de la Maison de la Chimie et un dignitaire nazi en descendait. Après quatre mois de filatures, la direction militaire de la MOI avise Marcel Rayman, Léo Kneler et Celestino Alfonso de préparer un plan d’attaque contre ce dignitaire. L’opération est placée sous l’autorité de Missak Manouchian, responsable militaire des FTP-MOI, depuis fin aout 1943. Le 28 septembre 1943, à 8h30, la Mercedes stationne quelques minutes avant d’emporter son passager. Celestino Alfonso tire sur l’officier SS quand il monte en voiture. Les vitres amortissent les balles. L’homme est blessé ; il tente de fuir par la portière opposée, mais Marcel Rayman l’achève de trois balles. C’est par la presse allemande que les combattants apprennent l’identité du personnage : il s’agit de Julius Ritter, responsable du STO en France. La dénonciation en première page de cet « acte abominable » et les obsèques officielles en l’Église de la Madeleine donnent plus d’éclat encore à l’opération.

Aux mains de l’ennemi

Marcel Rayman est arrêté par les Brigades Spéciales le, 16 novembre 1943 à un rendez-vous avec Olga Bancic-Zvec. Il est inculpé dans le procès des 23 FTP-Immigrés qui se déroule les 17 et 18 février 1944. Il est l’un des dix représentés sur l’Affiche rouge placardée dans tout Paris. Le tribunal militaire allemand le condamne à mort. Il est fusillé au fort du mont Valérien le, 21 février 1944 avec 21 membres du groupe Manouchian.  Marcel Rayman, dit Faculté, effectué par les inspecteurs de la BS2 : Faculté : 19 ans, corpulence trapue, visage rond, cheveux châtain foncé, frisés et abondants, chandail bleu marine à col roulé, pardessus bleu à martingale, souliers noirs, porte une serviette sous le bras.

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Wolf Wajsbrot 1925-1944

Portrait conservé dans les archives fédérales allemandes, dans une pose identique à celle de l’Affiche rouge. Mécanicien, il réside à Paris  et s’engage dans les FTP-MOI après que toute sa famille a été arrêtée lors de la Rafle du vélodrome d’hiver le 16 juillet 1942. Il participe à l’action du 3 janvier 1943, avenue de Lowendal à Paris, où des Allemands sont tués et blessés. Il est ensuite versé dans le détachement des dérailleurs des FTP-MOI et participe à de nombreux déraillements de trains.

Arrêté le 18 novembre 1943 par la police française (Brigades Spéciales des Renseignements Généraux), il est condamné à mort par une cour militaire allemande le 18 février 1944 et fusillé le 21 février 1944 au Mont Valérien avec vingt et un de ses camarades du Groupe Manouchian.

Affiche rouge

Son nom figure sur l’Affiche rouge éditée par les Allemands: Wasjbrot, juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements.

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Robert Witchitz 1924-1944

Robert Witchitz (Abscon le 5 août 1924 – fusillé au fort du mont Valérien le 21 février 1944), est un soldat volontaire de l’armée française de libération (FTP-MOI / Groupe Manouchian). Robert Witchitz naît le, 5 août 1924 à Abscon, Nord, d’un père mineur d’origine polonaiseet de mère française. Élevé par ses grands-parents, il resta dans son village natal jusqu’à l’âge de cinq ans, puis vint ensuite dans la région parisienne où il fréquenta l’école laïque.

Seconde Guerre mondiale

Au début de la guerre, son père étant mobilisé, Robert devient télégraphiste. Son père est fait prisonnier, mais étant déjà ancien combattant de la guerre 14-18, il rentre de captivité. Robert, lui, est licencié. Il doit faire des courses à bicyclette, pour le compte d’une distillerie tout en militant dans les Jeunesses Communistes, à Ivry sur Seine. Il est alors réquisitionné dans le cadre du STO pour aller travailler en Allemagne. À l’insu de ses parents, il rejoint en février 1943 la FTP-MOI. Chaque fois que, par la presse ou tout autre moyen, il apprenait la mort d’un Allemand ou d’un collaborateur, il se réjouissait et disait à son père : Tu vois, il y a encore des hommes, et de bons Français. Un jour qu’il était resté chez lui, vers cinq heures du matin, on crie dehors : Police ! Ses parents se rappellent avec angoisse les efforts qu’il fit pour essayer de s’enfuir par la fenêtre. Peine perdue. Faites entrer les agents, dit-il. Quand ils le virent : C’est toi, Robert ? D’ici deux ou trois heures, fous le camp ! Mais ne vas pas en Corrèze ni dans une région aussi dangereuse. À partir de ce jour-là, les parents de Robert comprirent enfin quel était le genre d’activité de leur fils.

Le, 12 novembre 1943, Robert est arrêté à la suite d’une action contre un convoyeur de fonds allemand. Il prévient ses parents dans une lettre où il s’accuse, pour ne pas incriminer ses camarades de combat, d’avoir fait une bêtise. Il reste en prison, exactement cent jours et jamais ses parents, malgré de nombreuses demandes, ne seront autorisés à le voir. Traduit avec ses autres frères de combat au procès des 23, il est condamné à mort.

Un jour, ses parents reçoivent l’autorisation de lui rendre visite. Mais la veille, les Allemands l’avaient fusillé au Mont Valérien. Pendant le court laps de temps où il a agi comme Résistant, Robert a participé à 13 actions.

Robert Witchitz est fusillé au fort du mont Valérien le, 21 février 1944 avec les 23 membres de l’Affiche rouge. Son corps fut déposé au carré des Fusillés au cimetière d’Ivry-sur-Seine, et plus tard, conformément au désir de la mère, dans le caveau de la famille.

Affiche rouge

Son nom figure sur l’affiche rouge éditée par les Allemands : Witchitz, Juif polonais, 15 attentats. Les nazis ont pris Robert Witchitz pour un Juif et pour un Polonais alors qu’il n’était ni l’un, ni l’autre!

LES FUSILLÉS DE CHÂTEAUBRIANT

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 3 h 32 min

Fusillés en 1941). Des otages exécutés par les nazis

Après l’appel du général de Gaulle, le 18 juin 1940, et la signature de l’armistice, le 22 juin, des Français refusent de se résigner et choisissent de combattre l’Allemagne nazie. L’année 1941 est une année importante pour la Résistance. Les groupes et les réseaux se développent, les attentats et les sabotages se multiplient, tandis que l’attaque allemande contre l’URSS entraîne l’engagement officiel du Parti communiste dans la lutte. Les réactions des Allemands sont de plus en plus violentes. En août 1941, ils décident de fusiller des prisonniers français pour punir les actes de résistance. Les fusillés de Châteaubriant ne sont pas les premiers otages exécutés, mais leur massacre est le point de départ des exécutions massives perpétrées à titre de représailles par l’occupant nazi.

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Détail du monument érigé à la Sablière en hommage aux fusillés de Châteaubriant.

Les dates clé des camps de Châteaubriant (1940-42) Après la défaite de 1940, les troupes allemandes occupent une partie de la France et parviennent, notamment, en Bretagne.

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Vue aérienne du camp de Choisel.

Le 17 juin 1940, les Allemands entrent dans Châteaubriant, petite ville de 10 000 habitants, située dans la vallée de la Chère. Les soldats faits prisonniers à Nantes et dans les environs sont dirigés sur Châteaubriant et regroupés sur le champ de courses de Choisel.

Quatre camps sont alors créés :

Le camp (A), au moulin Roul, où sont enfermés des tirailleurs sénégalais.

Le camp (B), dans le marais de la Courbetière, où sont rassemblés des prisonniers anglais.

Le camp (S), dans le terrain de sport de la Ville en Bois, où sont détenus des prisonniers venus de Nantes.

Le camp (C), celui de Choisel, le plus important et le mieux organisé.

Fin 1940, quelque 45 000 prisonniers sont internés à Châteaubriant. Le 14 janvier 1941, ils sont transférés en Allemagne. Seul le camp de Choisel va subsister.

Aux anciens prisonniers succèdent des nomades raflés sur les routes et des droits communs puis, à partir de la fin avril, des détenus politiques des deux sexes, anciens dirigeants syndicalistes des Bourses du travail, dirigeants des mouvements du Front Populaire ou des communistes arrêtés par le gouvernement de Vichy.

En octobre 1941, environ 600 personnes sont détenues au camp de Choisel. Extrêmement solidaires les uns des autres, ces prisonniers occupent leurs journées à des activités intellectuelles, organisent des cours de langues, ou effectuent des travaux de jardinage destinés à améliorer l’ordinaire.

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En août 1941, une ordonnance transforme les Français arrêtés en otages. En application de cette ordonnance signée par le général Schaumburg, commandant du Gross Paris, plusieurs des détenus du camp de Choisel sont fusillés, notamment les 22 octobre et 15 décembre 1941.

1941 : l’occupant nazi exécute des otages

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Avis publié dans L’oeuvre du 23 août 1941, annonçant que les Français arrêtés sont désormais des otages.

Août 1941 – Les nazis décident d’exécuter un groupe de prisonniers français, désormais considérés comme otages, en représailles de tout acte de résistance. Le 21 août 1941, un soldat allemand, l’aspirant Moser, est abattu à Paris, dans la station de métro Barbès-Rochechouart. Après cet attentat, une ordonnance allemande décrète: A partir du 23 août, tous les Français mis en état d’arrestation sont considérés comme otages. En cas de nouvel acte, un nombre d’otages correspondant à la gravité de l’acte commis sera fusillé. À la mi-octobre 1941, des groupes de résistants armés, dont les membres sont présentés comme des terroristes par les Allemands, programment une série d’opérations à Bordeaux, à Nantes et à Rouen. Ces actions de résistance visent à obliger l’occupant à maintenir des troupes sur l’ensemble du territoire en entretenant un climat d’insécurité, ainsi qu’à développer la lutte armée.

Le 19 octobre 1941, un sabotage provoque le déraillement d’un train sur la ligne Rouen-Le Havre. 20 octobre 1941 – L’officier allemand Holtz est abattu par des résistants, à Nantes.

Le 20 octobre 1941, près de la cathédrale de Nantes, deux jeunes Parisiens, Gilbert Brustlein et Guisco Spartaco, rencontrent sur leur chemin deux officiers allemands, le lieutenant Holtz et le médecin-capitaine Sieger. Ils leur emboîtent le pas. Au moment de tirer, l’arme de Spartaco s’enraye, mais le revolver de Brustlein atteint Holtz qui s’effondre.

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L’intérieur du camp de Choisel, juillet 1941.

La réaction de l’occupant nazi est immédiate : à Châteaubriant, une commune située à environ 70 km de Nantes, des troupes allemandes viennent renforcer la gendarmerie française qui assure la garde du camp de Choisel. Un officier allemand se présente au camp pour y consulter la liste des prisonniers. La majorité d’entre eux sont des détenus politiques arrêtés par le gouvernement du maréchal Pétain. 21 octobre 1941 – Les nazis annoncent l’exécution de cinquante otages, en représailles de la mort de l’officier allemand Holtz.

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Guy Môquet, photographié en compagnie de sa mère et de son frère, Serge, en visite à Châteaubriant. A dix-sept ans, il est le plus jeune des otages fusillés le 22 octobre 1941.

Le 21 octobre 1941, le général Von Stülpnagel, commandant militaire en France, annonce par voie d’affiche :

En expiation de ce crime, j’ai ordonné préalablement de faire fusiller cinquante otages  cinquante autres otages seront fusillés au cas où les coupables ne sont pas arrêtés d’ici le 23 octobre 1941, à minuit. J’offre une récompense  de quinze millions de francs aux habitants du pays qui contribueraient à la découverte du coupable.

Le choix des otages est laissé à la discrétion du gouvernement de Vichy. Les Allemands présentent au ministre de l’intérieur, Pierre Pucheu, une liste de cent détenus. Les noms de cinquante personnes sont retenus, essentiellement des communistes. L’exécution du premier groupe d’otages se prépare.

Le 21 octobre 1941, à Bordeaux, un autre officier allemand, le conseiller d’administration militaire Reimers, est abattu par Pierre Rebière.

La riposte des autorités allemandes est la même : cinquante otages fusillés, cinquante otages en sursis jusqu’à l’arrestation des coupables, une récompense de quinze millions de francs offerte aux dénonciateurs. 22 octobre 1941 – Les nazis exécutent quarante huit otages français, dont vingt-sept à Châteaubriant, en représailles de la mort de l’officier allemand Holtz. Le mercredi 22 octobre, en début d’après-midi, les Allemands regroupent à Châteaubriant, au camp de Choisel, vingt-sept otages. Dans une baraque du camp, ils peuvent écrire une dernière lettre, avant d’être conduits à la carrière de la Sablière, située à la sortie de la ville, pour y être exécutés.Leur exécution se déroule en trois salves, à 15 h 50, 16 h 00 et 16 h 10. Tous refusent d’avoir les yeux bandés et les mains liées. Ils meurent en chantant la Marseillaise.

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La liste des quarante-huit otages fusillés est publiée dans L’oeuvre du 23 octobre 1941

Ce jour-là, d’autres otages sont également exécutés à titre de représailles : seize au champ de tir du Bêle, à Nantes, et cinq au fort du Mont-Valérien. Le 22 octobre au soir, dans son discours à la radio, le maréchal Pétain ne prononce aucune condamnation de ces exécutions et dénonce, au contraire, les auteurs d’attentats et enjoint aux Français de se dresser contre eux, en les poussant à la délation : Par l’armistice, nous avons déposé les armes. Nous n’avons plus le droit de les reprendre pour frapper les Allemands dans le dos. Aidez la justice. Je vous jette ce cri d’une voix brisée : ne laissez plus faire de mal à la France.

23 octobre 1941 – Les Allemands dispersent les vingt-sept corps des fusillés de Châteaubriant dans neuf cimetières des environs. Le 23 octobre, le secrétariat général à l’information diffuse un communiqué destiné à apaiser les esprits : Il est établi que les autorités occupantes ne choisissent pas les otages destinés à être exécutés parmi les personnes arrêtées après un attentat, mais parmi les suspects internés dont la culpabilité a été nettement prouvée. 24 octobre 1941 – Les nazis exécutent un autre groupe de cinquante otages, en représailles de la mort de l’officier allemand Reimers.

Le 24 octobre, cinquante otages sont fusillés à Souges, près de Bordeaux, à la suite de l’attentat du 21 octobre contre le conseiller militaire Reimers. Dans le même temps, le maréchal Pétain propose de se livrer lui-même aux Allemands comme otage. Rencontrant l’opposition de ses ministres, il renonce à son projet et Pierre Pucheu est chargé de négocier avec les autorités d’occupation.

Les Allemands menacent de fusiller de nouveaux otages si les coupables ne sont pas découverts, mais l’offre de récompense pour la dénonciation des auteurs de l’attentat ne porte pas ses fruits. Stülpnagel essaie alors d’amener les Français à coopérer et promet aux familles qui apporteront leur concours la libération des détenus en Allemagne et le retour des prisonniers dans leur foyer. Au terme de ses tractations avec les autorités de Vichy, Stülpnagel renonce finalement aux exécutions complémentaires.

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Cérémonie clandestine à la Sablière : bravant l’interdiction des Allemands, la population de Châteaubriant vient rendre hommage aux fusillés, 1943.

26 octobre 1941 – La population rend un hommage clandestin aux fusillés de Châteaubriant. Malgré les interdictions, la population de Châteaubriant et de ses alentours se rend à la carrière de la Sablière le dimanche suivant l’exécution des otages, pour déposer des fleurs à l’emplacement des neuf poteaux d’exécution. Alors que l’autorité allemande pensait faire de la fusillade de Châteaubriant un exemple, elle obtient l’effet inverse.

Partout, cette exécution suscite l’indignation et la colère. Elle frappe de manière irréversible la conscience des habitants de la région et l’ensemble de la population française, et joue un rôle important dans la mobilisation des énergies pour combattre l’occupant nazi. Son retentissement est considérable dans le pays comme à l’extérieur. Janvier 1942 – Publication du poème de Pierre Seghers, en hommage aux otages exécutés par l’occupant nazi.

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Monument érigé à la Sablière en hommage aux fusillés de Châteaubriant.

Mai 1942 – Fermeture du camp de Choisel. À la suite de plusieurs évasions, le camp de Choisel ferme le 9 mai 1942 et les prisonniers sont transférés vers Voves et Aincourt.

Les Résistants de la Vienne fusillés au Mont-Valérien (92) Suresnes

Après la victoire militaire allemande en juin 1940, Hitler choisit de traiter avec un gouvernement français plutôt que d’imposer lui-même directement sa domination. Le Maréchal Pétain et son gouvernement offrent ainsi au Führer cette opportunité qui garantit une occupation paisible de l’armée nazie engagée d’autre part sur ses objectifs militaires contre l’Angleterre et l’URSS.

Pétain souhaitant reconstruire une nouvelle France selon les principes de la révolution nationale et suivant les conditions de l’armistice du 22 juin 1940, accepte de collaborer avec l’occupant pour lutter contre les Français qui reprendraient le combat.

Dès l’été 1940, les nazis répriment durement les Résistants qui s’attaquent aux troupes d’occupation : 14 exécutions de juin 1940 à mai 1941. Soulignons toutefois que les Allemands préfèrent laisser à Vichy la responsabilité de la répression à la fois pour des raisons d’efficacité mais aussi pour éviter d’assumer l’impopularité de cette répression ressentie par la population. Au cours de l’été 1941, après l’invasion allemande de l’Union Soviétique le 22 juin 1941, débute la nouvelle stratégie de lutte armée des communistes en France avec la multiplication des attentats contre l’armée allemande. L’occupant nazi, sur ordre de Hitler réagit immédiatement : des otages seront exécutés dans le but de venger les morts et d’intimider la population française. Berlin réclame l’exécution de 100 otages pour un allemand tué. Commencent alors les massacres d’otages choisis parmi les communistes et les juifs (désignés par Hitler comme responsables du complot judéo-communiste). Et les étrangers. Soulignons également que l’un des premiers agents secrets envoyés par de Gaulle en Bretagne pour organiser le réseau Nemrod, Louis Honoré d’Estienne d’Orves sera fusillé au Mont-Valérien le 29 août 1941 avec trois de ses compagnons : Jan-Van Louis Doornik officier d’origine hollandaise, Maurice Barlier et Maurice Noël officiers de carrière. Suivront les exécutions d’agents des réseaux de renseignement comme Charles Deguy, Roger Pironneau, Gustave Bonhomme, Stéphane Hampel, Etienne Champion et tant d’autres qui ont payé de leur vie leur engagement pour la libération de la France et la lutte pour la liberté. Le 22 octobre 1941, à Châteaubriant, à Nantes et à Paris, 48 otages sont fusillés. Le 24 octobre, 50 le seront à Souges près de Bordeaux, puis 95 dont 70 au Mont-Valérien à Suresnes et 25 en province. Vichy radicalise son régime avec sa loi du 14 août 1941.

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Affiche du 14 août 1941).

Loi antidatée qui permet de punir de façon rétroactive les communistes qui pourront de fait être jugés et fusillés pour un acte commis avant la promulgation de cette loi. Sont instituées en même temps des sections spéciales qui peuvent condamner à mort et cela sans possibilité de faire appel. Cette loi se double à la même date d’une puissante campagne de propagande du commandement militaire allemand en France qui diffuse, à grands renforts d’affiches Des menaces de condamnation à mort à l’encontre de toute personne qui se livre à une activité communiste ou qui la soutient. Vichy accepte de participer à la désignation des otages, engagement qui tient à la nature répressive du gouvernement de Pétain, à son anticommunisme et son antisémitisme. Ainsi les tribunaux allemands avec la collaboration active de Vichy et de sa police vont condamner à mort et fusiller des milliers de Résistants en France. Dans la Vienne, 128 seront exécutés à La Butte de Biard. Le 18 août 1940, huit syndicalistes CGT des usines Renault de Boulogne-Billancourt seront les premiers fusillés du Mont-Valérien. Jusqu’au 9 juin 1944, 1006 résistants pour la plus grande part communistes, français et étrangers, seront passés par les armes de la répression nazie (ce nombre de 1006 établi avec certitude pouvant être en dessous de la réalité, certaines sources avançant le chiffre de 4000 victimes).

Huit Résistants de la Vienne ont été fusillés au Mont-Valérien :

Le 15 décembre 1941 : Daniel PERDRIGE, 36 ans, domicilié à Châtellerault, ancien maire de Montfermeil, interné à la prison du Cherche-Midi puis d’Alincourt et au camp de Compiègne est exécuté au Mont-Valérien. Sa sœur Charlotte Perdrigé membre de l’intelligence service, arrêtée à Paris, sera déportée.

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Marcel et Louise Lavigne

Le 21 septembre 1942 : Domicilié à Poitiers, monteur-électricien, résistant engagé dans les rangs du Front National de Libération de la France, auteur entre autres actions de l’évasion de 4 résistants détenus au camp d’internement de Rouillé, est arrêté le 25 mars 1942 de même que sa femme Louise Lavigne qui sera déportée et décédera à Auschwitz. Marcel Lavigne est exécuté avec 45 de ses camarades au Mont-Valérien le 21 septembre 1942. René Amand, frère de Louise Lavigne arrêté le 23 juin 1941 sera déporté à Auschwitz le 6 juillet1942 où il décédera le 15 novembre 1942.

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Jacques Delaunay (à droite sur la photo), Marc Delaunay (2ème en partant de la droite), Jacques Massias (au centre) et Eloi Rieckert (4ème en partant de la droite), tous membres du groupe FTP Tullius  qui organisait des sabotages de voies ferrées, sont arrêtés. Condamnés par le Tribunal d’Etat Français à des peines de prison, les nazis considérant ce jugement laxiste les condamnent à mort. Les 4 étudiants résistants sont fusillés le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien. J. Gautier (1er à gauche) a été relâché.

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Le 21 février 1944, Spartaco Fontano

Est exécuté au Mont-Valérien avec 22 résistants de la M.O.I (main- d’œuvre immigrée) du groupe Manouchian Spartaco FONTANO était le cousin des deux frères Nerone Fontano fusillé à la Butte de Biard), et de Jacques Fontano massacré par les nazis à Vaugeton (Celle l’Evescault). Ils étaient d’origine italienne, nés à Trieste et antifascistes.

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Cloche portant gravés les noms des 1006 fusillés.

Le 24 mars 1944 : Paul Quillet (alias Penot dans la Résistance), fils de commerçants de Châtellerault, réfractaire au STO (service du travail obligatoire en Allemagne), s’engage dans les FTPF de la région parisienne en août 1943. Nommé commissaire aux opérations contre l’armée nazie auxquelles il a participé avec courage, il est arrêté le 18 novembre 1943, interné à Fresnes, condamné à mort par un tribunal allemand le 16 mars 1943 et fusillé au Mont-Valérien le 24 mars 1944. Il allait avoir 22 ans. Comme dans l’ensemble du pays, le département de la Vienne compte parmi les fusillés du Mont-Valérien des résistants français et étrangers. Ils ont péri sous le coup de ce mot terrible d’un procureur français des tribunaux spéciaux : Vous êtes communiste, étranger et juif, trois raisons pour que je demande la peine de mort contre vous. Face à cette barbarie, ils sont morts debout au nom d’un idéal qui refuse la servitude. Par décision du Général de Gaulle, le Mont-Valérien est devenu le Mémorial de la France Combattante. Ce mémorial a été inauguré le 18 juin 1960 par le président de Gaulle qui a décidé que le dernier résistant de la France Libre serait inhumé sur le lieu de cette tragédie.

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LE COURAGE

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 3 h 23 min

LE COURAGE dans LA RÉSISTANCE 1940-1945 artfichier_729028_1828702_201303011244250

Madame Flaubert

Le Général de Gaulle créa le 17 novembre 1940, à Brazzaville, l’ordre de la Libération ; il instaura la Croix de la Libération comme insigne des Compagnons et définit le cadre de son attribution:

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Croix de la Libération

Récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se sont signalées dans l’œuvre de la Libération de la France et de son empire.

Croix de la Libération

Récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se sont signalées dans l’œuvre de la Libération de la France et de son empire.

Cette croix fut décernée jusqu’au 23 janvier 1946 à 1036 personnes, militaires et civiles, ainsi qu’à 5 villes et 18 unités combattantes.

Certains compagnons sont très célèbres, c’est le cas de Jean MOULIN, Pierre MESSMER, André MALRAUX, Jacques CHABAN-DELMAS, Jean de LATTRE de TASSIGNY, Philippe LECLERC de HAUTECLOQUE, Winston CHURCHILL, Dwight EISENHOWER OU le roi GEORGES VI d’Angleterre. D’autres en revanche, sont des Français anonymes, issus de tous les milieux et de toutes les régions de France ; Rien ne les distinguait avant qu’ils eurent tout donné, tout risqué et parfois sacrifié leur vie pour leurs convictions et leur attachement à la Patrie.

Six femmes seulement se virent décerner cette distinction exceptionnelle. L’une d’entre elles est Franc-Comtoise. Il s’agit de Mademoiselle Simone Joséphine Françoise Irma MICHEL-LÉVY, née à CHAUSSIN (Jura) le 16 janvier 1906, fille de Jules Séraphin MICHEL-LÉVY, et de Marguerite Joséphine PETITPERRIN.

Après une excellente scolarité ponctuée par un brevet élémentaire passé à 14 ans à SALINS-LES-BAINS, Simone suit la migration de son père ouvrier-plâtrier à CHAUNY dans l’AISNE. C’est ici qu’elle entre à 16 ans et demi dans l’administration des P.T.T.

Mutée de CHAUSSIN à PARIS, Simone y poursuit une carrière qui s’annonce brillante lorsque l’Armistice de 1940 est signé. Elle a alors 34 ans et refuse d’emblée de subir le joug de l’envahisseur sans réagir.

La fière devise Franc-Comtoise qu’elle a faite sienne Comtois rends-toi, Nenni ma foi ! lui dicte une conduite patriote – elle édite des tracts, participe à l’écriture et la diffusion de brochures antiallemandes – et courageuse – elle établit de fausses cartes professionnelles pour de jeunes réfractaires du S.T O. – puis son action devient vite héroïque, et déterminante pour le commandement allié et l’issue du débarquement.

En effet, avec une poignée de fonctionnaires du Ministère des P.T.T., elle fonde le mouvement Résistance P.T.T. où elle occupe les fonctions d’adjointe au chef d’état-major Ernest PRUVOST. Ce réseau est moins connu que Résistance Fer mais se révèle tout aussi efficace ; les moyens de transmission, les véhicules et les agents munis de laissez-passer dont il dispose le rendent extrêmement opérant, et très redoutable pour les Allemands.

Simone accède rapidement au grade de commandant dans les Forces Françaises Combattantes et ne se contente pas d’un rôle passif; tout en poursuivant son activité professionnelle, elle assume secrètement la responsabilité du très dangereux secteur radio au sein de Résistance P.T.T. 

Sous les pseudonymes d’ EMMA, Madame FLAUBERT, Madame ROYALE, FRANÇOISE. On la retrouve préparant des zones de parachutage dans l’AISNE, livrant des postes radio en NORMANDIE ou en BRETAGNE et organisant l’exploitation de stations radio-électriques en banlieue sud de PARIS.

Elle assure également la liaison avec les réseaux C.N.D. Confrérie Notre Dame du Colonel alias RÉMY et O.C.M. Organisation Civile et Militaire du Colonel Alfred TOUNY auxquels elle apporte l’appui logistique dont ils ont besoin.

Le message Les dés sont sur le tapis qui déclenche le 5 juin 1944 les sabotages prévus par LONDRES pour faciliter le débarquement de NORMANDIE fut émis par de nombreux postes dont Simone avait personnellement assuré la mise en place.

Son activité fut interrompue en plein essor le 5 novembre 1943 par la trahison de Robert BACQUE alias TILDEN, lequel fut également la cause de 90 autres arrestations et de l’anéantissement du réseau de RÉMY dont il était l’un des chefs-radio.

Malgré les ignobles tortures infligées par la bande du sinistre MASUY qui opérait 101, Avenue Henry MARTIN, Simone tint bon et sus souffrir sans dénoncer ses camarades, permettant ainsi au reste de l’état-major de Résistance P.T.T. de ne pas être inquiété.

Après une des séances du supplice de la baignoire qu’elle subit 8 fois, alors qu’à bout de force, elle ne se débat plus, son tortionnaire ne lui jette :

Ah ! Emma, tu es bien une sale caboche de Franc-Comtoise, tu fais exprès de mourir !

Au terme de 4 mois de sévices abominables ponctués de transferts entre sa prison de FRESNES et l’avenue Henry MARTIN, elle est envoyée en février 1944, via COMPIÈGNE au camp de concentration de RAVENSBRÜCK (Mle 27481) d’où elle sera rapidement dirigée vers un kommando de travail à HOLLEISCHEN dans les SUDÈTES  en TCHÉCOSLOVAQUIE (Mle 50422).

Ne pouvant se soustraire au travail qui lui est imposé et désirant poursuivre son idéal, elle décide de saboter chaque fois que cela lui est possible la chaîne de montage de munitions anti-aériennes à laquelle elle est affectée. Après plusieurs sabotages réalisés dans des conditions particulièrement dangereuses, elle est démasquée en octobre 1944, punie, et cruellement bastonnée pour l’exemple.

Un rapport spécial envoyé à HIMMLER revient de BERLIN au printemps 1945, porteur de la sentence de mort. Simone doit être immédiatement transférée au camp de FLOSSENBÜRG avec deux de ses jeunes camarades qui ont participé aux sabotages (Hélène Millot épouse Lignier mle 50414, Mimie Suchet). Les trois femmes y seront pendues le vendredi 13 avril 1945, alors que les canons américains tonnent déjà alentour.

Trois jours plus tard, devant l’avancée alliée, l’ordre d’évacuation générale du camp est donné. Le 23 avril, le 538e régiment de la 3e  armée américaine libère les quelques derniers internés de FLOSSENBÜRG, dix jours après la pendaison, quinze jours seulement avant la signature de la capitulation allemande et 17 jours avant le suicide d’Hitler.

L’arrestation de Simone MICHEL-LÉVY et son admirable tenue, courageuse et fière, ont incité tous ses camarades des P.T.T à continuer avec acharnement la lutte. Le réseau P.T.T. est devenu ainsi un chaînon de la délégation du Général de Gaulle en territoire occupé. En effet, c’est par son intermédiaire que le courrier, l’argent et les armes étaient distribués à diverses organisations de la Résistance, principalement au réseau Action et aux F.F.I. et répartis, en vue du débarquement, à la satisfaction générale des alliés.

Edmond DEBEAUMARCHÉ, 1958. Compagnon de la Libération

Le Service des Recherches et du Contrôle Technique, dernière affectation de Simone, rue du Général BERTRAND à PARIS, et le C.N.E.T. qui lui succéda, ont très largement honoré sa mémoire au travers de cérémonies du souvenir et de la pose de plaques commémoratives.

La ville de CHAUNY où elle fit ses premiers pas dans l’administration des P.T.T. rappelle son action par une plaque apposée sur le mur extérieur de la maison des postes.

Son village natal de CHAUSSIN qui donna son nom à une rue et installa une plaque sur le mur de la maison qui l’a vu naître, abrite également son cénotaphe dans le carré militaire du cimetière.

De nombreuses associations à PARIS, en BRETAGNE ont honoré et honorent encore sa mémoire (comité des fusillés de BEAUCOUDRAY en juin 2000).

Une résidence des P.T.T. à TRÉBEURDEN (22) porte son nom ; son entrée est ornée d’une stèle rappelant aux visiteurs le courage dont elle a fait preuve.

L’administration des P.T.T. a édité un timbre et une enveloppe premier jour à son effigie en 1958. Plusieurs auteurs citent son action, en particulier Christian BERNADAC (Kommandos de femmes aux éditions France-Empire 1973), Henry RUFFIN (Résistance P.T.T. aux Presses de la Cité, 1983), le colonel RÉMY (Une affaire de trahison aux éditions Raoul SOLAR, Mémoires d’un agent secret aux éditions France-Empire 1998), enfin, un ancien du C.N.E.T. travaille depuis plusieurs années à reconstituer les moindres détails de son parcours.

De nombreuses revues d’associations de résistants ou de déportés ont fait son éloge. Les journaux ont commenté son action lors de commémorations (25e, 50e anniversaire de sa disparition, parution du timbre etc.).

Enfin, plusieurs musées (INVALIDES, BESANÇON, PLEUMEUR-BODOU) lui consacrent une partie de leurs vitrines dédiées à cette époque dramatique.

Simone est également titulaire de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre 39-45 avec Palmes et de la Médaille de la Résistance, mais il manquait encore pour couronner les hommages qui lui sont dus la reconnaissance de la terre de ses ancêtres.

Le sobriquet LÉVY accolé au nom MICHEL n’est pas relatif à une ascendance ou une alliance sémite. Il est apparu sans explication particulière, un peu avant la révolution, et représente l’une des nombreuses variantes patronymiques des diverses familles MICHEL de CHAUX-du-Dom bief.

Ainsi, le plus ancien des ancêtres connus de Simone en ligne agnatique se nommait Claude MICHEL dit ­ NOÉ né vers 1650 et mort à CHAUX-du-DOMBIEF en 1719.

Simone MICHEL-LÉVY Commandant EMMA dans la Résistance, Compagnon de la Libération, Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec palmes, Médaille de la Résistance, Matricule 50422 au camp de déportation de Flossenbürg.

Il y a soixante huit ans, jour pour jour  Simone MICHEL-LÉVY était pendue par les S.S. au camp d’extermination de Flossenbürg pour le crime d’avoir trop aimé son pays.

Elle aurait pu faire comme beaucoup de Français : attendre que les Alliés viennent de l’extérieur pour chasser l’occupant allemand ; elle aurait pu mettre son intelligence et son savoir, qui étaient grands, à profit pour vivre cette sombre période en pantouflarde aisée, soucieuse seulement de la passer le mieux possible en ne pensant qu’à son bien-être personnel ; elle aurait pu enfin se lancer comme certains, dans une collaboration avec nos ennemis d’alors, qui lui eut apporté leur considération et une ascendance dominatrice sur ses compatriotes.

Au lieu de tout cela, Simone-MICHEL-LÉVY avait choisi la voie, exaltante certes, mais ô combien dangereuse de la rébellion et de la résistance au totalitarisme. Avec un collègue haut fonctionnaire, Ernest PRUVOST, elle avait fondé le réseau Action P.T.T. qui s’était donné pour tâche d’organiser un service de renseignement, et des liaisons radio avec Londres. Elle avait, en outre, créé une unité de transport utilisant le parc automobile des P.T.T. pour véhiculer et transmettre les informations. Et parfois des aviateurs amis, tombés en Zone occupée furent rapatriés en Angleterre, via l’Espagne, par ses filières. De même grâce à elle, de nombreux émissaires alliés eurent la possibilité d’atterrir en France et d’en repartir sans être interceptés par les Allemands pourtant aux aguets. Elle acheminait le courrier clandestin et les armes parachutées vers les maquis.

Simone MICHEL-LÉVY, EMMA dans la clandestinité, savait ce qu’elle encourrait si elle tombait entre les mains de ceux qu’elle combattait ainsi.

En 1943, les actions de la Résistance se multipliant, la tristement célèbre police secrète allemande en Zone occupée, connue sous le nom de GESTAPO, organisa, en étroite collaboration avec la WEHRMACHT armée occupante une riposte qui consistait à s’assurer des indicateurs dans la population française même, et à infiltrer les réseaux. Malgré la vigilance de ceux des nôtres qui surveillaient le courrier arrivant à la GESTAPO, malgré l’élimination dans les centres de tri des lettres de dénonciation, les arrestations de patriotes décuplèrent.

Celle dont nous honorons la mémoire aujourd’hui fut appréhendée à son poste d’Inspectrice du Service des Recherches et du Contrôle Technique des P.T.T. à Paris, le 5 novembre 1943. Conduite à la prison de Fresnes, puis au dépôt de Royallieu près de Compiègne, elle fut envoyée au camp de déportation de Ravensbrück, en Allemagne orientale, le 30 janvier 1944. Le 1er septembre 1944, Simone MICHEL-LÉVY faisait partie du convoi de 661 femmes déportées, qui arriva à Flossenbürg, petite ville située en Bavière, dans le Haut Palatinat et adossé à la frontière tchécoslovaque.

Flossenbürg, c’est la carrière de granit et les kommandos extérieurs en usines, dont certains sont réservés aux femmes. Les brimades, les coups, la faim, la maladie épuisent les détenus. On dénombrera 300 décès par jour en février 1945. À cette mort lente s’ajoutent les exécutions sommaires, les pendaisons.

Simone est affectée au kommando de Holleschein qui travaille, en Tchécoslovaquie, dans une fabrique de munitions. Elles sont 331 femmes dans cette usine. Notre héroïque compatriote ne peut accepter de monter des projectiles qui tueront ceux qui se battent pour nous ramener la liberté, parmi lesquels est peut-être des Français des Forces Combattantes. Alors elle conçoit un plan de sabotage qu’elle met en oeuvre avec deux de ses compagnes de misère, Hélène LIGNIER matricule 50414), et Noémie SUCHET (matricule 50279).

Malheureusement, comme il se trouve toujours, en tous lieux et en toutes circonstances, des âmes assez basses pour dénoncer, Simone et ses compagnes sont trahies. Battues, torturées, elles ne donneront aucun autre nom à leurs bourreaux.

Le 13 avril 1945, les trois pauvres Femmes, dévêtues, les mains liées derrière le dos, sont conduites au lieu des exécutions et pendues à de simples anneaux scellés dans un mur. L’horreur de ces mises à mort a été rapportée par le capitaine danois LUNDIC, dont la cellule se trouvait à proximité de cet endroit maudit. De novembre 1944 à février 1945, il a compté 5000 corps qui sont passés devant sa fenêtre.

Il est à noter que c’est à Flossenbürg qu’ont été exécutés les conjurés de l’attentat du 20 juillet 1944 contre HITLER, et notamment l’amiral CANARIS ex-chef de la Marine allemande (Kriegsmarine). Des célébrités y ont séjourné. Parmi elles, citent André BOULLOCHE, ancien maire de Montbéliard, Léon BLUM et son épouse, Monsieur et Madame SCHUSCHNIGG, chancelier autrichien, le prince Xavier de BOURBON et beaucoup d’Allemands hostiles au régime nazi.

Le Mémorial érigé par l’Association des Déportés et Familles des Disparus du Camp de Concentration de Flossenbürg et Kommandos fait état d’un total de 89.964 entrées au camp où on enregistrera 21.378 décès, soit 23,7 %. La France s’y classera au premier rang en ce qui concernera le pourcentage des morts, avec 5312 entrées et 2046 décès, soit 38,5 %.

Une stèle du souvenir, en granit tout exprès importé de Flossenbürg, a été dressée et inaugurée au cimetière du Père LACHAISE  à Paris, le 3 octobre 1988, à la mémoire des Déportés du Camp de Flossenbürg, de ses 95 Kommandos. Une urne y a été déposée contenant des cendres recueillies dans l’enceinte du four crématoire de Flossenbürg libéré par la 3e  armée américaine le 23 avril 1945.

En conclusion, je voudrais m’adresser aux jeunes gens qui sont dans cette salle, et à tous ceux qui n’ont pas connu le dernier conflit mondial pour leur dire :

Attention, en 1945, on n’a coupé qu’une tête ou deux de l’hydre infernale. Si nous ne veillons pas à enrayer la nouvelle montée du totalitarisme, du sectarisme, du racisme et de l’intolérance, nous risquons de revivre tôt ou tard ces horreurs. L’ex-Yougoslavie n’est qu’à quinze cents kilomètres de la France, après tout ! 

Allocution (extraits) prononcée par M. Henri LAMBERT, Délégué régional de la Société Littéraire des P.T.T., en la Salle des Fêtes de Chaussin, le 13 avril 1995.

BIOGRAPHIE RÉSUMÉE DE SIMONE MICHEL-LÉVY

Alias : Emma Françoise  Madame Royale.

Simone MICHEL-LÉVY est née le 19 janvier 1906 à Chaussin (Jura). Son père était plâtrier.

En 1939, elle est rédactrice dans l’administration des P.T.T. au centre de recherches et de contrôle technique, rue Bertrand à Paris.

Dès l’armistice, elle s’élève contre la capitulation de la France et entre dans la Résistance dès le mois de décembre 1940, sous la direction de Pruvost, chef national de la résistance P.T.T. elle devient un élément de tout premier plan. Télégraphiste très habile elle est l’opératrice qui essaye de joindre Londres avec les premiers postes de T.S.F. fabriqués par le groupe de résistance des P.T.T.

C’est au réseau C. N, D. (Confrérie Notre-Dame) du Colonel Rémy, puis à l’O.C.M. (Organisation Civile et Militaire), qu’elle fournit ses premiers renseignements. Puis son activité fut orientée vers l’établissement de faux papiers, le transport, l’installation de postes émetteurs à Paris et en Province. Malgré sa santé chancelante, elle n’est jamais aussi heureuse que lorsque ses responsabilités s’accroissent. Elle s’accroche à la mission la plus périlleuse une fois qu’elle l’a acceptée, méthodiquement, tenacement, jusqu’à la réussite totale, ses chefs comptent sur elle. Tout ce qu’elle promet est tenu. Cependant, après des nuits de veille, des voyages épuisants, elle est à l’heure le matin à sa table de travail, les traits tirés, mais le visage souriant.

Dès les premières heures du S.T.O. en 1943, elle établit plus de cent cartes professionnelles des P.T.T. à des jeunes réfractaires. Elle est chargée de monter à l’intérieur des P.T.T. le réseau E.M.­P.T.T. analogue à celui de Résistance-Fer.

À Londres, l’agent MICHEL-LÉVY est enregistré sous le pseudonyme d’Emma. De sa propre initiative elle monte un admirable système de transport, de poste d’armes et de parachutages, qui fonctionne par l’intermédiaire des services ambulants des P.T.T. Elle assure la liaison générale.

Elle réalise également, sous les pseudonymes de Françoise et deMadame Royale, un excellent système d’acheminement du courrier à travers la France, qui marche à la perfection, soit par voie maritime, c’est-à-dire jusqu’aux chalutiers, soit par voie aérienne, et cela dans les deux sens. Évidemment, cette existence est dangereuse et dans la France occupée, l’ennemi a ses espions, la Résistance hélas, ses traîtres.

Au soir du 5 novembre 1943, elle est appelée d’urgence dans un café voisin pour un entretien de quelques minutes et quitte sa table de travail en y laissant son stylo et ses affaires. Elle ne reviendra jamais. Cet appel était un guet-apens.

Malgré les pires épreuves morales et physiques qui la laissent brisée dans sa cellule, car elle est suppliciée par la Gestapo, elle n’oublie pas son travail professionnel brusquement interrompu. Par une voie jusqu’ici inconnue elle fait parvenir à son chef de service un rapport détaillé sur toutes les questions administratives dont elle est chargée et qu’elle a laissées en suspens ; Il n’est guère d’exemple plus émouvant de conscience professionnelle.

Au début de février 1944, Simone MICHEL-LÉVY est déportée à Ravensbrück où, pendant la quarantaine, elle aide une camarade musicienne à organiser une magnifique chorale qui fait un moment oublier leurs peines aux prisonnières.

Envoyée ensuite en Tchécoslovaquie au camp de Holleschein pour travailler dans une usine d’armement, elle continue son action de résistante en sabotant. Le 1 septembre 1944, le Kommando de Holleschein est rattaché administrativement au camp de Flossenbürg.

Les tortures font blanchir ses cheveux, voûtent ses épaules. La faim et la fatigue l’amaigrissent à l’extrême. A l’usine, elle est chargée de faire passer sous une énorme presse des chariots chargés de cartouches remplies de poudre. Elle ralentit la chaîne, la désorganise, ce qui se solde parfois pour la production du Grand Reich, par un manque de 10.000 cartouches. Elle fait fonctionner la presse à vide, ce qui l’endommage et constitue, pour elle-même, un danger immédiat malgré la protection d’une tour en maçonnerie. C’est ainsi que finalement la presse sauta.

La surveillante allemande fait un rapport de sabotage qui ira jusqu’à Berlin. La réponse de Himmler revient plusieurs mois après, dans le courant d’avril 1945, alors que tonnent alentour les canons américains.

Simone MICHEL-LÉVY et deux autres camarades doivent partir immédiatement pour le camp de Flossenburg, où elles sont pendues par les Allemands, le 13 avril 1945.

Compagnon de la Libération – décret du 26 septembre 1945

Chevalier de la Légion d’Honneur

Croix de Guerre 39/45

Médaille de la Résistance

L’action de Simone MICHEL-LÉVY, héroïne et martyre de la Résistance.

Gaston Letellier :

J’évoquerai l’action de Simone MICHEL-LÉVY parce que, comme ingénieur à la D.R.C.T. (Direction des recherches et du contrôle technique), j’étais pendant les dures années de son action, en 1942-1943, son chef direct et fus, hélas, son dernier chef administratif jusqu’au soir du 5 novembre 1943. Parmi beaucoup d’autres, elle est l’une des figures les plus caractéristiques de la Résistance dans les PTT.

Née en 1906, entrée dans l’administration en 1924, Simone MICHEL-LÉVY fut en 1941 reçue brillamment au concours de rédacteur. Elle fut nommée à la D.R.C.T., de création récente et alors divisée en plusieurs départements :

Département matériel postal, dirigé par M. Hemery, lui-même résistant, et dont le fils fut fusillé par les Allemands.

Département transmissions où était mon collègue René Sueur qui participa à l’opération Keller en mettant au point les amplificateurs à haute impédance nécessaires aux écoutes de cette si audacieuse opération.

Département dit commutation dont j’étais chargé pour mener les études et travaux neufs des installations téléphoniques et télégraphiques de centraux et d’abonnés. Simone MICHEL-LÉVY fut affectée à ce département dont la gestion administrative et financière lui fut confiée.

Le pays étant occupé, elle comprit vite le parti qu’elle pouvait tirer de sa présence à la D.R.C.T., car, dans l’administration des P.T.T., aux télécommunications, à la poste, rien de nouveau, de délicat, d’important ne se faisait plus sans l’intervention de ce service, même en zone côtière où pouvaient se rendre certains agents munis du laissez-passer nécessaire. Le bureau de Simone, proche du mien, au deuxième étage du 24 rue Bertrand, devint alors une véritable agence d’informations clandestines. 

En janvier 1942, Ernest Pruvost, rédacteur au ministère des P.T.T., réussit avec Debeaumarchais à coordonner les opérations de résistance dans l’administration des P.T.T., en particulier en Normandie avec Henri Le Veillé. C’est alors qu’une certaine Mademoiselle Flaubert, tailleur noir, écharpe verte – qui n’était autre que Simone MICHEL-LÉVY – arrive en Normandie pour coordonner l’ensemble des opérations de Résistance P.T.T. dans les cinq départements : Calvados, Orne, Manche, Seine Inférieure, Eure. Les résistants normands, dont Henri Le Veillé, sont d’abord très sceptiques sur l’intervention de cette Mademoiselle Flaubert ; mais bien vite ils se rendent compte qu’elle mène au mieux ses missions avec un dynamisme, un courage et une volonté remarquables. Simone devient alors responsable de la radio clandestine du réseau P.T.T. en liaison avec le réseau C.N.D. du colonel Rémy. C’est ainsi que furent installés par elle des postes radio en Normandie et ailleurs, par exemple en banlieue parisienne, à Montgeron, dans la propriété du général Lelong et dont la rue porte maintenant ce nom. En février 1942, Simone retourne en Normandie accompagnée de deux opérateurs spécialistes de radio pour y installer et desservir un nouveau poste émetteur. En novembre 1943, ces deux opérateurs (Courteaud dit Jacquot et Coly dit Olaf) furent arrêtés en même temps que Simone. Mais, comme elle, malgré les souffrances endurées, ils n’ont pas livré de noms à la Gestapo. Sous le nom d’Emma, Simone participe à un transport de postes radio et d’armes reçus par parachutage en utilisant les voitures et les services ambulants des PTT. Cela donne alors un système d’acheminement du courrier clandestin vers l’Angleterre, soit par voie maritime jusqu’aux chalutiers, soit par voie aérienne et dans les deux sens.

En juillet 1943, l’état-major de Résistance-P.T.T. était constitué ainsi chef, Ernest Pruvost ; adjoint responsable de l’organisation, Horvais ; adjoint responsable des transports et du courrier, Debeaumarchais ; adjoint responsable de la radio, Simone MICHEL-LÉVY.

Pendant les dures années 1942-1943, Simone se consacre à ses tâches de résistante avec toute sa foi et tout son coeur, et sans que ses fonctions administratives n’en souffrent jamais. Chargée de la gestion administrative et financière, elle participa à l’action de son service avec pour buts de :

1) soustraire ou camoufler le plus possible de matériel téléphonique et télégraphique de façon à éviter son incorporation dans les stocks de l’Occupant ;

2) mener des études et mises au point des différents matériels pour usages militaires ou résistants, mais alors sous des appellations différentes, par exemple un poste militaire de campagne, créé à la D.R.C.T. en même temps que le poste ordinaire U43, fut dénommé poste portatif pour ouvrier des lignes.

Le général Juin a adressé un témoignage de satisfaction pour ces opérations du service de la D.R.C.T. où Mademoiselle MICHEL-LÉVY avait sa part, indépendamment de ses actions de résistante que je faisais semblant d’ignorer, tout en déclarant sur l’honneur qu’il n’y avait pas de résistant dans le service (voir circulaire du 17 juillet 1942 du secrétariat d’Etat aux communications).

Après des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions périlleuses de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits tirés, mais souriante. Elle ne tenait aucun compte des conseils de prudence qu’on lui donnait et elle sollicitait très fréquemment des missions pour la zone côtière. Rien ne pouvait entamer son ardeur et la véritable flamme qui l’animait. Elle avait fait son choix et le sacrifice de sa sécurité et de sa vie à la cause d’une France libre. Le 5 novembre 1943, vers 16 h 30, Simone reçoit un coup de téléphone d’un correspondant, certainement bien connu d’elle, qui lui demande de venir la rejoindre au café voisin, le François Coppée, à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue de Sèvres. Elle s’y rend aussitôt sans méfiance, laissant son stylo et des affaires personnelles sur son bureau où elle pense revenir bientôt. Mais la Gestapo l’attendait et l’emmène avenue Henri-Martin. Un dénommé Tilden, pour éviter la torture, l’avait dénoncée ainsi que beaucoup d’autres résistants de son équipe. Soumise à des supplices, dont celui de la baignoire, Simone, elle, ne donna aucun nom. Quelques jours après son arrestation, elle réussit, on ne sait par quel moyen, à faire parvenir à son chef de service un rapport détaillé sur les questions administratives et financières dont elle était chargée et qu’elle avait dû laisser en suspens.

Ainsi donc, malgré les pires tortures physiques et morales qu’elle endure, martyrisée par la Gestapo, elle garde intacte dans son esprit la préoccupation du fonctionnement du service que son arrestation lui a fait quitter malgré elle. Voici quelques passages de sa lettre dans leur touchante simplicité:

J’ai l’honneur de vous adresser tous mes regrets pour les ennuis que je vous cause en quittant brusquement mon service. Permettez-moi de vous indiquer ce qui suit :

1) La caisse se monte à (on reconnaît là toute la conscience d’une ancienne postière).

2) Pour l’outillage, j’ai fait le nécessaire au dépôt central.

3) En ce qui concerne les crédits (ci-joint ce qui reste à faire).

J’espère que je serai remplacée bientôt, afin que vous ne soyez pas gêné trop longtemps.

Veuillez agréer, Monsieur l’ingénieur en chef, avec toutes mes excuses, l’expression de mon respectueux dévouement.

Signé : Simone MICHEL-LÉVY

Ce fut le dernier acte de sa vie administrative.

Comme exemple de courage, double de soi-même, de conscience professionnelle, il n’en est guère de plus émouvant.

Le matin du 6 novembre, lendemain de l’arrestation de Simone, je reçus un coup de téléphone d’Ernest Pruvost, chef de Résistance-P.T.T., m’annonçant que Simone avait été arrêtée et me demandant de récupérer au plus tôt tous les documents : plans, listes, adresses concernant la Résistance et qui étaient dans le bureau de Simone, voisin du mien. Je me suis empressé de dissimuler tous ces nombreux et compromettants documents pour les remettre ensuite à des envoyés sûrs, dont M. Debeaumarchais, que j’ai revu beaucoup plus tard comme chef de cabinet du ministre des P.T.T. Eugène Thomas.

Après son arrestation, Simone fut envoyée en Allemagne. Elle était dans le camion de femmes déportées qui chantèrent La Marseillaise en traversant Compiègne. En mars 1944, Simone est au camp de Ravensbrück, et ensuite dans une usine d’armement, à Holleschein, où elle est chargée du contrôle des postes radio fabriqués par cette usine. Mais la plupart des postes sortis de cette usine sont défectueux. Elle est soupçonnée de les avoir trafiqués. Elle est transférée au camp de Flossenburg où elle est jugée, condamnée à mort pour sabotage et pendue le 13 avril 1945. Elle avait 39 ans. La veille de son exécution, elle écrivait à sa malheureuse maman à Chaussin, en son Jura natal :

Ne pleurez pas, c’est un ordre. Ne soyez pas tristes. Moi je ne le suis pas. Mon coeur est calme autant que mon esprit. Dans ma petite cellule, j’interroge le ciel, je pense à tout ce qui est beau, à tout ce qui est clair.

Ces phrases si simples expriment bien la sérénité que donne le véritable sentiment du devoir accompli jusqu’au bout.

Grâce à l’impulsion donnée par Simone MICHEL-LÉVY, grâce à l’organisation qu’elle avait mise sur pieds, grâce aussi à son silence, tous ses camarades résistants P.T.T. ont continué avec acharnement à mener leur action pour que circulent et soient distribués le courrier clandestin, l’argent, les armes nécessaires à diverses équipes de résistants. L’organisation et les moyens radio-électriques mis en place par Simone à partir de 1942 furent particulièrement utiles et efficaces au moment du débarquement. C’est ainsi que le message secret Les dés sont sur le tapis, émis le 5 juin 1944 par ces postes radio clandestins de Normandie, déclencha les opérations de sabotage par les équipes P.T.T. des liaisons de l’Occupant et cela selon des instructions bien précises diffusées auparavant par une circulaire de l’état-major de Résistance-P.T.T. où Simone avait été elle-même adjoint-responsable pour la radio jusqu’à son arrestation.

Les mérites de Simone MICHEL-LÉVY sont, à mon avis, trop peu connus, mais ont été récompensés par les titres suivants – croix de guerre avec palmes, chevalier de la légion d’honneur et compagnon de la Libération. Un juste hommage lui a été rendu par l’émission d’un timbre à son effigie en 1958 et la pose d’une plaque en son pays natal, dans le Jura, inaugurée à Chaussin le 6 juillet 1952 par le ministre des P.T.T. Duchet. Enfin, une plaque posée au service des P.T.T. où elle était affectée pendant les années 1942-1943 veut montrer qu’aux valeurs techniques qui sont la raison d’être de ce service, devenu le C.N.E.T., doivent s’ajouter les valeurs morales dont Simone MICHEL-LÉVY a donné le plus pur exemple.  

À la liste des héros de la résistance que les P.T.T. ont tenu à glorifier en 1957 par un  timbre poste (Jean Moulin, Honoré d’Estienne d’Orves, Robert Keller, Pierre Brossolette, Jean-Baptiste Lebas) sont venus s’ajouter quatre noms d’hommes et de femmes ayant le même idéal patriotique, la même abnégation de soi et le même héroïsme.

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Jean CAVAILLES 1903-1944

Formé par les siens à l’école du caractère et du devoir, Jean CAVAILLES réglera sa vie d’après un seul impératif : servir son Pays. Philosophe et logicien de valeur, il était en 1939, Maître de conférences à la Faculté de Strasbourg. Lieutenant d’infanterie coloniale au front, il est cité. Prisonnier en mai 1940 et emmené en Allemagne, CAVAILLES profite d’un arrêt en  Belgique pour s’évader et va retrouver a Clermont-Ferrand sa chère Faculté de Strasbourg repliée. Des son arrivée, il fonde u n groupe de résistance, puis un réseau de renseignements militaires, un groupe de sabotage et, plus tard, un noyau d’armée secrète ; magnifique combattant il mène contre l’envahisseur une lutte constant et sans merci. Fin 1942, il veut se rendre à Londres, arrêté et interné il s’évade encore.

Mais le 28 août 1943,  CAVAILLES est arrête de nouveau ; interrogé et cruellement frappé il restera silencieux. Fresnes. Compiègne.

CAVAILLES devait être dirigé sur Buchenwald, quand il fut rappelé à Paris pour supplément d’enquête.  On ne le revit plus. Les archives de Wiesbaden révélèrent que Jean CAVAILLES avait été fusillé à Arras au début de 1944. C’est dans le cimetière de la ville que le corps du héros fut identifié sur la terre qui le recouvrait une humble croix portait l’inscription : Inconnu n° 5.

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Fred SCAMARONI 1914-1943

Personnalité ardente, Godefroi, (Fred) SCAMARONI était en août 1939, chef de cabinet du Préfet du Calvados. Lieutenant d’infanterie, il demande l’aviation ; blessé en combat aérien en mai 1940, il rallie l’Angleterre. Catapulté de l’Ark Royal le 21 septembre 1940, il prend part a l’Opération de Dakar, mais il est capturé. Il va de prison en prison à travers l’Afrique Noire et l’Algérie et est ramené mourant en France. Sa santé retrouvée, il devient l’un des militants les plus actifs de la Résistance et se porte volontaire pour les missions les plus périlleuses. Désigné pour opérer en Corse sous le nom du Capitaine SEVERI, il débarque d’un sous-marin dans la baie d’Ajaccio, le 6 janvier 1943 et se met à l’oeuvre pour tenter de réaliser son rêve : libérer son île natale. Sa mission est presque terminée lorsque le 18 mars 1943 il est arrêté. Malgré les pires tortures. SCAMARONI ne dira rien. Mais il a trop souffert et le lendemain il avale la pastille de cyanure qu’il avait sur lui ; le poison absorbé SCAMARONI s’ouvre la gorge avec un fil de fer trouvé dans sa cellule. Il emportait dans la mort le mystère de son identité et les secrets de sa mission, permettant ainsi à ses camarades, par son sublime sacrifice, de continuer la lutte libératrice.

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Simone MICHEL-LÉVY 1906-1945

Après d’excellentes études, Simone MICHEL-LÉVY entra dans l’Administration des P.T.T. en 1924. Dès 1940 elle se jette dans la Résistance, ses fonctions de rédacteur au Centre de recherches et contrôles techniques lui permettent d’obtenir de nombreux renseignements qui sont fournis aux réseaux dont elle fait partie puis transmise à Londres. Chargée en 1942 d’installer des postes émetteurs en zone occupée, elle s’acquitte de ces dangereuses missions avec la plus grande audace. Arrêtée le 5 novembre 1943 elle est torturée mais ne parlera pas. Emprisonnée d’abord à Fresnes, Simone MICHEL­LÉVY est déportée à Ravensbrück en mars 1944 d’où on l’envoie à Holleischen dans une usine de guerre. Rendue responsable de deux arrêts de travail de plusieurs heures chacun qui font perdre a l’usine une production importance de munitions, elle est condamnée à mort pour sabotage. Le 13 avril 1945 devant ses compagnes de captivité du camp de Flossenburg où elle avait été transférée, Simone MICHEL-LÉVY est pendue. Elle aimait souvent répéter la fière devise de sa Franche-Comté natale Comtois rends-toi ! Nenni ma foi !, Simone MICHEL-LÉVY, l’héroïque postière a préféré suivre la voie qui l’a conduite au martyre plutôt que d’abandonner.

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Jacques BINGEN 1908-1944

Ancien élève de l’École des Mines et de l’École des Sciences Politiques, Jacques BINGEN était à la veille de la guerre, directeur d’une société d’armement naval de transports maritimes ; jeune patron, c’est déjà un grand administrateur. Officier de liaison, il est blessé en juin 1940 et cité ; malgré ses blessures, il gagne le Maroc puis l’Angleterre. À Londres, il dirige les services de la marine marchande de la France libre ; en marge de ses hautes fonctions, il suit jour après jour l’activité des mouvements de résistance a travers l’énorme quantité de rapports reçus de la Métropole. Délégué du Comité français de libération pour la zone Sud, en août 1943, puis Délégué général par intérim. Jacques BINGEN se dépense sans compter et met au service de la cause qu’il défend les ressources exceptionnelles de son intelligence et de sa foi. Victime d’un agent double et arrêté le 13 mai 1944, BINGEN réussit à s’échapper en assommant deux de ses gardiens; rejoint après une poursuite mouvementée. Il n’est capturé qu’avec l’aide de nombreux soldats ennemis. Mais il est détenteur des secrets les plus importants de la Résistance et plutôt que de s’exposer à les livrer par la torture. Jacques BINGEN, avec un courage héroïque, se donne la mort.

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Simone Michel Lévy

Elle était courageuse et obstinée, réfléchie et réservée, derrière son calme souriant se cachait la fière et inébranlable volonté qu’exprime avec tant de malicieuse pudeur la célèbre formule : Comtois, rend toi. Nenni, ma foi. Citation d’Anne Fernier, rescapée du kommando d’Holleischen. Après des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions périlleuses de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits tirés mais souriante.

Citation de Gaston Letellier, chef de service de Simone aux P.T.T.

C’est alors que, par Horvais, je rejoins l’E.M.-PTT, animé par Pruvost, administrateur au ministère. Simone MICHEL-LÉVY (Françoise) en est l’agent de liaison avec le réseau C.N.D. Castille du colonel Rémy dont dépend le réseau PTT. Mon engagement est enregistré en qualité de radio par Boris, alias Beaumont qui ne manque pas de me faire entrevoir les risques encourus par cet engagement auquel je souscris. Sur ce point, il convient de souligner que l’organisation de la résistance intérieure se décomposait en réseaux Action – c’est-à-dire aux actions purement militaires – et Renseignements qui comportaient en particulier le service Radio, indispensable pour les renseignements de toute nature. Je précise aussi qu’en m’intitulant pianiste, j’emploie une qualification courante qui n’a rien à voir avec cet instrument, mais qui s’applique aux opérateurs doués d’une ouïe sensible et d’une manipulation correcte, ce qui somme toute n’est pas très éloigné de l’art musical. Du fait de l’arrestation de mon ami Courtaud, dit Jacot – que je retrouverai à Buchenwald – c’est son remplaçant en qualité de chef du service radio, Robert Bacqué, dit Tilden, qui me confie le poste émetteur américain.

(Témoignage de Jean-André La chaud).

En effet, ma grand-mère Mme Gabrielle Guignot épouse Millot ainsi que ma grand-tante Hélène Millot épouse Lignier furent arrêtées par la Gestapo à Dijon le 1er octobre 1943 pour avoir caché chez elles des résistants et des armes. Elles partirent ensuite toutes les deux par le convoi des 27000 du 3 février 1944 de Compiègne à Ravensbrück, où elles restèrent peu de temps puis elles furent envoyées créer un Kommando à Holleischen (Tchéquie). Ce Kommando étant rattaché au camp de Flossenburg, elles prirent donc des matricules sur les listes de ce camp, Gabrielle Millot matricule 50423, Hélène Lignier 50414. Suite aux sabotages des machines avec lesquelles elles fabriquaient des munitions pour l’armée allemande, Hélène et deux de ses camarades Mimie Suchet et Simone MICHEL-LÉVY (Compagnon de la Libération) furent bastonnées, puis emmenées au camp de Flossenburg ou elles furent pendues le 13 avril 1945. Ma grand-mère est donc rentrée seule de ces camps.

ARRÊSTATION ET DÉPORTATION

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945,RÉSISTANCE HISTORIQUE — braultjeanpaul @ 3 h 03 min

Tola, Karol et les enfants Assassinés à Treblinka

Mon cher Papa.

Ils vont nous chasser d’ici et nous irons je ne sais où et nous ne savons pas si nous te reverrons encore. Je t’embrasse.

Ton fils Karol.

C’était la dernière lettre de Karol à son papa. Il avait 9 ans à la veille du départ pour l’inconnu, un inconnu nommé Treblinka.

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La dernière lettre de Karol à son papa

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Tola et Karol, à l’hiver 1940 à Falenica près de Varsovie. Sur la photo destinée à son père, Karol a écrit de sa main maladroite : Ton fils Karol

Le 21 août 1942, s’échappant du crématoire de Treblinka, la fumée a formé des centaines de nuages semblables de petits agneaux noirs. Deux cents enfants juifs venaient d’être conduits dans ce camp de la mort pour y être exterminés par le gaz. Ils venaient de Falenica, près de Varsovie, où ils séjournaient en cure dans le sanatorium de Medem à Miedzeszyn.

Le docteur Tola Mintz, médecin pédiatre, était de ce dernier voyage ainsi que son petit garçon de 9 ans nommé Karol.

Ils auraient pu se sauver, fuir en Hongrie. C’est bien ce que demandait le mari de Tola, Henryk Mintz, interné au camp pour militaires polonais d’Eger. A deux reprises il envoya clandestinement à son épouse des messages la suppliant de fuir. Tout était organisé. Mais Tola, Tauba la Colombe de son prénom juif, refusait. Comment cette femme qui avait toute sa vie montré son engagement au service des autres aurait-elle pu se résigner à abandonner les enfants du sanatorium ?

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Tola, Karol et Henryk quelques jours avant la guerre à Varsovie

Avec les deux cents enfants du sanatorium, Tola et Karol ont disparu ce 21 août 1942.

Car Tola Mintz était une femme de caractère, fidèle à ses idées. Née le 1er septembre 1901 à Mława en Pologne, elle avait grandi à Lodz, dans un milieu social-démocrate actif, et elle avait tout naturellement adhéré adulte au Bund, le Parti Socialiste Juif des Travailleurs, tout en mettant ses qualités au service de tous ; le médecin-pédiatre du sanatorium était aussi une amie pour le personnel, une protectrice pour tous ceux qui l’approchaient. Brillante élève malgré sa santé fragile, elle est reçue en 1920 à la faculté de Philosophie de Varsovie. Mais, c’est la Faculté de Médecine de l’Université de Stefan Batory à Vilnius qu’elle décide brusquement de rejoindre.

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Tola à Miedzeszyn. L’étoile jaune annonce déjà le destin de la jeune femme.

En 1928, la toute jeune diplômée épouse un étudiant en Médecine, Henryk Maurycy Mintz. Les débuts d’un jeune couple de médecins sont financièrement difficiles et imposent de fréquents déménagements. Qu’importe. En 1933, naît Oskar, surnommé à la maison Karol. Au printemps 1936, Tola devient médecin au Sanatorium de Medem à Miedzeszyn, près de Varsovie.

Alors que la vie de la famille commence à se stabiliser, c’est l’invasion de la Pologne par les armées allemandes : en septembre 1939, les bombes s’abattent sur Varsovie.  Henryk est mobilisé en tant qu’officier-médecin, tandis que Tola s’active au service de son quartier et préserve de son mieux ses proches. Le 9 septembre, lors d’une des attaques aériennes, une bombe incendiaire atteint d’ailleurs l’appartement où Tola, son fils Karol et quelques membres de sa famille sont sauvés grâce à un abri anti-aérien.  Après l’occupation de la capitale par les troupes allemandes, elle rejoint avec Karol son poste au Sanatorium de Medem à Miedzeszyn et elle y reste jusqu’à ce 20 août 1942, jour où les nazis entreprennent la liquidation des ghettos de Falenica et du sanatorium de Miedzeszyn.

Un témoin, Mieczyslaw Chocko écrit :

Vers environ 4 h du matin arrivèrent des SS, des gendarmes avec le bien connu gendarme allemand – bourreau Luobscher et leurs collaborateurs, des SS ukrainiens dont la barbarie était déjà bien connue.

Toute la population du ghetto avait été réunie sur la place devant la Judenrat près des rails du chemin de fer. Tout le monde devait être assis par terre. Les malades de l’hôpital ainsi que les personnes âgées n’avaient pas ce privilège, elles furent fusillées dans leurs lits.

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Les enfants du Sanatorium quelques mois avant le départ pour Treblinka.

Il faisait très chaud ce jour là. Sur la place il n’y avait pas d’ombre et la soif était pénible pour tous. On dit que les bourreaux sont des barbares ? Eux ? Cela est faux, ils s’occupent si bien des enfants. Ils leur donnent même deux longues heures pour rassembler leurs affaires à ces enfants du Sanatorium de Medem avant de venir au rassemblement macabre.

Vers 6h du matin, deux cents enfants environ, avec des sacs à dos préparés d’avance, arrivèrent sur la place en rangs disciplinés, les enfants du Sanatorium. Ils marchaient en rang par 3. Chaque enfant portait un sac à dos. Il y avait un silence exceptionnel. Les adultes marchaient à droite des enfants. C’étaient les éducateurs et le personnel du Sanatorium. Au premier rang, menant cette colonne, le Dr Tola, avec son fils Karol de 9 ans. Pour les enfants du Sanatorium il n’y a plus d’illusions : un enfant devine, comprend, sait mais le moral endurci par leur vie quotidienne depuis l’occupation, aucun ne s’effondre.

Un wagon les attend. A l’entrée du wagon, il y a une femme au profil doux, menue, brune, jeune. C’est le Dr Tola Mintz, accompagnée comme toujours de son fils Karol. Elle aide les enfants à monter pour ce voyage qui sera leur dernier voyage. Ils sont si jeunes.

Puis les grosses portes métalliques du wagon se ferment dans un bruit infernal et le train prend la direction de Treblinka. Ils se sont tous envolés au ciel en fumée.

WINTZENHEIM UNE COMMUNE FRANÇAISE EN ALSACE

Classé sous 1900-1939,LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 2 h 54 min

Le sinistre 1er juin 1943

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Auguste Sontag 1915-1943, membre du Réseau Wodli Patriote résistant, condamné à mort pour son action contre le régime nazi, et exécuté le 1er juin 1943.

Le premier juin 1943, trois jours après la constitution sur le territoire français du Conseil National de la Résistance, quatre résistants haut-rhinois du réseau Georges Wodli, accusés de haute trahison envers le IIIe Reich, furent décapités à la hache par les nazis. Tous les quatre étaient des dirigeants communistes : Adolphe Murbach, menuisier de Colmar, originaire de Sundhoffen, Eugène Boeglin et Auguste Sontag, instituteurs de Wintzenheim, et René Birr, cheminot de Réguisheim.

Le 29 juin, quatre autres responsables communistes connaissent le même sort. Il s’agit d’Édouard Schwartz de Lutterbach, Marcel Stoessel et Alphonse Kuntz de Mulhouse, et René Kern de Niedermorschwihr. Plus de 300 communistes alsaciens, dont 180 du Haut-Rhin, furent internés dans le sinistre camp de Schirmeck.

Le 27 mai 1943, face à la France occupée, fut créé le Conseil National de la Résistance, présidé par Jean Moulin. Ce Conseil avait pour but de rassembler et de coordonner toutes les actions pour libérer la France. Au sein de ce conseil, toutes les sensibilités étaient représentées : gaullistes, chrétiens, socialistes, communistes.

Georges Wodli : cheminot strasbourgeois, membre du comité central du PCF. Arrêté le 30 octobre 1942 par la police de Pétain et livré à la Gestapo. Il fut assassiné par celle-ci le 2 avril 1943 dans les caves de la rue Sellenick à Strasbourg.

1941 : la résistance s’organise

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Auguste Sontag en 3ème année d’École Normale à Colmar en 1934

Auguste Sontag est né le, 28 septembre 1915 à Wintzenheim, dans une famille républicaine antifasciste, éprise de justice. Son père, Laurent Sontag, fondeur chez Haren, était très estimé par toute la population. Auguste se distingua vite par son intelligence, et c’est sur l’incitation de son instituteur qu’il a continué ses études. C’est ainsi qu’Auguste Sontag a été admis à l’École Normale des Instituteurs de Colmar. Il fut nommé successivement à Réguisheim puis à Ensisheim.

Mais déjà les nuages s’amoncellent et le danger de guerre se précise. On est en 1939, la, drôle de guerre, puis l’attaque sur le Rhin, la défaite, puis l’Armistice signée par Pétain et les Vichystes. Cependant, notre population ne se résigne pas, et se livre à des actes de résistance, de révoltes et de sabotages. Comme un peu partout, après l’entrée en guerre de la Russie, les communistes s’étaient regroupés en Alsace pour organiser la résistance. Dès 1941, on tenta de remettre sur pied en Alsace le parti communiste ; c’est lui qui publia le premier et peut-être le seul journal clandestin, L’Humanité écrit en allemand et répandu surtout parmi les mineurs des environs de Mulhouse et de Rouffach. Il eut 18 numéros, aujourd’hui introuvables.

Auguste Sontag avait lui aussi mis sur pied un réseau très structuré, ayant pour mission d’aider les familles des clandestins, et participé à la rédaction du journal de lutte clandestine contre le fascisme, L’Humanité d’Alsace Lorraine. C’est là que Lucien Brenner, Louis Haas, la famille Mader, les Weinmann, les Ulmer, Paul Beyer, René Furstoss, etc, donne l’image de notre Alsace. Bien que cela fut très dangereux, mais dans l’enthousiasme, ils parcourent à vélo les routes de la région, avec ces fardeaux de dynamite que constituent ces journaux illégaux, les distribuant dans les boites aux lettres de sympathisants et dans les entreprises. Mais la Gestapo veille et remonte la filière en partant de Strasbourg.

René Furstoss se souvient

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René Furstoss 1922-

Auguste Sontag et Eugène Boeglin, instituteurs, furent des résistants de première heure. Ils étaient de ceux qui, de tous temps, combattirent la propagation de la peste brune en Alsace. Ils vécurent mal le désastre de 1940. Au début de l’été 1941 ils entrèrent dans l’action. Sous leur impulsion et leur autorité furent mises sur pied des équipes de jeunes patriotes. Après la rupture du pacte germano-soviétique, j’ai été contacté par André Weimann, qui m’a invité à rejoindre ces groupes créés et dirigés par Auguste Sontag et Eugène Boeglin. Les groupes, autonomes les uns par rapport aux autres, comportaient chacun trois jeunes patriotes. J’étais avec André Weimannet Émile Mader. Dans d’autres équipes se trouvaient Lucien Brenner, Paul Beyer, Jacques Ulmer, Louis Hass, etc.

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Lucien Brenner 1922-

Par le respect et la confiance qu’ils inspiraient, nos chefs surent nous galvaniser et nous conduire à la résistance active, organisée contre les nazis et les fascistes. Nous fûmes d’emblée acquis à leur cause : il fallait, par tous les moyens, rendre inopérante la pieuvre du national socialisme pour nous libérer de l’étreinte mortelle de ses tentacules.  Notre groupe avait pour mission de contacter et de rassembler les patriotes, de fournir des renseignements  d’ordre social et stratégique, et de distribuer les tirages du journal clandestin L’Humanité d’Alsace.

Le groupe a cessé son activité dirigée par suite de l’arrestation de son chef Auguste Sontag le 25 mai 1942.

J’ai rencontré Auguste pour la dernière fois en avril 1942, quand il a pris le tram allant à Colmar pour partir à Waldshut. Des bruits couraient déjà sur les répressions menées par la Gestapo envers les résistants communistes. Je lui ai dit : Auguste, Waldshut n’est pas loin de la Suisse. Sauve ta peau, et passe la frontière. Perdu dans ses pensées, il n’a pas répondu. C’est la dernière vision que j’ai de lui.

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Yvonne Beyer raconte :

Avec Paul Beyer, je participais aux activités du réseau clandestin. Je tapais sur une vieille machine à écrire les stencils ronéo qui servaient à l’impression des tracts. Pour cela, je venais dans la maison des parents Sontag, à l’angle de la rue des Trois-Epis et de l’actuelle rue Sontag. Un jour, Raymond, le frère d’Auguste, en revenant du tram, m’a dit : Fais attention et ferme la fenêtre, on entend résonner ta machine à écrire jusqu’à la gendarmerie ! Après les premières arrestations, Paul Beyer s’est rendu à Waldshut pour prévenir Auguste Sontag du danger, et lui conseiller de ne pas revenir en Alsace. Auguste lui a répondu : Si je ne rentre pas, j’avoue ma culpabilité, et je mets en danger tous les camarades de mon réseau. Seule précaution, il confie à Paul des courriers et un paquet de tracts pour ne pas les porter sur lui lors d’une éventuelle arrestation.

25 mai 1942 : l’arrestation

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Eugène Boeglin

Quand il a appris qu’il était recherché par les nazis, Auguste enseignait en Allemagne, à Waldshut près du Lac de Constance. Des douaniers allemands avec qui il déjeunait lui proposèrent de le faire passer en Suisse. Mais Auguste préféra revenir en Alsace pour continuer la lutte avec ses camarades. Et c’est l’arrestation à son domicile, 35 rue du Mal Joffre à Wintzenheim, le lundi de Pentecôte 25 mai 1942 en fin d’après-midi. Il venait de fêter en famille l’anniversaire de sa sœur Andrée, dite Suzie. Sont arrêtés vers la même époque : Émile Minéry, cordonnier de Réguisheim, Ernest Korb, mineur de Réguisheim, Eugène Boeglin de Wintzenheim, Adolphe Murbach de Sundhoffen, et René Birr de Réguisheim. Tous avaient, selon l’occupant, participé à un complot contre la sécurité de l’État. Emprisonnés pendant quelques jours à Colmar et à Strasbourg, ils furent transférés au camp de Schirmeck jusqu’en novembre, puis enfermés à la prison de Buhl (pays de Bade).

Les rafles se multiplièrent, et ce sont 33 Alsaciens qui seront déférés devant un tribunal du peuple. Leur procès eut lieu le 23 janvier 1943 à Strasbourg devant le Volksgerichtshof. Ce tribunal populaire de sinistre mémoire avait été créé le 24 avril 1934, Hitler comptant sur lui pour anéantir les derniers noyaux de résistance en Allemagne et combattre surtout les milieux communistes (et notamment le parti d’Ernest Thaelmann). Composé de 2 juges de carrière et de 3 assesseurs honoraires non juristes nommés par le Führer, il prononçait des jugements sans appel.

23 janvier 1943 : le procès

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L’une des six photos de dirigeants de la Résistance communiste, héros de la résistance patriotique contre les nazis, figurant en page 2 du numéro spécial Résistance de l’Humanité d’Alsace et de Lorraine de Janvier 1965.

Avec un procès présidé par le redoutable Dr Roland Freisler, qui jugera les auteurs de l’attentat contre Hitler et les condamnera à la pendaison, nos quatre résistants n’avaient aucune clémence à attendre.

Le tribunal Volksgerichtshof, 1. Senat était composé de :

Juge : Präsident des Volksgerichtshofs Dr Freisler, Vorsitzer, Juge : Landgerichtsdirektor Stier, Juge : Generalarbeitsführer Stoll,

Juge : SA-Gruppenführer Damian, Juge : Obererreichsleiter Worch, Procureur : Erster Staatsanwalt Figge (als Vertreter des Oberreichsanwalts) Greffier en chef :  Justizobersekretär Peltz (als Urkundsbeamter der Geschäftsstelle)

Ont comparu : le cheminot (Eisenbahner) René Birr, de Réguisheim, né à Réguisheim le 2 novembre 1922 le cordonnier (Schuhmacher) Émile Minery, de Réguisheim, né à Réguisheim le 7 avril 1916 le mineur (Bergmann) Robert Korb, de Réguisheim, né à Réguisheim le 13 janvier 1922 l’instituteur (Lehrer) Auguste Sontag, de Wintzenheim, né à Wintzenheim le 28 septembre 1915 l’instituteur (Lehrer) Eugène Boeglin, de Wintzenheim, né à Obermichelbach le 8 novembre 1912 le menuisier (Schreiner) Adolphe Murbach, de Colmar, né à Sundhofen le 12 juillet 1902.

L’acte d’accusation précisait que les 6 Haut-rhinois avaient, en temps de guerre, favorisé l’ennemi du Reich en se rendant coupables de haute trahison et en faisant de l’agitation communiste. Sontag, Boeglin et Birr étaient de plus accusés d’avoir préparé et caché des armes pour le jour où ils entreraient en lutte ouverte contre les nazis. Eux trois et Murbach ont été condamnés à la peine capitale et à la perte définitive de leurs droits civiques. Émile Minéry a écopé de 6 ans de réclusion, Ernest Korb de 12 ans de réclusion. Les condamnés eurent une attitude très digne. C’est ainsi que le jeune Birr, qui n’avait que 20 ans, apostropha Freisler en lui disant Nous allons mourir, et pour une noble cause, mais d’ici un an, vous allez payer vos crimes. Les condamnés à mort furent enfermés à Stuttgart, dans la prison centrale de l’Urbanstrasse. Auguste Sontag put recevoir la visite de sa famille à trois reprises. Son frère Raymond fut l’un des derniers à le voir, un mois avant son exécution.

1er juin 1943 : l’exécution

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L’affiche du 1er juin 1943

Le 1er juin 1943, très tôt le matin, des placards rouges annonçaient l’exécution de quatre résistants haut-rhinois : René Birr, 20 ans, de Réguisheim, Auguste Sontag, 27 ans, de Wintzenheim, Eugène Boeglin, 36 ans, d’Obermichelbach, et Adolphe Murbach, 40 ans, de Sundhoffen.

Voici des extraits du journal de Stuttgart Die Volksstimme du 7 juillet 1949 : Le matin à 5 heures, les candidats à la mort furent réveillés et on leur donna à nouveau lecture de la condamnation à mort du Procureur de la République. Puis ils durent se déshabiller totalement et revêtir la chemise de la mort en papier, au col découpé. Ils furent conduits à la cour du bâtiment de justice, où les valets du bourreau, ivres, attendaient leurs victimes. Les condamnés furent brutalement couchés et attachés à l’échafaud. Le valet appuya sur un bouton, le couperet s’abaissa et l’on passa à la prochaine victime. Ce même jour, 35 personnes furent exécutées de cette façon. Des compagnons de cellule rapportent qu’Auguste et ses trois camarades chantèrent la Marseillaise en montant à l’échafaud.

Le 29 juin de cette même année, d’autres résistants haut-rhinois furent exécutés de cette manière, à savoir Marcel Stoessel de Mulhouse-Dornach, René Kern de Morschwiller-le-Bas, Alphonse Kuntz de Mulhouse et Édouard Schwartz de Lutterbach. Durant longtemps, on ne put savoir ce qu’il advint des corps des victimes et les membres de leurs familles ne furent jamais informés. Seul Marcel Stoessel put être enterré à Dornach. Grâce au VVN (association allemande de persécution du régime nazi), le secret put être levé ; même après leur mort, on ne laisse pas de paix aux victimes. Le régime nazi transféra leurs corps à la faculté de médecine de Heidelberg, où ils servirent de sujet d’expérience, pour l’anatomie, puis ils furent enterrés dans une fosse commune au cimetière de montagne de Heidelberg.

Le 7 juillet 1968, à l’occasion d’une cérémonie de commémoration, une plaquette du souvenir fut posée sur les tombes, portant les noms des victimes. Rappelons que le nom d’Adolphe Murbach est également gravé sur la plaquette de la place des Martyrs de la Résistance à Colmar.

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L’organisation de la Résistance en France libre: des Alsaciens à Lyon

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Paul Hirlemann 1922-2006

Hommage aux bistrotiers résistants de Lyon

Un petit café-épicerie-charcuterie de Lyon, tenu par des Alsaciens, a servi de plaque tournante à des réseaux locaux de résistance. Voici, recueilli par René Meyer, le témoignage d’un évadé alsacien, Paul Hirlemann, devenu agent du B.C.R.A.

Durant toute la guerre, le café-épicerie-charcuterie du n° 156 de la rue Créqui, à l’angle de la rue Le Royer, 3e arrondissement, en plein centre de Lyon, fut un haut lieu de la Résistance. L’établissement était tenu par les époux Woehrlé, Alsaciens originaires d’Éguisheim. Le mari, Alphonse Woehrlé, déserteur de l’armée du Kaiser durant la première guerre mondiale et condamné à mort par contumace, était venu s’établir à Lyon. D’abord lieu de rendez-vous des Alsaciens évadés, le café devint le quartier général clandestin des agents de liaison des réseaux Action-Londres, Électre-Bouleau et Combat.

Des Alsaciens incorporés de force en tenue verte fréquentaient les lieux, ce qui faisait fuir les habitués et provoquait des interrogations chez les voisins mais détournait l’attention de la Gestapo lyonnaise qui avait l’œil sur le café.

Plusieurs Alsaciens ont eu à connaître l’établissement lyonnais.

Paul Hirlemann de Wintzenheim, agent du Réseau Action-Londres

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Paul Hirlemann en 1944. La photo est signée F. Soubrier, 77 rue Pierre-Corneille. Ce photographe lyonnais faisait souvent des photos pour les fausses cartes d’identité des incorporés de force alsaciens qui souhaitaient déserter de la Wehrmacht. Stationnés au Fort Lamotte, ils se retrouvaient le soir au café Woehrlé. Le photographe leur prêtait une cravate et une veste civile en remplacement de l’uniforme allemand, le temps de faire la photo.

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Paul Hirlemann en juin 1945 à Wintzenheim avec René Koch, son compagnon d’évasion.

Je me suis évadé d’Alsace avec un camarade, René Koch, le 7 octobre 1941, pour me soustraire au RAD. Nous sommes entrés en Suisse par l’enclave de Neuwiller. Par les bons soins du consulat de France à Bâle, nous sommes partis le samedi 11 octobre suivant sur Genève puis sur Lyon où, le 13 au soir, nous avons été pris en charge par un centre de la rue Scaronne. Dès le lendemain, deux sous-officiers alsaciens y sont venus pour recruter des jeunes. Mon camarade s’est immédiatement engagé mais moi je n’étais pas intéressé par l’armée de Vichy. Voulant me faire délivrer une carte d’identité, un commissaire de police, auquel je n’avais pu exhiber que le document délivré par le consulat de Bâle, m’a rabroué en me disant qu’il ne pouvait rien faire pour moi et que je n’avais qu’à retourner chez moi. J’ai finalement obtenu cette carte après intervention de l’antenne de la préfecture du Haut-Rhin repliée à Lyon.

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La première carte d’identité obtenue à Lyon le 8 novembre 1941, comportait sa véritable identité et sa véritable date de naissance, le 7 juin 1922 à Wintzenheim

Par un autre camarade de mon village, Lucien Goetz, également évadé, j’ai fait la connaissance d’Alsaciens établis à Lyon depuis avant la guerre, la famille Woehrlé, qui tenait un café-épicerie-charcuterie. Le soir de mon arrivée, oh surprise ! Nous nous trouvions à sept jeunes évadés de Wintzenheim réunis autour d’une table. A cette époque, les restrictions étaient sévères et nous étions bien contents de recevoir des casse-croûte sans tickets. Un gradé de l’armée, alsacien, m’a placé comme civil au 11e régiment de cuirassiers jusqu’en avril 1942, date à laquelle j’ai été embauché à la mairie centrale de Lyon. Alors que je me trouvais affecté au bureau des distributions des bons de chauffage, j’y étais enregistré comme requis, ce qui m’a valu d’échapper à l’enrôlement dans les Chantiers de Jeunesse et dans les Compagnons de France. Entre-temps, j’ai revu deux autres camarades de mon village, Robert Clor et René Schmitt, eux aussi évadés, ce qui faisait déjà neuf hommes. Après l’invasion de la zone dite libre par les Allemands, le 11 novembre 1942, il a fallu redoubler de précaution. Mon identité a été modifiée : je suis devenu Jean Pegaz, né à Bougie (Algérie). Dans ce temps-là, les réseaux de résistance se multipliaient et c’est ainsi que je suis entré au réseau Action-Londres et devenu agent P2, chargé de mission. Ce réseau, comme beaucoup d’autres, dépendait du BCRA (Bureau central de renseignement et d’action) dirigé par le colonel Passy (Dewavrin) à Londres.

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Par la suite, Paul Hirlemann deviendra Paul Pegaz ou Jean Pegaz, né en 1919 à Bougie en Algérie

Tout en me laissant continuer à travailler à la mairie centrale de Lyon, qui me servait de couverture, mon chef dans la Résistance m’a demandé de quitter cet emploi en novembre 1943 pour me consacrer entièrement au réseau. Mon premier travail a été de porter des télégrammes à Heyrieux, à bicyclette, pendant trois semaines ; après quoi, il m’a fallu assurer la liaison avec Saint-Martin-en-Haut. Peu après, j’assurais la liaison avec Villefranche-sur-Saône. Après l’arrestation d’un agent de liaison qui effectuait le trajet Lyon-Paris et retour, on m’a demandé de le remplacer, ce qui impliquait de passer la ligne de démarcation à chaque voyage. Cette ligne avait été maintenue après l’invasion de la zone libre, mais on pouvait la traverser avec des papiers en règle. J’ai pu assurer cette liaison jusqu’au 30 juillet 1944, date à laquelle je suis resté bloqué à Paris. J’ai effectué plus de soixante allers-retours de Lyon à Paris en sept mois, avec à chaque fois un contrôle par les Allemands ou par les miliciens de Vichy, tout en gardant mon sang-froid. Je possédais toujours une attestation (fausse) de la mairie centrale de Lyon qui me permettait d’être couvert, mais le fait de comprendre l’allemand m’était d’une grande utilité. Les marchandises transportées consistaient surtout en postes émetteurs-récepteurs, en armes, mais aussi argent et messages. Lors de mon premier voyage, j’avais une grosse valise renfermant un poste émetteur-récepteur et deux gros accus lorsque j’ai été interpellé en sortant de la gare de Lyon à Paris par trois civils. L’un d’eux voulant savoir ce qu’il y avait dans la valise, je l’ai ouverte séance tenante en lui répondant : un voltmètre pour camion et deux accus. Il a jeté un coup d’œil et m’a répondu avec un petit rire méphistophélique, en me regardant dans les yeux : Ca va, fermez la valise, vous pouvez partir. Encore aujourd’hui, je suis persuadé que ce policier de la préfecture de police de Paris avait compris.

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Poste radio émetteur-récepteur avec ses écouteurs

J’ai véritablement eu peur à trois reprises. La première fois, en mars 1944, quand deux Allemands, casqués et armés, sont venus au café Woehrlé. Me trouvant dans la cuisine, j’ai immédiatement pris la fuite. En réalité, il s’agissait de deux Alsaciens incorporés de force qui amenaient du courrier d’Alsace destiné à madame Woehrlé comme je l’ai appris plus tard. Les Allemands, en raison des attentats, devaient marcher par deux, casqués et armés. La deuxième fois, le 18 mai 1944, en apprenant l’arrestation de deux camarades et de plusieurs autres, j’ai cru que mon heure était arrivée, mais aucun d’eux n’a parlé. La troisième fois, le 9 juillet 1944, lors d’un contact qui devait avoir lieu place Voltaire à Lyon. A l’heure dite, j’ai aperçu un monsieur portant un imperméable gris avec double empiècement autour du col : ce ne pouvait être qu’un policier allemand en civil. Je lui ai échappé en pénétrant dans un magasin. De cet endroit, j’ai aperçu d’autres messieurs non loin. Au café Woehrlé, dans le petit local attenant à la cuisine, se trouvait le stock sans cesse renouvelé de postes émetteurs-récepteurs, accus, armes et documents divers. Les allées et venues, mais également la venue de soldats portant l’uniforme vert, éveillaient l’attention des voisins et des clients, mais les tenanciers arrivaient toujours à endormir leur méfiance. Peut-on s’imaginer dans une même salle de café des membres de réseaux de résistance au milieu de soldats allemands!

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Spécimen de télégramme codé

Radio clandestine : description d’une émission

Quelques minutes avant l’heure du rendez-vous avec Londres, l’opérateur arrive au lieu d’émission. Un ou plusieurs guetteurs extérieurs sont en place. Sortir l’appareil de sa cachette, le poser sur une table, dérouler le fil d’antenne sur dix à quinze mètres (à la campagne, il va se perdre dans un arbre, à la ville, il zigzague d’un mur à l’autre de la pièce), relier l’appareil à une prise de courant (ou à une batterie), enficher le quartz fixant la longueur d’onde prévue, régler l’émetteur et le récepteur : tout cela se fait en quelques minutes lorsque les conditions sont normales.

A la seconde prévue pour la prise de contact, l’opérateur lance cinq ou six fois son indicatif d’appel. Dès que la Centrale de Londres le perçoit, elle répond en émettant son propre indicatif. A partir de ce moment, le trafic s’enchaîne : calmement mais rapidement les signaux morse crépitent, les messages sont transmis un par un, le tout entrecoupé de quelques changements de longueur d’ondes. Pendant tout ce temps l’opérateur radio reste très conscient de l’écoute ennemie qui alerte immédiatement les stations allemandes de repérage par goniométrie. Seul un grand entraînement lui permet de se défaire d’une certaine nervosité, préjudiciable à la qualité et à la précision du travail, car les messages reçus ou transmis sont codés, de telle sorte qu’une lettre manquante ou mal transmise ne peut être devinée ou rectifiée par référence au reste du message. Vingt à trente minutes plus tard, le signal de fin de transmission est échangé, quelquefois accompagné d’une appréciation de la Centrale : (FB) (fine business : bon travail). Il ne reste plus qu’à tout replier, détruire les messages transmis, effacer toute trace de ce qui vient de se passer.

Pendant ces trente minutes ont été transmis des renseignements sur l’ennemi, des comptes-rendus de sabotages et d’opérations aériennes la liaison vitale entre les Forces de l’Intérieur et les alliés de l’extérieur a été maintenue. Cette émission de trente minutes réalisée par l’opérateur radio a également nécessité un long et dangereux travail de préparation assumé par les agents de liaison et de protection. Il fallait bien que les postes émetteurs soient régulièrement changés d’emplacements, les émissions couvertes par des gens armés, les boites aux lettres relevées, les emplacements d’émissions renouvelés, etc, et cela c’était le travail dangereux des auxiliaires des radios clandestines.

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Robert Clor 1922-1993

Robert Clor au 151e Régiment d’Infanterie vers 1941-42. Robert Clor, victime de Klaus Barbie, raconte :

Je suis né le 4 février 1922 à Wintzenheim. Je me suis évadé d’Alsace le 11 juillet 1941, en compagnie de René Schmitt, pour ne pas être enrôlé de force dans le RAD (Reichsarbeitsdienst) allemand. Le 18 juillet 1941, je signais un engagement de trois ans au 151e R.I. à Lons-le-Saunier (Jura). J’ai été démobilisé le 28 novembre 1942 après que les Allemands aient occupé la France entière et j’étais titulaire d’une permission renouvelable jusqu’au 28 février 1943. Enfin, je fus placé en congé d’Armistice le 1er mars 1943.

Bien avant cette date, c’est-à-dire le 15 décembre 1942, j’ai signé un engagement pour la durée de la guerre comme agent P2 dans le Réseau de Renseignements et de Transmissions Électre Bouleau, commandé à ce moment-là par le colonel Jean Fleury.

Ma première mission consistait à ramasser chaque jour, matin et soir, les télégrammes dans différentes boîtes aux lettres se trouvant aux quatre coins de Lyon. Ces télégrammes étaient destinés soit à Londres, soit à Alger. Tous les jours, j’ai changé le poste émetteur d’emplacement parce que, à ce moment-là, nous ne possédions qu’un seul poste. De plus, je m’occupais de la protection des opérateurs pendant leurs transmissions. Je me rappelle de quelques noms de Réseaux, dont nous étions responsables des transmissions : Vector, Raoul, François, Etienne et, bien sûr, Max dont nous ignorions à cette époque la véritable identité, Jean Moulin.

Notre adjoint au Colonel Jean Fleury, nommé Cazenave, nous a malheureusement quittés à la suite d’un accident d’avion sur la route de Londres. Il fut aussitôt remplacé par Jacques Salomon Richet, alias commandant Renal. Début 1943, nous possédions deux postes émetteurs et comme agents : moi-même, Robi alias Jules Bizet et deux radios opérateurs de la Marine, des vrais : Félix – Berger ou Suchard.

De jour en jour, les télégrammes devenaient plus nombreux et, de ce fait, il fallait élargir notre champ d’action. Richet, commandant Renal, m’a confié une mission très délicate, qui consistait à créer d’autres secteurs, à chercher des emplacements pour faire nos émissions dans d’autres villes que Lyon. A Lyon, les Allemands avaient installé une centrale de goniométrie avec cinq ou six voitures pour détecter les radios clandestines. C’était vraiment une mission difficile que de chercher des emplacements pour pouvoir travailler avec un poste émetteur dans une ville où je ne connaissais personne. Souvent, lorsque je frappais à une porte, les gens se méfiaient et il leur fallait un certain temps de réflexion, voire des journées, avant de donner leur accord. N’oublions pas que les rues pullulaient d’Allemands. Tout de même, j’ai réussi dans cette délicate mission, et non sans difficulté à Valence, à Grenoble, à Charolles-sur-Saône et à Beaujeu (Rhône).

Grenoble et Beaujeu devinrent nos secteurs préférés. Dans ces deux régions, les emplacements étaient des fermes situées sur les hauteurs. On recevait les émissions 5 sur 5 et, pour la protection des opérateurs, on voyait facilement à deux ou trois kilomètres à la ronde l’approche des voitures gonio qui essayaient de nous repérer. Il faut dire que depuis février 1944, elles n’avaient plus d’antenne circulaire sur le toit, et les reconnaître devenait de plus en plus aléatoire.

Maintenant que j’avais les emplacements, il ne me manquait plus que les agents de liaison et des radios expérimentés. De mon côté, j’ai contacté quelques Alsaciens et Lorrains dont j’avais fait la connaissance au 151e R.I. Ils étaient tous évadés d’Alsace comme moi. J’ai eu la chance de récupérer une bonne dizaine d’entre eux. Le recrutement des opérateurs était du ressort de mes chefs Fleury et Richet. Notre Réseau Électre Bouleau s’était bien organisé. Nous transmettions au début de l’année 1943 quelque trois à quatre télégrammes par semaine, alors qu’en 1944 nous en transmettions des dizaines et des dizaines par jour. La preuve, le 17 mai 1944, jour de mon arrestation à la boîte aux lettres rue Victor Hugo à Lyon, j’étais en possession d’une centaine de télégrammes destinés à Londres ou à Alger, et en plus de neuf quartzs pour nos postes-radios. Heureusement, les télégrammes étaient tous en groupes codés. Les Allemands ne m’ont laissé aucune chance de me débarrasser de cette marchandise qui nous était très chère. Voici comment les choses se sont passées.

Je me dirigeais vers notre boîte aux lettres de repêchage en compagnie d’un agent de liaison, originaire de Strasbourg, Henri L., que je venais de recruter deux ou trois mois auparavant. Brusquement, un policier en civil m’a fait traverser la rue Victor Hugo, le pistolet pointé dans mon dos, et m’a poussé dans une librairie-papeterie située juste en face de cette boîte aux lettres. Arrivé dans le bureau du magasin, le policier demanda à un des employés une corde ou cordelette, ce qu’il lui fournit aussitôt. Alors ils se mirent à deux pour me ficeler les mains dans le dos. Le policier téléphonait à la Gestapo et en même temps il déposa son pistolet sur la table, à moins de trente centimètres d’Henri qui ne bougea point. Inutile de me casser la tête, j’avais vite compris qu’Henri marchait avec eux et qu’il m’avait trahi. Au téléphone, le flic parlait au pluriel en disant : On a arrêté l’agent de confiance Robi, alias Jules Bizet. Peu de temps après, deux gorilles dans une traction 15 CV sont venus nous chercher. Nous prîmes la direction de l’École de santé militaire. Henri marchait toujours librement. A l’école, commencèrent les interrogatoires, pendant quatre jours. De temps en temps, on me descendait à la cave pour récupérer un peu, mais jamais trop longtemps. C’est dans cette cave que j’ai trouvé quelques-uns de mes camarades qui s’étaient fait prendre de la même façon que moi, toujours accompagnés par Henri.

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La prison de Montluc à Lyon, vers 1945-46

Le cinquième jour, je fus transporté à la prison de Montluc. Je n’avais ni mangé ni bu pendant cinq jours. Rien que des interrogatoires. Voici le nom de quelques camarades de combat rencontrés dans cette cave : Clément, René alias Serge Riffart, et Christophe qui était même accompagné de son épouse. Il y avait aussi un chef du Réseau Vector, dont j’avais perdu la trace. Il m’accompagnera dans le même convoi en direction de Compiègne.

Dans la cellule de Montluc, j’eus la visite de M. Farragi, adjoint de Richet, qui me posa pas mal de questions. Dans ma tête, il y eut un déclic. Pourquoi ? Parce que c’était le seul de tous les agents de ce Réseau qui possédait l’adresse exacte de notre chef, Renal. Richet et son épouse avaient été arrêtés, mais pas à la boite aux lettres.

La navette entre Montluc et l’École de santé militaire dura jusqu’au jour où l’École fut bombardée. Dès lors les interrogatoires continuèrent au siège de la Gestapo, place Bellecour.

Un jour, on me fit entrer dans un bureau. Que vis-je ? Henri L. assis à une table, devant lui une assiette et une bouteille de vin d’Alsace. En face de lui, un certain Francis qui se retourna et me dit : C’est toi Robi ? Tu aurais mieux fait d’aller planter des choux à la campagne que de faire ce métier. Et, en plus, il ajouta : Tu vois, Henri mange. Je pense qu’il croyait m’intimider avec çà, mais j’en avais vu d’autres avant lui.

L’interrogatoire le plus dur fut la confrontation avec mon chef Richet, alias Renal, qui était presque méconnaissable, assis dans un fauteuil. Il y avait aussi deux brutes qui étaient présentes, armées chacune d’un nerf de bœuf et qui me posaient plusieurs fois la même question : Regarde bien ce salaud et dis-nous que c’est bien lui Richet, chef du réseau Électre Bouleau et que vous étiez toujours en liaison avec les Russes. Inutile de vous faire un dessin du traitement qu’ils me réservaient quand je leur répondais que je ne connaissais pas ce Monsieur. Il faut dire franchement qu’il fallait bien regarder pour le reconnaître : il subissait des tortures inimaginables. Après cela, les deux anges gardiens s’occupèrent un peu de moi et me firent valser à coups de nerf de bœuf dans une autre chambre. En rentrant dans celle-ci, je croisais mon camarade d’évasion René Schmitt, alias Serge Riffart, qui sortait dans un état lamentable. C’était justement René qui était le responsable du bon fonctionnement du secteur Grenoble.

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Robert Clor le 26 mai 1987 devant le Palais de Justice de Lyon pendant le procès Barbie

A l’intérieur de cette chambre se trouvait Klaus Barbie, les mains sur les hanches. Je l’ai tout de suite reconnu d’après les photographies faites en 1945 et montrées à la télévision française après son arrestation. Il y avait aussi deux autres sbires qui m’accueillaient de la même façon. Ils ne me laissaient pas le temps de me déshabiller ou de souffler un peu et me bousculaient immédiatement dans une baignoire pour mon premier bain de santé. Dans un intervalle de deux heures, j’en ai subi six.

Durant ce séjour de six semaines à Monluc, et faisant la navette Montluc-École de santé militaire ou Montluc-place Bellecour, j’ai subi vingt-quatre interrogatoires, plus cruels les uns que les autres et toujours menés par d’autres bourreaux.

Pendant ce temps, deux de ces chiens enragés (Bluthunde) s’occupaient d’une jeune fille d’environ vingt ans et nue. Elle était accrochée par les menottes au-dessus de la porte d’entrée de cette fameuse chambre. Derrière elle se trouvait les deux sbires sous le commandement de Barbie, chacun un fouet à la main et ils tapaient et tapaient ; mais pour Barbie, jamais assez fort. Et cette fille refusait de cracher le morceau. Les seuls mots que j’ai entendus d’elle sont : Je ne sais rien. Ils me sont restés gravés dans la mémoire. Pour moi, cela me faisait l’effet d’une piqûre qui augmentait mon courage et me donnait des forces supplémentaires pour la suite de mes interrogatoires.

A un moment donné, Barbie donna l’ordre à mes anges gardiens de me laisser par terre pour souffler un peu. Au même instant, les deux autres décrochèrent la jeune fille. Elle ne parlait toujours pas. La fille s’écroula la tête la première sur le sol, comme une personne frappée par la foudre. A ce moment-là, il se passa une chose que je ne voudrais plus jamais revoir, une chose inhumaine. Barbie donna l’ordre à un de ces hommes d’infliger à la fille des tortures d’une incroyable bestialité. Barbie, voyant que le sbire de service ne réagissait pas tout de suite, prit le fouet et s’occupa lui-même de cette ignoble besogne. Cette pauvre fille ne criait et ne pleurait plus, mais elle hurlait et ne disait toujours rien. Je ne crois pas que l’on puisse se faire une idée de l’effet que cela m’a fait d’être obligé d’assister à une telle torture, sans pouvoir secourir la malheureuse, couchée sur le sol à deux ou trois mètres de moi. Je me sentais vraiment incapable face à ces cinq chiens enragés.

Déposition de Robert Clor le 28 mars 1983, en vue du procès Barbie qui s’est tenu à Lyon en 1987

Après un séjour d’un mois et demi, je fus transféré à Compiègne puis expédié vers le sinistre camp de Neuengamme (matricule 36974). Avril 1944 : le camp est évacué vers Lubeck. Mai 1945 : échange de prisonniers avec la Croix Rouge suédoise dans le cadre de la mission Bernadotte, bombardement tragique des bateaux Cap Arcona, Thielbeck et « Deutschland » (10.000 morts), arrivée en Suède puis, le 28 juin 1945, rapatriement à Paris et, le 14 juillet 1945, convoqué par mes chefs de la Résistance, j’assiste à Colmar au magnifique défilé de la victoire.

Neuengamme : les commandos de ramassage des bombes non éclatées

Robert Clor n’a pas connu les camps pendant une longue période. Il a cependant eu le temps de côtoyer et de vivre les plus inimaginables horreurs. Jules Bizet, c’est son nom de code, a été arrêté sur dénonciation le 17 mai 1944 à Lyon. Après 24 interrogatoires, il est conduit à la prison de Montluc. Puis on l’envoie à Compiègne durant une quinzaine de jours. Enfin, le wagon à bestiaux, direction le camp de Neuengamme. Six jours sans rien avaler.

A peine arrivé au camp, Robert Clor est affecté au commando qui est chargé de déterrer à Hambourg les bombes qui n’ont pas explosé. Ces bombes étaient envoyées par les alliés, et Hambourg faisait partie des villes les plus visées. 80 Français ont été attelés à ce travail. Cinq semaines plus tard, moins d’une dizaine revenaient au camp. Ils avaient été répartis par équipes de 6 et étaient accompagnés d’un policier et d’un artificier.

- Nous creusions, raconte Robert Clor, à la pelle ou à la pioche pour déterrer une bombe qui risquait à tout moment d’éclater. Un jour, nous avons désamorcé une bombe de 250 kg qui était tombée sur des rails de chemin de fer, près d’une usine d’aluminium. Deux jours plus tard, nous eûmes la satisfaction de voir que cette même usine avait été bombardée et détruite.

Si bas dans la déchéance.

Fin avril 1944, à l’approche des alliés, le camp est évacué et Robert Clor est chargé sur un bateau à Lubeck qui fait la navette entre le port et le Cap Arcona. Au début, on croyait que le bateau était chargé de ravitaillement, mais en réalité on revenait avec un chargement de cadavres de déportés. Puis les déportés sont entassés dans la cale d’un autre bateau, L’Athen qui stationnait dans un petit port près de Lubeck. Les malades du typhus voisinaient avec les morts. Impossible de savoir combien de personnes contenait la cale. Heureusement, la distribution d’un colis de la Croix-Rouge permet à de nombreux internés de survivre en attendant la libération qui arrive sous forme d’un échange de prisonniers par l’intermédiaire de la Croix-Rouge suédoise. Le souvenir des jours passés dans ces bateaux ne quittera jamais Robert Clor : C’était chacun pour soi. Je n’aurais jamais imaginé qu’un homme puisse tomber si bas dans la déchéance. Notre comportement était pire que celui d’un animal. Robert Clor est décédé à Colmar le 9 novembre 1993.

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René Schmitt 1921-1944

René Schmitt vers 1941-42 dans l’uniforme du 151e R.I. René, patriote ardent, né le, 12 octobre 1921 à Wintzenheim, est mort en déportation. Il a succombé dans le train de la mort le 2 juillet 1944, à Dachau, Allemagne.

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Mars-avril 1944 : René Schmitt à L’Ile Roy avec son amie Simone

Une rue de Wintzenheim porte son nom : René Schmitt

René Schmitt est né le 12 octobre 1921 à Wintzenheim. Après l’école primaire de Wintzenheim, il fréquente l’école primaire supérieure de Colmar jusqu’au brevet industriel. Passionné dès son jeune âge pour l’automobile, il ne put résister à acquérir une formation pratique dans cette branche. L’occupation allemande le surprit mais René n’accepta pas un seul instant l’idée de servir l’Allemagne. Pour éviter son enrôlement dans le R.A.D. (Reichsarbeitsdienst), il quitta l’Alsace clandestinement le 11 juillet 1941 en compagnie de Robert Clor, et s’engagea dès son arrivée en zone libre au 151e R.I. à Lons-le-Saunier. Après l’occupation de la zone libre par l’armée hitlérienne, c’est-à-dire après le 11 novembre 1942, René entre dans la Résistance de Lyon (sous le nom de code Serge Riffart) et plus précisément dans le réseau Électre Bouleau faisant partie du B.C.R.A. de Londres. A partir de ce moment, ce fut pour lui une vie mouvementée à l’extrême dans ce réseau de renseignements des Forces françaises libres, et où il fut chargé par la suite de l’installation et du commandement d’une unité d’émission radio dans les murs de l’établissement des époux Woehrlé, 156 rue de Créqui. Hélas, mi-mai, un traître devait le vendre à la Gestapo, ainsi que plusieurs autres agents du réseau. Arrêté le 17 mai 1944 à Lyon en même temps que Robert Clor, il est interrogé par la Gestapo dans les locaux de l’École de santé militaire, puis interné à la prison Montluc de Lyon. Il dû subir toute la gamme des sévices et des tortures faisant partie du répertoire de la Gestapo, et sans parler, sauvant ainsi bon nombre de ses camarades. Puis il fut chargé dans un wagon du tristement célèbre train de la mort, à destination de Dachau, via Compiègne. Hélas, de ces wagons où ils étaient entassés à raison de 120 déportés en moyenne, il ne devait plus sortir, une fois les portes ouvertes le long de la rampe d’arrivée à Dachau, qu’une petite poignée de vivants, les autres étant déjà morts ou sur le point de mourir. René Schmitt était déjà parmi les morts. René Schmitt qui a donné sa vie à la patrie, a été un exemple de dévouement, d’abnégation et de courage pour tous ses camarades. Il a gagné l’estime de tous ceux qui l’ont connu.

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Camp de Compiegne-Royallieu

Sous administration allemande, le camp de transit avant déportation de Compiègne-Royallieu est situé au nord de Paris, sur le territoire de la commune de Compiègne (Oise). Ancienne caserne, il est composé de plusieurs quartiers séparés par huit bâtiments.

Camp de Dachau

Dachau est une ville allemande située au nord-ouest de Munich. Himmler, chef de la police de Bavière, y a fondé le premier camp de concentration S.S. en mars 1933. Initialement destiné aux Allemands antinazis, le camp de Dachau renferme des déportés jusqu’au 29 avril 1945, jour de sa libération par l’armée américaine. Camp central, il comporte cent quatre vingt-trois Kommandos extérieurs. Au moins 200.000 personnes y ont été déportées, au moins 30.000 y sont mortes (selon les dernières recherches).

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Lucien Goetz 1921-2004

Lucien Goetz en 1946-47

Lucien et Germaine Goetz à Lyon :

Lucien Goetz est né à Wintzenheim le 12 août 1921. En juillet 1941, pour fuir le régime nazi, Lucien quitte l’Alsace en franchissant les Vosges par la Tête des Faux. Avec 3 camarades du lycée Bartholdi de Colmar, il passe en zone non occupée et aboutit à Lyon. Il est nommé instituteur à Oullins (Rhône) et à Poncin (Ain) puis, en raison de ses qualités sportives (ancien champion d’Alsace d’athlétisme, handballeur, très bon nageur), il devient professeur d’éducation physique et sportive à Lyon. En mars 1942, il revient en Alsace avec un copain de Turckheim, pour  retrouver à Logelbach celle qu’il aime, Germaine Marbach, sa future épouse. Avec elle il franchit une nouvelle fois la ligne de démarcation, passant par Mittlach et le lac de l’Altenweier, servant par la même occasion de guide à une dizaine de prisonniers évadés. La course n’est pas facile à travers la neige. Heureusement, tout se passe bien jusqu’à Lyon. Là, rue Rabelais, de nombreux israélites de Wintzenheim, les Klein, Dreyfus, Bloch et autres vivent dans la crainte des rafles et perquisitions. Lucien, qui exerce encore la fonction de professeur d’éducation physique, a quelques contacts qui lui permettent d’obtenir soit des cartes d’alimentation, soit des papiers d’identité. C’est son épouse Germaine qui les remet à ces démunis. Un ami de la famille, M. Blatz de Turckheim, fait partie de ces résistants bénévoles. Lucien retrouve aussi ses amis de Wintzenheim, Paul Hirlemann et René Schmitt, Léon Muller d’Eguisheim, et quelques autres. Il s’engage alors à fond dans la Résistance.

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Lucien Goetz en 1941 à Lyon, en compagnie de Paul Hirlemann

Après un déménagement à Craponne (Rhône), à quelques kilomètres à l’ouest de la grande ville, son domicile, impasse des Landes, devient pendant un an le siège-refuge d’un émetteur radio en liaison avec Alger et Londres. A l’époque, les transmissions se faisaient en morse. Lyon est un haut lieu de la Résistance mais, hélas, aussi grand centre pour la Gestapo dans ses basses oeuvres ! Il n’est donc pas étonnant que Lucien et ses camarades demeurent nuit et jour sur le qui-vive. Suite à une dénonciation, des amis du couple, René Schmitt et Robert Clor sont arrêtés. Avec une chance inouïe, Lucien Goetz parvient à se sauver. Prévenu par Germaine, il saute par la fenêtre et court vers la forêt. Une voisine lui apportera des vêtements et un vélo. Son épouse doit remettre le poste émetteur, et elle comprend dans une conversation entre Gestapistes (en allemand) qu’ils viendront l’arrêter le lendemain, puisque dans un premier temps ils ont trouvé ce qu’ils voulaient. Suite à cette alerte, le couple Goetz rejoint le Maquis de la Vallée d’Azergues. A Lamure-sur-Azergues, Lucien est incorporé dans le bataillon F.T.P. du 14 juillet. Avec cette unité, il participe à la libération de Lyon puis, amalgamé dans la 1ere Armée Française, à celle de l’Alsace (Belfort-Thann) avec le 20e Bataillon de choc.

Alphonse Woehrlé

Né le 1er décembre 1897 à Éguisheim, Alphonse Woehrlé est Alsacien de souche. Déserteur de l’armée allemande en 1915, il a été jugé puis condamné à mort par contumace. Installé à Lyon, il a repris en 1928 le fonds de commerce de son patron, 156 rue de Créqui. Toujours à la même adresse en 1939, il exploite avec son épouse une charcuterie-comptoir-épicerie pour la fabrication et la vente à emporter ou à consommer sur place de spécialités alsaciennes. Au moment de la débâcle, il accueille nombre d’Alsaciens qui, ne voulant pas retourner au pays, sont dans l’attente d’un hébergement à Lyon. Jusqu’en juin 1942, époque où les frontières suisses et la crête des Vosges sont bouclées, il loge avec son épouse des évadés ou des jeunes Malgré-nous, incorporés contre leur gré dans la Wehrmacht. Il brûle leur uniforme dans la chaudière de son local. Après l’invasion de la zone (dite) libre le 11 novembre 1942 par les Allemands, Paul Hirlemann, Robert Clor, Charles Ingold et Léon Muller transforment, avec son plein accord, le lieu en un dépôt de documents, d’armes, de postes émetteurs et de matériel clandestin. Dans la cuisine et la salle à manger de son établissement, des agents codent ou décodent, tandis que d’autres sont dans l’attente de liaisons à effectuer, ou que d’autres, encore, dépannent du matériel ou prennent du repos. Alphonse Woehrlé est décédé à Lyon le 9 juillet 1968.

Maria Woehrlé

Née Helderlé à Colmar le 28 novembre 1905, Maria Woehrlé agit dans la clandestinité aux côtés de son mari. Leur établissement sert de centre de rencontre à des agents de la Résistance, originaires d’Alsace. Aux voisins intrigués par les nombreuses allées et venues de jeunes hommes, en remplacement d’une clientèle sans cesse en baisse, elle affirme qu’il s’agit là de jeunes gens de son village d’Alsace, sans famille en zone sud et heureux de pouvoir trouver un lieu de rencontre. Agent de la Résistance, elle oeuvre, comme son mari, dans le cadre du Réseau Amarante. Elle rend visite à des Alsaciens internés à la prison Montluc de Lyon pour récupérer leur linge sale, renfermant des messages. Maria Woehrlé est décédée à Lyon le 3 juin 1995.

Réseaux

Réponse à des besoins immédiats, le plus souvent militaires, les Réseaux sont orientés vers l’action. Ils travaillent soit pour les Services de renseignements de la France libre (qui se transforme en France combattante), soit pour les Services secrets britanniques ou américains. Les Réseaux renseignent sur les effectifs, l’armement, la situation ou le mouvement des troupes allemandes, l’activité des usines et des arsenaux… Certains prennent en charge les évasions ou l’acheminement de personnes désireuses de gagner Londres ou l’Afrique du Nord (soldats britanniques bloqués en France pendant la débâcle, aviateurs tombés sur le sol français avec leur appareil, volontaires pour les services de la France libre, personnalités, prisonniers de guerre évadés). D’autres encore effectuent des sabotages pour éviter des bombardements coûteux en vies humaines. Organisation de renseignement créée à l’initiative du B.C.R.A., le Réseau Électre-Bouleau est homologué aux Réseaux renseignements et évasion des Forces françaises combattantes à compter du 1er juin 1942.

B.C.R.A. – BUREAU CENTRAL DE RENSEIGNEMENT ET D’ACTION

En juin 1940, le général de Gaulle forme à Londres un embryon de Service de renseignements des Forces françaises libres (F.F.L.) dont il confie la direction au capitaine Dewavrin (alias Passy). Le Bureau central de renseignement et d’action (B.C.R.A.) remplace en août 1942 le Bureau central de renseignement de l’action militaire (B.C.R.A.M.). Il prend en charge l’action politique en France. Les liaisons entre le B.C.R.A. et les Réseaux qu’il a organisés en France s’effectuent par radio, parachutages ou courriers transmis par la Suisse, l’Espagne ou le Portugal, et le plus souvent par avion. En 1943 à Alger, le B.C.R.A. devient la Direction générale des Services secrets (D.G.S.S.), avec Jacques Soustelle à sa tête.

Radio

Chaque jour, la B.B.C. accorde quelques minutes de ses émissions aux résistants des différents pays occupés. L’émission Les Français parlent aux Français donne quelquefois la parole au général de Gaulle. Sa prise de parole est alors annoncée par la formule : Honneur et Patrie, voici le général de Gaulle !. La B.B.C. égrène, avec des formules codées, des messages personnels dont la véritable signification n’est connue que des seuls destinataires : arrivée d’un résistant à bon port, annonce d’un parachutage… Le trafic radio en France occupée ne peut être que clandestin. Les Réseaux gèrent le renseignement au moyen de postes émetteurs et récepteurs, parachutés d’Angleterre. Les émissions radio se déroulent de préférence en ville pour éviter un repérage trop rapide par les appareils allemands de goniométrie qui, par triangulation, localisent les emplacements des postes clandestins. A l’heure convenue, l’opérateur radio entre en contact avec son correspondant au moyen d’un langage chiffré à l’aide d’un code.

Faux papiers

La police du gouvernement de Vichy et la Gestapo ont des listes noires. Les juifs, les résistants et les réfractaires au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire) sont obligés de vivre dans la clandestinité complète. Toutes ces personnes traquées doivent se refaire une identité. Des complicités dans les préfectures, mairies et commissariats de police permettent à des faussaires de la Résistance de récupérer des exemplaires vierges de papiers officiels et les tampons pour leur authentification. Le lieu de naissance indiqué est souvent une ville bombardée où les archives d’état civil ont été entièrement détruites. Après le débarquement allié de novembre 1942, le choix des identités se porte souvent sur une ville d’Afrique du Nord, où toute vérification est désormais impossible. Certains maires résistants ajoutent une naissance au bas d’une page de registre d’état civil ou repèrent les noms de disparus ou morts en bas âge (nés dans leur commune) dont l’âge correspond à peu près à celui du demandeur.  

Agent de liaison

Les moyens de communication que sont les Postes, le téléphone et le télégraphe étant étroitement surveillés par les Allemands et les agents de la collaboration, les mouvements et Réseaux – pour faire face à cette situation – ont recours à des porteurs de messages qui se déplacent en train, à bicyclette ou à pied. Par précaution, ces agents de liaison ne connaissent en principe ni l’expéditeur, ni le destinataire des messages. Les plis sont déposés dans une boite à lettres qui peut être soit un boîtier placé dans le hall d’entrée d’un immeuble, soit le domicile d’une personne volontaire. Les femmes sont beaucoup utilisées pour ces missions car, moins suspectées, elles sont moins fouillées. Les agents des Réseaux sont immatriculés en France et en Angleterre. Ils sont classés par catégories (P2, P1 et P0) : Les agents P2 signent un engagement jusqu’à la fin des hostilités. Ils sont à la disposition permanente et complète du Réseau. A ce titre, ils touchent une solde correspondant à leur grade ; Les agents P1 donnent une aide régulière, tout en conservant leur activité professionnelle. Ils reçoivent des indemnités ; Les agents P0 sont des agents occasionnels.

Courrier

Les informations à destination des Forces françaises libres ou des Britanniques ne peuvent pas toujours être transmises par la voie des ondes (plans, photos et rapports). Des agents de liaison ont la responsabilité de transporter des documents à l’intérieur du territoire, mais aussi au-delà des frontières. Ces missions les conduisent à franchir la ligne de démarcation, les voies d’eau, les montagnes. Des avions atterrissent de nuit sur des terrains clandestins pour acheminer ou ramener des agents munis de sacs de documents.

Boite à lettre

Pendant l’Occupation, l’expression boite à lettres désigne soit un boîtier, situé dans un hall d’entrée d’immeuble et portant un nom imaginaire, soit une personne disposant d’un local (appartement discret, bistrot, magasin très fréquenté.) qui, volontairement, le met à disposition de l’action clandestine.

le Maquis du Hohlandsbourg

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René Furstoss

En route pour le maquis

En octobre 1944, j’ai reçu mon ordre d’appel pour être incorporé dans l’armée allemande, mais j’ai refusé de me soumettre à la Wehrmacht. Et au lieu de partir, j’ai contacté Aloyse Koch (père) le soir de mon mariage, le 16 octobre 1944, par l’intermédiaire de mon ami Raymond Sontag, le frère d’Auguste. Je voulais convenir avec lui d’un rendez-vous afin de rejoindre le groupe de maquisards réfugiés dans la forêt.

Le 18 octobre 1944 à 4 heures du matin, après une courte nuit passée chez une de ses tantes, Mme Kannengieser à Wintzenheim, je me sépare de mon épouse avec la promesse et l’espoir de nous retrouver bientôt.

Chargé de mon sac à dos bourré de victuailles, avec par dessus un carton de 5 kilogrammes de pâtes, armé d’un pistolet 08 allemand provenant de la collection de Raymond Sontag, et de munitions que m’avait procurées mon beau-frère Paul, je me présente au rendez-vous fixé au lieu-dit Baerenthal. J’y retrouve Aloyse Koch qui me remet une carabine allemande, son fils Marcel, Jules Miclo, Pierre Straehli, Paul Arnold et trois jeunes Ukrainiennes (Alexandra 18 ans, sa sœur Nina 16 ans, et Valentina 18 ans) qui s’étaient échappées de l’usine Daimler-Benz G.m.b.H., rue du Grillenbreit à Colmar où elles travaillaient de force depuis le 20 septembre 1943.

Chargé comme un mulet, je me fonds dans le groupe, et nous prenons des raccourcis pour monter en direction du Hohlandsbourg. Le trajet est pénible. Arrivés près du château, nous empruntons un sentier en direction du sud-ouest, puis un chemin conduisant à une châtaigneraie. Après avoir gravi un raidillon, nous arrivons près d’un contrefort où se trouve notre bunker.

Le bunker

Il s’agit d’une casemate allemande, vestige de la guerre de 1914-18, à 632 mètres d’altitude, située entre le Hohlandsbourg et le Stauffen, à environ 1h30 de marche du village. Elle est déjà sommairement aménagée. La tranchée, menant à l’entrée fermée par une porte rudimentaire en bois, est débroussaillée. Dans un angle, quelques moellons de granit forment un foyer pour la popote. A l’intérieur, une pièce unique fait 7 mètres sur 3, avec un plafond voûté haut de 2,50 mètres environ. Adossée au mur, une estrade faite de petits troncs d’arbres est couverte de branches de sapins : ce sera notre couche. En guise de porte-manteaux : des clous. Un banc nous sert à la fois de table et de siège. Pour limiter les courants d’air, la sortie de la casemate est camouflée et fermée par des pierres et des branches.

Je me souviens de la première nuit, passée sous la même couverture avec Alexandra, qui se blottit contre moi, grelottante de froid. Elle ne me raconte ni la Place Rouge, ni le café Chez Pouchkine, mais pendant des heures, elle me parle de Victor Hugo, de Racine, de Chaliapine.

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Début des années 2000, René Furstoss fait visiter le bunker à son ami Lucien Brenner

Survivre dans la forêt

Restant toujours sur nos gardes, nous partons chaque jour dans la forêt, par petits groupes, ramasser des champignons et des châtaignes que nous cuisine notre camarade Jules Miclo. Des tentatives de chasse restent vaines. Par contre, la corvée de bois doit être assurée quotidiennement, de même que l’approvisionnement en eau à l’Eberschebrennla, dont le débit est très faible. Les jeunes filles en profitent pour se rafraîchir. Chercher de l’eau nécessite une bonne heure de marche à travers la forêt. Le ravitaillement en vivres est assuré par des camarades qui descendent au village deux fois par semaine. Marcel Vogel, qui loge dans un bunker voisin, descend chez des amis de Wettolsheim, chez le garde forestier Keller à Saint-Gilles, ou chez Charles Burghart où il récupère des denrées et du linge de rechange que lui déposent là-bas ses parents. Marcel vit dans la forêt depuis début septembre.

Un jour, en compagnie de deux camarades, je rends visite aux occupants du bunker voisin, situé en amont, dans une futaie à environ 500 mètres au sud du nôtre. Dans cette casemate, qui avait été aménagée par le garde forestier Keller, se réfugient les frères Marcel et Paul Vogel, Alfred Geissler et René Schee, tous de Colmar. Je suis frappé par la carrure de Marcel. Avec sa mitraillette à l’épaule et son regard aux aguets, il est le type même du partisan. Quelques jours plus tard, il me sauvera la vie.

Durant ce séjour dans la forêt, je descends une seule fois au village, un samedi soir, pour rejoindre mon épouse. L’oncle et la tante ont la délicate attention de nous laisser leur logement. Cette nuit là, ils dorment ailleurs avec leurs trois enfants. La prudence est de règle. Le lendemain matin, vers 4 heures, nous nous disons un au revoir que nous mettons tacitement entre les mains du destin.

Quelques mètres après la synagogue, une ombre surgit : Halt ! Was machen sie hier ? Ich gehe Käse holen in den Vogesen. Gut.

Il s’agit d’une sentinelle allemande, mais probablement pas de la pire espèce. J’avais mon 08 armé dans la poche, mais son utilisation en plein village aurait déclenché une alerte générale, et m’aurait été fatale, et sans doute aussi pour d’autres. Je rejoins mes camarades au Baerenthal, puis ceux restés au bunker.

Et soudain, c’est le drame

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Extrait du Kolmarer Kurier du 7 novembre 1944

Tout va pour le mieux jusqu’au jour où des camarades, remontant du village, nous apprennent qu’un ressortissant d’origine allemande s’est vanté à l’épicerie Stoll d’avoir découvert un refuge de partisans près du Hohlandsbourg et qu’il allait faire le nécessaire pour qu’ils soient dénichés. Un membre de notre groupe veut descendre sur-le-champ au village pour régler son compte à l’individu. Nous arrivons à l’en dissuader, car un tel acte en plein village pouvait entraîner des représailles sur la population. Il est décidé de le supprimer dans la forêt, à la première occasion qui se présentera. C’est ce qui se produit le vendredi 27 octobre 1944. L’homme est abattu par un maquisard et aussitôt enterré dans la forêt.Le lendemain, la Landwache (garde territoriale) avec une vingtaine d’hommes, effectue une battue mais elle rentre bredouille. Il faut dire que la battue s’est arrêtée juste avant de pénétrer dans le périmètre où se trouvent les bunkers. Le 30 octobre 1944, deux gendarmes, Karl Marquardt, le chef du poste de gendarmerie de Wintzenheim et Willi Höhn un gendarme de Turckheim, guidés par la fille de l’individu, se rendent dans la montagne. Au bunker, ils arrêtent trois maquisards et une femme russe tandis qu’Aloyse et Marcel Koch, Henri Eichholtzer, et cinq autres parviennent à s’échapper. On apprend la suite par le journal.En effet, le 21 novembre 1944, alors que les troupes françaises libératrices entrent à Mulhouse, le Kolmarer Kurier publie un long communiqué sur l’affaire des deux gendarmes tués, ce qui est tout à fait inhabituel. Il tend à faire passer les faits pour un vulgaire meurtre ayant pour mobile le vol. Une récompense est offerte (10.000 marks) pour chaque meurtrier arrêté. Cette énorme récompense n’a cependant tenté aucun Alsacien : Une grande récompense est offerte pour la découverte des meurtriers de deux gendarmes de Wintzenheim.

Dans l’après-midi du 30 octobre 1944, deux fonctionnaires de la Gendarmerie, au moment de l’arrestation de quatre personnes dans la forêt de Wintzenheim, arrondissement de Colmar, ont été assassinés par des coups tirés d’une mitraillette calibre 9mm, et dévalisés. Trois coupables sont en fuite, un a pu être arrêté (il s’agit de Nina, l’une des Ukrainiennes). Signalement des coupables :

1) Miclo Jules, célibataire, ouvrier d’usine, né le 26.1.1916 à Guémar, arrondissement de Ribeauvillé, taille 1,70 m, svelte, cheveux châtain, parle le dialecte alsacien, vêtu d’un pantalon de golf brun, vareuse brun-clair, feutre brun, bas de sport vert foncé, chaussures brunes sans tiges, pardessus beige avec ceinture.

2) Furstoss René, marié, employé de bureau, né le 27.4.1922 à Roppentzwiller, arrondissement d’Altkirch, taille 1,75 m, svelte, cheveux blond foncé, parle le dialecte alsacien, porte un pantalon de golf verdâtre, veste brun clair, casquette à visière bleu foncé et chaussures noires à tiges.

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René Furstoss après la guerre. Il est décédé à Wintzenheim le 6 août 2004

3) Prénom présumé Paul, à peu près 20 ans, taille 1,65 m, svelte, porteur de lunettes, cheveux blond foncé, parle le dialecte alsacien, vêtu d’un pantalon sombre rayé, veste de pluie verdâtre, sans couvre-chef.

Ont été volés : 1) un pistolet 08 N° 9145 et 2 chargeurs avec à peu près 20 balles, 2) une carabine polonaise N° 1084K avec environ 30 cartouches 3) une montre homme-réveil matin en métal blanc, de taille passablement grande, cadran blanc avec chiffres arabes en noir de 1 à 12, aiguille à secondes, au verso couvercle à ressort muni d’un remontoir à clef. 4) Un porte-monnaie en cuir brun foncé avec 2 compartiments intérieurs, fermeture avec bouton pression ; contenu : un billet de 20 RM et quelques petits billets. 5) Une trousse avec une clef d’appartement, une clef pour table de bureau et une petite clef.

Pour la coopération à la découverte et à l’arrestation des coupables, une récompense se montant à 10.000 RM par coupable est offerte. Cette récompense est uniquement destinée à la population et non aux fonctionnaires dont la répression d’actes punissables est dictée de par leur devoir professionnel. La répartition de la récompense sera faite hors procédure légale. Les indications y afférentes qui, sur demande, seront traitées confidentiellement, sont à faire à la Police criminelle Mulhouse/Alsace – Commission de Meurte, ou à n’importe quel autre bureau de police.

Cet avis de recherche comporte plusieurs erreurs. Le signalement des partisans recherchés a probablement été fourni à la Police par la fille de l’individu, qui accompagnait les deux gendarmes pour les mener au bunker. Elle connaissait René Furstoss pour l’avoir déjà croisé au village. Par contre, Jules Miclo n’était plus au bunker le jour du drame. Elle voulait probablement désigner Marcel Vogel qui avait été menotté à son frère Paul après leur arrestation au bunker. Et c’est eux qui, au cours de la descente vers le Saint-Gilles et à la faveur d’une bousculade, ont réussi à s’emparer d’un pistolet mitrailleur et à neutraliser les deux gendarmes avec le concours de René Furstoss. Toujours est-il que les trois maquisards ont réussi à prendre la fuite. Ils se sont réfugiés au presbytère de Zimmerbach, avec d’autres évadés et réfractaires cachés par l’abbé Vuillemin. C’est là que René Furstoss apprend que, suite à cette affaire, sa mère et son épouse ont été arrêtées et incarcérées à la prison de Colmar.

Il s’agit de Karl Marquardt, Meister der Gendarmerie, né le 18 octobre 1893 à Leopoldshafen Kreis Karsruhe, et Willi Höhn, Bezirksoberwachtmeister, né le 26 novembre 1889 à Mönchröden Kreis Coburg. Leur acte de décès précise qu’ils sont morts le 30 octobre 1944 à 16h30 à Wintzenheim, dans la forêt (Flur 85/1 Abteilung VII Eichwald). Todesursache : ist bei einem Dienstgang durch Unbekannte erschossen worden (cause de la mort : fut abattu lors d’une ronde dans l’exercice de ses fonctions).

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Voici les photos des trois Ukrainiennes qui ont partagé le campement des maquisards du Hohlandsbourg.

LES S.T.O.

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 2 h 15 min

Le S.T.O et ses effets

Le service militaire étant interdit par les conditions de l’armistice, les jeunes hommes étaient appelés dans les Chantiers de la jeunesse. Celui-ci portait le nom du Chevalier d ‘Assas et était établi à Avèze dans le Puy de Dôme, où séjourna Henri Gorce, grand père d ‘Emilie Pradel de 3°4, originaire de Lavaur.

LES S.T.O. dans LA RÉSISTANCE 1940-1945 artfichier_729028_1834396_20130302160527

Chantier des jeunesses

Plus près de nous un autre chantier existait à Labruguière. A partir de 1943 ces chantiers serviront d’antichambres au STO mais ils seront aussi des viviers pour les maquis de la région. Entre 1942 et 1944 plus de 4000 jeunes Tarnais partirent pour les usines du Grand Reich dans le cadre du Service du Travail Obligatoire qui remplaçait la Relève, contraints et forcés comme Henri Gorce, parti le 19 juin 1943 et qui ne revint que le 18 juin 1945.

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Certificat de Déportation

Malgré la propagande officielle, ces mesures provoquèrent des réactions violentes de la part de la population tarnaise: à Mazamet, les 11 et 12 mai 1943, la foule s’opposa au départ des travailleurs du STO, chantant la Marseillaise et l ‘Internationale. Les maquis reçurent de nombreux réfractaires au STO.

Les actions :

La résistance peut prendre des formes multiples, comme par exemple le sabotage dans les mines de Carmaux :

On coupait les tapis de roulement du charbon, les tuyaux de caoutchouc contenant l’air condensé, on faisait sauter la tuyauterie de fer, on provoquait des éboulements de chantier, on abîmait les machines d’extraction et les locomotives électriques en mettant de la limaille de fer dans les engrenages.

S.Przenioslo, mineur polonais, FTPF-MOI de Carmaux.

Résister, c’est aussi informer, défendre les valeurs républicaines, redonner espoir contrairement à la propagande officielle. Le sursaut tarnais  était l’organe officiel des Forces Françaises de l ‘Intérieur (F.F.I.) dans le Tarn. Cet exemplaire, daté du 31 mai 1944, relate l ‘assassinat et l ‘enterrement du résistant carmausin Bouloc-Torcatis.

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Le Sursaut Tarnais   Imprimé clandestinement, ce journal pouvait valoir la déportation à ses auteurs.

Résister peut prendre la forme d’un tract à l’humour grinçant sur les circonstances du Noël 1943; c’est aussi un manifeste d’espoir.

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Tract distribué à Noël 1943

Je ne te demande pas quelle est ta race ou quelle est ta religion, dis-moi seulement quelle est ta souffrance disait Louis Pasteur.

Le clergé catholique, les pasteurs protestants du Tarn, au nom des valeurs chrétiennes, ont apporté un soutien actif à la Résistance, dont voici divers exemples:

A Montirat (extrême nord du Tarn) l ‘Abbé Vedel hébergea des jeunes réfractaires au S.T.O;

A Carmaux le Pasteur Delors abrita des enfants juifs dont les parents avaient été déportés;

Le 20 mai 1944, à la fête de Saint Privat de Carmaux le Chanoine Frayssinet prononça une allocution lors de l’enterrement d ‘un résistant socialiste abattu par la milice, Bouloc-Torcatis: Il est mort en murmurant: Vive la France, résistez !

Au séminaire de Pratlong, dans les Monts de Lacaune, l’Abbé Cugnasse a accueilli des résistants du maquis de Vabres parmi lesquels de nombreux juifs, après le combat du Martinou;

Le Pasteur René Marchand, d ‘Espérausses a caché lui aussi des familles juives et des réfractaires au S.T.O;

Le Pasteur Robert Cook a fait de même dans la région de Vabres.

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Mariage à Camp Soleil le 29 juillet 1944, d’Isabelle LERAY et de Louis Cebe, célébré par le pasteur Robert Cook

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Affiche de propagande incitant à aller volontairement travailler en Allemagne pour y trouver un bon salaire et de quoi nourrir sa famille. Cette politique d’incitation n’aura pas beaucoup de succès, d’autant qu’une fois sur place, la réalité n’avait pas grand chose à voir avec les promesses.

Les travailleurs français dans les usines allemandes

Cette recherche vise à essayer de cerner l’importance du nombre de français transférés volontairement ou non en Allemagne pour y occuper des postes dans les usines, travaillant le plus souvent pour l’industrie d’armement. Les transferts recherchés, ne visent évidemment pas les déportés de Répression ou de Persécution, certes intégrés à l’économie du 3ème Reich dans les conditions iniques que l’on sait, mais ceux uniquement des flux suscités, puis imposés, par les autorités allemandes. Des autorités aidées par Vichy, et, tout particulièrement, par Laval, qu’il s’agisse des travailleurs volontaires, mais surtout, des travailleurs requis.

Déportés du travail : statut réel ou confusion

Au retour de ces travailleurs un recensement a eu lieu. Et dans le cadre de l’ordonnance du 1er Mai 1945 il leur a été reconnu la qualité de « Déporté du Travail  dans la mesure où il s’agissait de personnes ayant du quitter leur emploi, soit pour travailler au profit de l’ennemi dans des conditions exclusives de toute intention réelle de coopération à l’effort de guerre de celui-ci, soit pour se soustraire à un travail effectué pour le compte de l’ennemi.

Sont donc exclus de la qualité de Déporté du Travail  les volontaires qui ont coopérés. Peut-on réellement mettre dans ces volontaires tous les prisonniers de guerre « transformés selon une décision d’Hitler d’avril 1943 ? Probablement pas ?

Quant aux personnes qui se sont soustraites à un travail effectué pour le compte de l’ennemi visait-on les réfractaires ?

Quoiqu’il en soit cette ordonnance, lors des retours, a été appliquée et probablement au départ dans un certain consensus puisque les trois fédérations, qui ont rapidement émergées des premiers classements réalisés par l’administration, (Déportés et internés Patriotes, Prisonniers de Guerre, Déportés du Travail), ont manifesté leur union en éditant un affiche représentant : un concentrationnaire en tenue rayé s’appuyant sur l’épaule d’un prisonnier de guerre et sur celle d’un travailleur libre avec cette légende, ils sont unis, ne les divisez pas !

Mais cette union ne dura pas. Les prisonniers de guerre, de loin les plus nombreux, reçurent un statut propre. Et très rapidement il devint évident que l’on ne pouvait pas comparer le sort fait aux déportés dans les camps d’extermination et dans des camps de concentration, et celui des Déportés du Travail, certes requis, mais en vertu d’une loi française, les ayant contraints d’occuper un poste de travail en Allemagne où ils gardaient une certaine liberté et où ils étaient payés. Quant à l’argument de la faim et des bombardements, était-il différent de la situation connue par bien des français. Juridiquement, le statut de déporté va être défini par les lois du 6 août 1948 (Déportés Résistants) et du 9 septembre 1948 (Déportés Politiques) Elles vont préciser que pour être Déporté, il faut avoir été arrêté puis transféré par l’ennemi hors du territoire national, puis incarcéré ou interné dans une prison ou dans un camps de déportation De fait, le mot « Déporté accolé à Travail n’avait plus de raison d’être. Et si la jurisprudence a constamment rappelé cette position, il n’empêche que, si vous consultez sur Internet les sites ayant trait au S.T.O, vous pourrez constater que le terme Déporté est souvent utilisé dans les témoignages. Vous trouverez également son usage au cours d’un colloque. Parallèlement, cherchant un livre de référence rapportant historiquement l’enchaînement des procédures à la base des transferts de main-d’œuvre française en Allemagne, je n’en ai trouvé qu’un, rapportant correctement ce sujet. Il a pour titre. La déportation des travailleurs français dans le 3ème Reich. Édité il y a presque 35 ans, ce livre aurait, peut être, aujourd’hui, un titre différent, mais il faut aussi noter qu’ils relatif aux déportés en camps de concentration ou en prisons, venus de la population des travailleurs français en Allemagne.

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Affiche de propagande allemande pour l’emploi du S.T.O

Les travailleurs français en Allemagne au quotidien à l’arrivée

Arrivés en Allemagne, les travailleurs sont photographiés, immatriculés, mis en fiche, mis en carte et reçoivent leur sésame : l’Ausweis, le laisser passer qui ne devra plus les quitter entrent soit dans des centres de triage souvent mal entretenus où les employeurs flanqués de fonctionnaires de l’Office du Travail viennent faire leur choix. L’attente à l’embauche peut durer un certain temps soit, s’ils sont non spécialistes  sont directement incorporés dans des formations auxiliaires de la Wehrmacht, revêtus d’uniformes allemands et soumis au régime et à la discipline de guerre sont embrigadés dans l’organisation Todt, ou reçoivent une tenue et sont orientés vers des travaux de terrassement et de déblaiement des ruines.

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Le logement

Avant 1942, il est, en grande partie, chez l’habitant et, pour les grosses entreprises, telles Krupp, I.G Farben, les usines Herman Goering, en camps près des usines. Le 7 mai 1942, Sauckel précise que les travailleurs industriels sont logés en principe dans des camps personnels. Les camps seront de toutes catégories : de très convenables à sales et exigus. Au total, on en compte en octobre 1943 : 22.000.

Leur dimension est très variable : depuis l’arrière d’un café abritant 10 personnes jusqu’au camp pour 26.000 personnes. Il s’agit, généralement, d’un camp de 1.500 à 3.000 travailleurs de toutes nationalités.

La considération

Tout est dit par Sauckel Tous ces hommes doivent être nourris, logés et traités de telle manière, qu’on puisse les exploiter au maximum avec le minimum de frais. Ils feront au moins 12h de travail par jour et fréquemment 70 heures et plus par semaine. Ils seront mal nourris dans des cantines liées aux camps. Ils seront mal soignés et le typhus, mais aussi, la tuberculose feront des ravages. Ils devront subir de fréquents bombardements sans grande possibilités d’abris. Sur tous ces aspects, je n’ai pas trouvé de statistiques sur la mortalité, ni sur l’état de santé au retour ainsi que sur les séquelles.

Discipine et surveillance

Toute cette main d’oeuvre, si importante, si diverse, si souvent contrainte, était surveillée. Dès le camp où le chef de camp, ses adjoints étaient en rapport avec la police et avaient leurs mouchards. Mais aussi sur les lieux de travail où l’entreprise avait sa police veillant à la production et s’efforçant de détecter, souvent grâce à des mouchards, les actes de sabotage. De cette méfiance, est née, tout naturellement, une échelle de sanctions commençant par des retenues de salaire, mais surtout prévoyant différents camps soit de rééducation/redressement pour instruire les éléments qui n’observent pas leur contrat de travail et après le but éducatif atteint, retour à leurs anciens postes de travail soit de camps spéciaux d’où vont émerger ceux dont les travailleurs avaient le plus peur.

Les camps disciplinaires

Ces camps sont disséminés un peu partout. Dès l’entrée gardée par des SS, on est fixé ! Barbelés, miradors, mitrailleuses.  A l’arrivée on est tondu, rasé sur tout le corps, désinfecté et on reçoit une tenue de bagnard. Corvées, long appels, punitions collectives, affectation à des Kommandos, brimades, sanctions, dont la redoutée bastonnade.

Les camps sont administrés par la Gestapo et les SS. Ils appartiennent aux entreprises et c’est à la demande de ces dernières que la Gestapo envoie le coupable dans un de ces camps, les policiers de l’entreprise venant rechercher le travailleur, sa peine (de 3 semaines à 2 mois) purgée. Les motifs de la peine ? Fournir de la nourriture à un concentrationnaire, tentative d’évasion, écoute des radios alliés, refus du travail.

Qui la prononce ? La Police, en vertu d’un accord Himmler/justice allemande passant le droit pénal.

À la justice de la police. Je n’ai pas trouvé d’étude de fond sur ces si particuliers camps d’entreprises. Quel en a été le nombre ? Combien de travailleurs y sont passés ? Mais de cette description on perçoit que le régime imposé dans ces camps en faisait des lieux préfigurant les camps de concentration. D’ailleurs si la peine excédait 2 mois c’est là où le travailleur allait. Et sur ce type de déportation, le Mémorial en a fait l’étude et j’en rapporte l’essentiel ci après :

La Fondation de la Mémoire de la Déportation/Répression recherchant l’origine des déportés les a regroupés en 5 catégories.

1. les arrêtés dans les zones occupées 65.324 (75,20%)

2. les arrêtés dans la zone annexée 6.059 (07,00%)

3. les arrêtés dans les territoires du Reich 13.128 (15,10%)

4. les arrêtés qui n’ont pas pu être classés 1.537 (01,80%)

5. les arrêtés par persécution pris en compte répression 779 (00,90%)

Total : 86.827 (100%)

Les 13.128 déportés arrêtés sur les territoires du Reich, se décomposent en :

6.737 républicains espagnols extraits des stalags dès 1940 pour être déportés au K.L Mauthausen Ne manque pas de saluer ces républicains espagnols, réfugiés en France, engagés dans l’armée française, faits prisonniers, rapidement transférés à Mauthausen, et dans le système. Concentrationnaire, subissant de terribles pertes (63,80% décédés/disparus) 6.391 personnes arrêtées sur le territoire du Reich, (7,90% du total des déportés/répression) dont :

2.607 arrestations venant de la population STO, (requis)

1.434 de la population des travailleurs volontaires, 956 des prisonniers ayant acceptés d’être transformés (et, dans certains cas, de la masse des prisonniers ayant refusé cette transformation de statut). 650 (environ) travailleurs civils dont on ignore s’ils ont été requis ou s’ils ont été volontaires, et de français résidant en Allemagne, Hollande, Pologne pour leur travail ou en visite.

A l’origine de la majorité de ces arrestations, des actes d’opposition au régime national-socialiste dont :

La propagande anti-allemande s’opérant par l’écoute des radios alliées ou neutres et la diffusion des nouvelles parmi les travailleurs français et étrangers ainsi qu’auprès de la population civile allemande. Le refus du travail et le sabotage sous des formes variées : évasion, participation à des grèves contre les conditions de travail ou la mauvaise nourriture, absentéisme, blessures volontaires, malfaçons, destruction de moyens de production ou de transport, aide à l’évasion des prisonniers de guerre.

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Affiche d’inssitation au travail en Allemagne

Sur ces 6.391766 ont été internés dans des prisons. Pour les 5.625 autres, d’abord enfermés en prison ou en AEL (camp de rééducation) ils sont ensuite internés dans un KL (camp de concentration). Ils ont été ventilés en de multiples lieux  dans des camps à statut particulier comme Hinsert ou Schirmeck dans les KL de Dachau, Sachsenhausen, Buchenwald, Ravensbrück,  Flossenburg, Auschwitz, Bergen Belsen, Dora, Gross-Rosen, Mauthausen).

Fait assez rare pour des détenus en KL, certains jouissant du statut de détenu. D’éducation ou de rééducation ont été libérés et remis au travail dans leur usine (au total 618 soit 9,70%). Le taux de mortalité pour l’ensemble de ces 6.391 déportés a été de 35% avec de grandes variantes selon les KL : 17% à Stutthof, 18% pour les internés en prison, 21% à Dachau, 40% à Buchenwald, 46% à «Sachsenhausen, 57% à Flossenbürg.

LES FEMMES DANS LA RÉSISTANCE

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 1 h 52 min

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Pourquoi les femmes ont-elles participé à la Résistance

Comme tous les Français, après un abattement consécutif à la défaite, les femmes ont réagi : d’abord tentées de faire confiance au maréchal Pétain qui promettait le retour des prisonniers et qui voulait relever la France par une révolution nationale honorant notamment la famille (thème auquel les femmes étaient particulièrement sensibles), elles se sont ensuite rendues à ce qui devenait l’évidence. Le patriotisme les rendait d’abord spécialement sensibles à l’humiliation de la nation. De plus, elles étaient souvent indignées devant les rigueurs de l’occupation telles que la suppression des libertés d’aller et de venir, de communiquer, d’exprimer son opinion ; les persécutions raciales, les violences policières (les miliciens français étant souvent encore plus violents que les Feldgendarmes). Enfin, elles refusaient, pour certaines d’entre elles du moins, le régime politique de Vichy. Mais les femmes sont principalement arrivées dans la résistance du fait de l’absence de leurs maris qu’elles devaient remplacer aux champs, au bureau, à l’usine et à la maison. En outre, l’idée que leur époux était parqué au loin dans des endroits secrets leur était insupportable. De même, leur sensibilité à l’injustice et aux inégalités les poussait à réagir fortement. Un autre point important de la présence des femmes dans la résistance : la responsabilité du ravitaillement des familles. En effet, elles subissaient plus que quiconque les contraintes de la pénurie et du rationnement, par exemple les files d’attente interminables devant les magasins mal approvisionnés, la paperasserie des tickets de rationnement, ou bien encore la recherche incessante et épuisante de nourriture en dehors des circuits officiels (marché noir). Elles étaient scandalisées en voyant les magasins juifs accaparés par des administrateurs abusant de la situation et des soldats allemands se servir partout à n’importe quel prix au moyen de liasses de billets neufs. Il faut enfin souligner, en plus de ces activités fatigantes, le travail domestique et le travail dans les champs en l’absence du mari. Ainsi fortement motivées, les femmes ont ignoré plus que les hommes les clivages sociaux ou politiques qui étaient parfois des sources d’incompréhension ou de méfiance entre militants : venues de divers milieux, elles dépassaient leurs différences pour une même cause.

Comment les femmes ont-elles participé à la Résistance

La montée en puissance de la résistance fut évidemment progressive. Dans les premiers temps de l’occupation. Au début de l’occupation, les femmes prirent d’abord des initiatives personnelles, spontanées et de ce fait désordonnées. Mais déjà ces premières actions témoignèrent du refus de l’occupant. Il pouvait s’agir de menus sabotages, de récupération d’armes et de munitions appartenant à la Wehrmacht, graffitis. Dès cette époque, les femmes commencèrent à avoir des rôles spécifiques et parfois très importants : même si ce fut un rôle marginal des femmes, il faut noter que dès le 18 juin et l’appel du général de Gaulle, des femmes prirent part directement ou non au combat : elles servirent comme secrétaires, conductrices, infirmières, pilotes d’avions de liaison. Elles eurent également un rôle d’assistance sur les champs de combat (mission qui peut paraître secondaire mais ô combien nécessaire). Ainsi partagèrent-elles les risques des soldats sur tous les fronts de la France libre (Lybie, Tunisie, Italie). Les femmes menèrent en outre des actions dangereuses qu’elles payaient parfois de leur vie : agents secrets, elles furent parachutés ne France pour participer à la résistance (ou à la susciter). Les femmes travaillèrent pour les réseaux et bureaux de renseignements (S.O.E. à Londres, B.C.R.A. de la France Libre). Du fait du statut de ménagères qu’on leur prêtait à l’époque, les femmes furent confrontées directement aux conséquences de la présence allemande, notamment la pénurie alimentaire. Ainsi, dès la fin de 1940, alors que s’aggravent les difficultés du ravitaillement, elles manifestèrent leur protestation contre la famine. Elles montrèrent aussi leur opposition face aux prélèvements de la production française par l’ennemi (charbon dans les mines du Nord, usines Michelin à Clermont-Ferrand. Les premiers rassemblements aboutirent à l’organisation de groupes de protestation qui manifestaient à Paris, Montpellier ou Marseille. Ces comités diffusèrent de journaux clandestins avec les moyens du bord. A la même époque, des tracts étaient rédigés et distribués par les étudiantes. C’est sur la base de ces premiers groupes que se créent les mouvements de résistance, chacun diffusant un journal spécifique. Les plus importants mouvements sont localisés :

artfichier_729028_1834869_201303023101158 dans LA RÉSISTANCE 1940-1945 

À Clermont-Ferrand : Libération Sud avec Lucie Aubrac. À Lyon : Combat, avec Bertie Albrecht. À Paris : Défense de la France avec Hélène Viannay ; Musée de l’Homme avec Germaine Tillions et Agnès Humbert. A partir de 1941 : des mouvements plus structurés. A partir de 1941, les principaux mouvements de résistance et les réseaux de renseignement, d’action et d’évasion se constituent en organisations structurées. La participation des femmes s’accroît. Elles restent ou deviennent responsables dans les mouvements (Bertie Albrecht, Madeleine Braun). Elles continuent de jouer un rôle important voire irremplaçable sur le terrain : secrétariat, hébergement de personnes en situation irrégulière, fabrication de faux-papiers et participation aux filières d’évasion. 1942-1943 : la Résistance s’amplifie.

La collecte et la transmission de renseignements militaires

Au sein de différents réseaux (B.C.R.A., S.O.E., F2), beaucoup de renseignements d’intérêt militaire ou économique sont collectés et transmis par radio. Chaque jour, des milliers de messages radio transmettent les renseignements demandés par Londres ou Alger. Dans ce domaine, les femmes rendent d’immenses services ; elles se rendent aussi utiles pour la recherche et le balisage de terrains d’atterrissage et de parachutage.

Participation aux attentats La participation des femmes aux attentats de toutes sortes était particulièrement recherchée : il s’agissait du transport d’armes, de guet. Peu à peu les attentats contre des objectifs militaires devinrent quotidiens. La presse clandestine. Les femmes jouèrent un rôle important dans le développement de la presse clandestine dont le tirage se chiffre en 1943 par centaines de milliers d’exemplaires. Elles furent à la tête de plusieurs journaux clandestins. Logistique des mouvements de Résistance Les femmes occupent une place notable dans la logistique des mouvements de résistance, c’est-à-dire tout ce qui a trait au financement, au ravitaillement des groupes de résistance, du maquis et à la fabrication de fausses pièces d’identité. Beaucoup de femmes s’engagent et se dévouent sans compter dans les relais d’évasion qui nécessitent secrétaires, agents de liaison et guides. Ravitaillement, assistance sanitaire et sociale. Même si la répression nazie provoque de nombreuses disparitions parmi les résistants, ces vides sont remplis par les réfractaires au S.T.O. massés dans le maquis. Cette affluence provoque des problèmes d’encadrement, que les femmes contribuent çà résoudre. Elles rendent aussi de très grands services dans le ravitaillement et l’assistance sanitaire et sociale (fourniture de denrées alimentaires par les cultivatrices, réseaux d’alerte au voisinage des camps). Toutes ces actions ont été menées par des membres de la résistance organisée, mais aussi par tous ceux et toutes celles qui, sans avoir appartenu aux réseaux, leur ont prêté occasionnellement assistance. 1944 : la libération de la France. Les F.F.I. deviennent en 1944 une véritable armée combattant au grand jour, contribuant largement, avec l’aide des alliés, à la libération de la France : batailles sur de nombreux points stratégiques (Saint Marcel). Embuscades et sabotages freinent les mouvements ennemis. Éclairage et renseignement des armées alliées. Libération de nombreuses villes et d’une grande partie du territoire. Les femmes appartenant aux unités combattantes prennent part à ces actions, par lesquelles elles reçoivent l’aide d’infirmières et d’ambulancières. Elles s’attachent particulièrement à la libération des camps de déportation. Enfin, elles participeront activement à la renaissance de l’administration au sein des comités départementaux de libération et des municipalités.

Allamigeon Cécile – Allamigeon Guillemette

A la fin des années 30, le père Dieuzaide espère que le rôle de la femme puisse apporter un renouveau de la société. Pour promouvoir cette option il va fonder le cercle Marie Gimet, dans l’esprit de l’association catholique de la jeunesse étudiante et lycéennes. Ce cercle est animé par Germaine Ploux mais aussi par les sœurs Allamigeon qui sont alors élèves du lycée de jeunes filles de Bordeaux. Les réunions se tiendront tous les jeudi après-midi, aux 38 rues Huguerie. Dès octobre 1940, le père Dieuzaide est contacté par le futur colonel Olivier, transfuge du service de renseignements de Vichy. Ce sera la création du réseau Jade-Amicol. Proches du père Dieuzaide, les soeurs Allamigeon vont le suivre très rapidement. Secrétaire de direction de la compagnie des tramways électriques et omnibus de Bordeaux, Cécile Allamigeon est une proche collaboratrice de Pierre Moniot, ingénieur en chef de la compagnie. Elle va permettre le recrutement de celui-ci qui deviendra chef de secteur de ce réseau. Le domicile des soeurs Allamigeon va servir de maison de refuge et de rencontre. Elles abriteront le chef du réseau jusqu’au début de 1942. Cécile fut à la fois secrétaire de Pierre Moniot et agent de liaison. Les deux sœurs durent quitter précipitamment Bordeaux, dans le sillage de Pierre Moniot, le 23 septembre 1943, la Gestapo sur les talons. Cécile rejoignit son chef, Pierre Moniot, à l’état-major du réseau, à Paris. Guillemette, quant à elle, assura les travaux de secrétariat et de renseignements.

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René Antoine et Hélène Antoine

Antoine René est né le 21 juin 1904 à Bordeaux. Ajusteur mécanicien à la S.N.C.A.S.O Bacalan il est fiché, à 36 ans, comme vieux communistes. Le commissaire Poinsot a placé ses indicateurs dans tous les milieux propices à la Résistance. Le dénommé Pierre Giret, ancien résistant retourné, met en cause Antoine René, qu’il sait pouvoir hébergé des individus dans l’illégalité. La femme Giret, interrogée le 13 août 1942, dénonce la famille Antoine qui a su l’héberger alors qu’elle venait de s’évader de l’Hôpital Saint-André. Elle rapporte les propos tenus par le jeune Michel Antoine, âgé de dix ans et qui affirmait que son père avait caché des revolvers. Pour compléter ce déballage, elle ajoute que la mère Hélène Antoine avait reconnu que des armes, des bombes et des pièces détachées de mitrailleuses seraient également cachée, sous sa garde. Toute la famille Antoine est arrêtée le 26 août 1942, par la police française. René Antoine sera fusillé les 21 septembres 1942, à Souge, par les autorités d’occupation, après avoir subi les interrogatoires répétés des policiers du commissaire Poinsot.

Henry Belmas et Mélie Belmas

Les époux Balmas, habitant Eysines, mirent leur domicile à la disposition du réseau comme refuge et maison de rencontre Ils hébergèrent ainsi Philippe. Leur maison servit encore pour les émissions radios. Madame Balmas était une femme très intelligente et énergique, aux réactions parfaites en face du péril. En juillet 1943 une grosse alerte se produisit. La Gestapo, en cours de recherche, s’était arrêtée devant la porte de la maison où nos radios étaient en train d’opérer. Placée en observation, madame Balmas eut le temps de prévenir à temps Phil et Seifert qui déménagèrent leur matériel et s’enfuirent. Puis, très maîtresse d’elle-même, madame Balmas s’enquit tranquillement, auprès des Allemands, de l’objet de leurs recherches avant de leur indiquer la direction à prendre. Le drame était évité. Les époux Balmas durent, eux aussi, quitter Bordeaux précipitamment. Ils rejoignirent Pierre Moniot à l’Etat major de Paris.

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Marie Bartette 1893-1961

Cette Arcachonnaise qui, bien avant guerre, avait fait de sa boutique, face à la mairie, un lieu de rencontre des esprits progressistes, en fit, dès 1940, une étape pour les résistants. Elle fut à l’origine du premier groupe O.C.M. et eut des responsabilités au réseau Jove. Née le 10 septembre 1893 à Albi, dans le Tarn où son père, officier, se trouvait en garnison; il disparut bientôt, et la jeune orpheline, vint, au début du siècle, avec sa mère et son jeune frère, s’installer à Saint-André-de-Cubzac. En possession du Brevet supérieur, elle est embauchée à la Lloyds and National Provincial Bank d’abord à Paris, puis à Bordeaux La précarité de la santé de sa mère l’oblige à démissionner pour revenir à Arcachon et se lancer dans la mercerie après avoir fait l’acquisition d’un petit commerce, place de la Mairie, à l’enseigne au Bonheur des Dames. En août 1940, Marie Bartette a quitté son emploi dans une banque anglaise de Bordeaux pour venir rejoindre sa mère, veuve et malade, à Arcachon, où elle a acheté une petite mercerie, s’appelant Au bonheur des dames, située 12, place de la Mairie. Fille d’officier, elle refuse d’admettre la défaite, soutenue par quelques amis sûrs, parmi lesquels l’instituteur Robert Duchez, un séminariste Jean Brunet, André Réaux et André Lesclaux, tous deux employés des postes, et le jeune André Perdrillat, âgé de dix-neuf ans. Il est à noter que l’instituteur Duchez et l’abbé Brunet se retrouvaient côte à côte après s’être affrontés durant de longues années. Au début, l’activité clandestine du petit groupe se borne à l’élaboration et à la diffusion de tracts de fortune. Fin 1940, il est décidé de fabriquer dix mille croix de Lorraine, découpées dans du papier, et de les répandre dans les principales artères de la ville, dans la nuit de la Saint-sylvestre. Au petit matin, les Allemands ne peuvent que contempler le spectacle, avec d’autant plus de colère que le vent a accumulé un grand nombre de ces croix jusque devant la Kommandantur, où règne le capitaine Schumacker. Si beaucoup d’Arcachonnais s’imaginent que ces croix ont été lancées par avion pendant la nuit, les Allemands, eux, ne s’y trompent pas.

Modèles de tracts concoctés par Robert Duchez:

Après le sombre orage Vient le soldat d’été Après notre esclavage Viendra la liberté.

La Grèce bout, le macaroni file Les Fritz sont cuits.

Pour chasser le vert de gris. Le brillant de Gaulle.

Peu à peu, de nouveaux membres sont recrutés, l’abbé Brunet touchant les milieux de droite, tandis que Robert Duchez se tourne, lui, vers les milieux de gauche, aidé en cela par Réaux et Lesclaux, tous deux militants de la S.F.I.O. Un jour de l’été 1941, par l’intermédiaire du jeune André Perdrillat le groupe entre en contact avec un certain Robert Blanc, parisien réfugié à Arcachon, et qui n’est autre que le commandant parachutiste Richard, chef de mission en France. En juillet le commandant Richard doit quitter précipitamment Arcachon, laissant le groupe sans la moindre liaison. Isolé, le groupe essaie de prendre avec une autre équipe arcachonnaise, dirigée par Raymond Marty. Celui-ci, sous couvert d’une antenne locale des Amis du Maréchal, dirige, en fait, un service de renseignements travaillant pour l’Intelligence Service. Le rapprochement ne se fera pas. Le groupe Duchez-Bartette veut impérativement rester sous la bannière gaulliste. En février 1942, le groupe passera sous le commandement d’Edouard de Luze, propriétaire au Moulleau. Sous son impulsion, le groupe se projettera au-delà d’Arcachon, sur le pourtour du bassin. Marie Bartette fut arrêtée le 30 juin 1944 et interrogée par le lieutenant Dhose. Elle passa des cachots du Fort du Hâ à ceux du Bouscat, siège de la Gestapo; ensuite, ce fut Dachau puis Ravensbrück. Libérée par mes troupes américaines, elle revint à Arcachon fin mai 1945. Marie Bartette s’éteignit les 27 novembres 1961, à Saint Sèverin en Charente.

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Joseph Raymond Bierge est né les 5 septembres 1912, à Cenon. Ouvrier charpentier traceur hautement qualifié, Il participe très tôt à la vie syndicale. Le combat que Franco va livrer à la jeune république espagnole ne le laisse pas indifférent. Joseph Bierge va organiser collecte d’argent, de vêtements, de vivres. Ces vivres, auxquels il va rajouter du lait concentré pour les nourrissons, sont rassemblés sur les quais, près des Quinconces et chargés sur des camions pour être acheminés vers l’Espagne. Le gouvernement du Front Populaire décide le développement des usines d’aviation. Bierge Joseph est embauché à l’usine de Bègles. Après la grève du 30 novembre 1938, il adhère au parti communiste. Entré dans l’illégalité après la dissolution du parti, sa maison de Villenave d’Ornon sert de relais aux responsables illégaux. Vient ensuite l’installation d’un petit atelier d’imprimerie où deux Gestetner imprimeront chaque soir journaux et tracts qui seront diffusés dans les usines et dans les localités. Cette responsabilité le conduira à prendre contact avec les responsables départementaux. Arrêté le 30 juillet 1942, restera aux mains du commissaire Poinsot durant cinquante jours. Sévices, tortures. Il sera fusillé le 21 septembre 1942, au camp militaire de Souge. Félicienne Bierge, née Pinto, a vu le jour en 1914, en Espagne. Mariée ; à Joseph Bierge en 1936. Félicienne Bierge a été l’agent de liaison de René Michel, fusillé en 1943 après avoir appartenu à un groupe F.T.P de l’aviation à Bègles. Elle devient l’agent de liaison de Raymond Rabeaux qui assume la responsabilité inter régionale de Nantes et de la Rochelle. Par ailleurs, Félicienne doit ravitailler en armes les groupes F.T.P. de la Gironde. Victime du traître Giret, elle sera arrêtée et déportée. Départ dans le convoi du 21 janvier 1943. Arrivée à Auschwitz sous le matricule 31734, elle connaîtra Ravensbrück, Mauthausen avant de revenir à Bordeaux. Elle est décédée le 1er janvier 1996.

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Alice Cailbault 1906-1943

Alice Cailbault, née Gardelle à Paris en 1906, est une femme de prisonnier. Agricultrice et amie de Marguerite Valina, elle abritera à la ferme les résistants recherchés. Arrêtée, Alice Cailbault fait partie du convoi du 21 janvier 1943, en direction d’Auschwitz où elle décèdera dans le courant de mars 1943, sous le matricule n°31738.

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Bret Georgette 1905-1943

Née le 6 octobre 1905 à Sainte-Foy-la-Grande, où ses parents étaient employés d’épicerie, elle est allée à l’école jusqu’au certificat d’études puis, elle a appris la couture. Elle était vestonniaire giletière. Elle se marie en 1930 avec Robert Bret, ouvrier aux ateliers des tramways de Bordeaux, militant communiste. Robert Bret est arrêté le 22 novembre 1940. Il était déjà membre d’une organisation clandestine d’où allait sortir l’Organisation spéciale de sabotage, puis les F.T.P. Après l’arrestation de son mari, Georgette continue à cacher du matériel de propagande, à le transmettre. Son mari est fusillé le 24 octobre 1941 à Souge. Elle n’interrompt rien de son activité. Tout de même, en juillet 1942, quand elle voit tomber aux mains de Poinsot les camarades de son groupe, elle quitte Bordeaux pour aller à Dax, chez sa soeur. La cachette n’est pas assez secrète: Poinsot l’y trouve et l’arrête, le 23 août 1942. Fort du Hâ jusqu’au 14 octobre 1942: Romainville jusqu’au départ. Auschwitz matricule n° 31.747. Elle est morte le 20 mai 1943. C’est dire qu’elle a tenu longtemps, et avec une peine difficile à décrire car, peu avant son arrestation, elle avait été opérée de verrues plantaires. Faute de soins en prison, les plaies s’étaient mal cicatrisées, la marche vers les marais, l’appel, lui coûtaient insupportablement. A Birkenau, on était debout seize heures par jour. Elle a tenu. C’est à fin avril que l’épidémie de typhus a atteint son intensité la plus haute. Elle a eu le typhus, elle a dû entrer au revier. Elle a résisté aux neuf premiers jours de fièvre. Ses camarades la croyaient sauvée. Une rechute de typhus l’emporta.

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Germaine Cantelaube 1908-1943

Germaine Cantelaube, couturière de son état, fut arrêtée pour faits de Résistance. Elle fut déportée à Auschwitz, par le convoi du 21 janvier 1943. Elle devait y décéder courant mars 1943.

Les collectivités. La S.N.C.A.S.O.

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8 août 2014

LES PASSEURS

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 5 h 33 min

Les évadés de France, les infortunes de la mémoire

L’historien Robert Belot a consacré un ouvrage à ceux qui, sous l’Occupation, s’évadèrent de France en passant par l’Espagne. Il livre ici une réflexion sur ce qu’il nomme les infortunes de leur mémoire.

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Des évadés de France venant d’Espagne arrivent à Alger en mai 1944.

Un événement historique

Notons d’abord que cette aventure a constitué un véritable événement historique. Par son ampleur : 23 000 personnes ont quitté clandestinement la France par l’Espagne, sans compter celles qui ont été tentées par l’aventure sans pouvoir réussir et celles qui ont eu un rôle dans l’organisation des filières de passage. Par sa valeur opérationnelle dans la phase armée de la Libération de la France et de l’Europe : rejoignant l’armée française en refondation en Afrique et les unités FFL, ces hommes ont participé à la reconquête, de la campagne d’Italie à la prise de Strasbourg en passant par l’île d’Elbe et la Corse. Par ses répercussions physiologiques sur les acteurs mêmes de l’évasion, liées à l’expérience douloureuse de l’internement en Espagne ou en France, de la déportation pour ceux qui étaient arrêtés à la frontière. Par l’enjeu diplomatique-humanitaire que ces évasions ont constitué pour les États impliqués (l’Espagne, les Alliés, l’Allemagne et la France). Par leur impact sur le jeu politique franco-français, qu’il s’agisse des relations entre le gouvernement de Vichy et l’ambassade de France en Espagne, des rapports entre la France de Vichy et la France résistante ou des liaisons entre les différentes France du refus (France d’Alger, France de Londres et Résistance intérieure). Ainsi le phénomène de l’évasion est un observatoire privilégié de la France en guerre.

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Groupe des Passeurs de Luz à Chèze dans les hautes Pyrénées.

Enfin, cette épopée intéresse aussi l’historien par ce qu’elle lui apprend de l’homme placé en situation de rupture, quand ce qu’il doit et peut faire ne résulte plus de l’exécution d’une loi ou d’un ordre mais de l’appel de sa conscience et de son courage. À travers les nombreuses archives qu’elle a laissées, elle permet de retrouver la respiration intime de ceux qui, anonymement et spontanément, ont pris le risque de quitter l’essentiel pour bâtir cette armée de l’évasion. L’analyse des itinéraires et des imaginaires de ces hommes du refus est une voie d’exploration pertinente du sentiment d’une partie des Français devant l’Occupation.

Un phénomène dont on n’a guère parlé

Bizarrement, ce phénomène n’a guère fait parler de lui, autrement que sous la forme des revendications des anciens évadés qui réclamaient une reconnaissance légale. Il est symptomatique que les textes qui, au lendemain de la guerre, ont fondé le droit à réparation et créé de nouveaux statuts liés aux spécificités de ce conflit, les aient ignorés en ne les dotant pas d’un statut particulier. C’est par raccroc qu’ils ont pu être rattachés au statut d’interné résistant, et encore faudra-t-il attendre l’année 1951 et l’intervention du Conseil d’État.

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Reste à essayer de déterminer les raisons d’un tel oubli. Il y a d’abord l’image très négative qui s’est attachée à l’Espagne de Franco après la guerre, pays mis au ban de la société des nations démocratiques. Dès le lendemain de la guerre, la frontière franco-espagnole se referme. En décembre 1946, l’assemblée générale des Nations Unies demande à ses membres de rappeler leur ambassadeur. Il était difficile d’admettre que cette Espagne-là, comme l’a fait pourtant Churchill en personne, avait pu rendre un grand service, même intéressé, à la cause des Alliés, en ne refoulant pas ses réfugiés et, moyennant un temps d’incarcération, en les laissant repartir. Les anciens évadés ne pouvaient échapper à une question insidieuse : pourquoi avaient-ils choisi comme étape vers la liberté un pays né sous les auspices compromettants d’une collusion avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste ?

Le deuxième facteur tient à des considérations purement franco-françaises et relève d’enjeux de mémoire. Les résistants de «l’intérieur», au moins jusqu’en 1943, ont toujours considéré qu’il convenait de lutter sur le territoire national, d’où leurs réticences vis-à-vis des Français Libres et le peu de cas qu’ils firent ensuite des évadés de France. Du côté des gaullistes, on a soupçonné les évadés de choisir prioritairement l’Afrique du Nord pour servir le général Giraud, rival du général de Gaulle. L’option entre les deux camps français, proposée aux évadés lors de leur arrivée à Casablanca, a été un drame, celui de la désunion du front du refus. Les évadés ont déploré cette situation, ils se sont parfois déchirés à cause d’elle alors que leur paysage intime était habité par un patriotisme peu politisé et peu sensible aux personnes. De plus, la France libre était faiblement implantée en Espagne, ce qui laissait le champ libre aux filières de passages giraudistes dans la main des Américains ou des Anglais. Les évadés ont souffert de cette absence de reconnaissance, de la tendance, des deux côtés de la mémoire dominante (Résistance intérieure et France Libre), à les considérer comme des résistants de troisième zone. Sans le vouloir, les évadés allaient contre une présentation de la Résistance attachée à gommer les aspérités du mouvement de refus, ses ambivalences, son caractère progressif et pragmatique, en un mot, tout ce qui n’allait pas dans le sens de l’affirmation spontanée et populaire de l’hostilité à Vichy, tout ce qui ne trouvait pas facilement sa place entre les deux figures fondatrices de la légitimité historique de la Résistance : le clandestin (à l’intérieur) et le Français Libre (à l’extérieur).

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Groupe Simone Arnould-Humm près du lac d’Arrédon.

Le troisième facteur tient aux modalités mêmes de l’évasion et à ceux qui l’ont organisée en Espagne. L’évasion est un acte purement individuel. Or, ces itinéraires individuels n’ont pas réussi à provoquer un imaginaire collectif, malgré la création dès 1944 d’une Union des Évadés de France à Alger. En outre, ceux qui ont créé une sorte d’ambassade dissidente en Espagne pour venir au secours des évadés n’étaient pas des figures qui pouvaient rassembler. L’ex-attaché militaire de l’ambassade de France à Madrid, le colonel Pierre Malaise, l’homme de la dissidence au sein de l’ambassade officielle, est resté contre toute raison un giraudiste absolu qui croyait trop aux Américains : condamné à mort par Vichy, puis par le pouvoir gaulliste, il disparut à la Libération. Quant à l’homme qui négociait pour eux avec Franco, Mgr Boyer-Mas, camérier du Pape, appelé à Burgos par Pétain quand il y était ambassadeur, il est passé progressivement du pétainisme au giraudiste puis au gaullisme. Pour les évadés, ce sauveur a été la cause de tous leurs maux. Il aimait trop à rappeler qu’il avait toujours su trouver une complicité active chez l’ambassadeur de Vichy en Espagne. Cette éminence grise que les événements ont placée au premier rang ne pouvait être un emblème ; elle convenait mal à la beauté et à la grandeur du geste de ces humbles soutiers de la gloire.

Les passages à travers les Pyrénées ariégeoises 1940-1944

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Les Pyrénées

A la suite de l’Armistice de Rethondes du 22 juin 1940 entre la France et le Reich Hitlérien. Le pays est séparé en deux par une ligne de démarcation séparant la zone nord, occupée par les troupes allemandes, de la zone sud placée sous l’autorité du gouvernement de Vichy présidé par le maréchal Pétain. Malgré le contrôle serré des autorités d’occupation, cette zone devient le lieu de transit pour de nombreuses personnes fuyant le régime nazi ou voulant poursuivre le combat au sein de la France Libre du général de Gaulle.
Il s’agit donc de franchir la frontière des Pyrénées dans le but de rejoindre une ambassade alliée tout en évitant les prisons espagnoles et le refoulement en France. Anglais, Belges, Polonais notamment mettent rapidement en place des réseaux d’évasion pour leurs ressortissants et les premiers Français libres. Ces réseaux vont s’étoffant pendant toute la durée du conflit : Bourgogne, Bret-Morton, Grimaud, Wi-Wi, Wisigoth-Lorraine etc. Ils diversifient leurs misions : renseignement, passage d’aviateurs, de prisonniers de guerre évadés, Français ralliant la France Libre et réfractaires du service du travail obligatoire, Juifs et autres réprouvés du nazisme. Les passages se multiplient à travers les vallées de l’Ariège. A côté des gardes frontières du régime de Vichy, les conditions géographiques et climatiques rendent d’autant plus difficiles et périlleuses les traversées. Les compétences et le courage des habitants sont mis à contribution : frontaliers français d’origine sociale diverse, réfugiés républicains espagnols des chantiers de travail.

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Itinéraires d’évasion balisés des Pyrénées ariégeoises

Dans chaque cas la procédure est la même: les évadés passent de résistant à résistant, chacun maillon d’une grande chaîne humaine. Ces résistants locaux fournissaient habits, nourriture et cache en prenant de grands risques pour eux même. Ayant atteint la montagne, les hommes sont alors regroupés dans un endroit secret et réparti en petits groupes pour affronter l’ascension nocturne finale vers la frontière espagnole. En 1942, le retournement de situation en faveur des Alliés, qui débarquent en Afrique du Nord, s’accompagne d’un durcissement de la position allemande : la France est totalement occupée à partir de novembre et les troupes d’occupation s’imposent comme unique force de surveillance de la frontière avec l’Espagne.
Une nouvelle étape est franchie en février 1943. La région est déclarée zone interdite alors même que les rafles de Juifs augmentent et que l’obligation de partir travailler en Allemagne se fait plus pressante. Les candidats à l’évasion toujours plus nombreux incitent les guides à prendre davantage de risques : les pistes sont de plus en plus escarpées, les groupes s’accroissent. Plusieurs autres sentiers d’évasion ont donc été pratiqués près de St Girons, chacun seulement connu par son guide ou passeur, alors que les villes et villages frontaliers comme Foix, Tarascon, Aulus les Bains, Massat, Castillon, Seix et Sentein a chacun un réseau de sentiers secrets menant vers la frontière espagnole. Leur sacrifice et leur audace permettent ainsi de soustraire 33 000 personnes aux régimes fascistes. Parmi ceux-là 782 ont passé les hautes montagnes de l’Ariège. Le nombre maximum est atteint en juin 1943 lorsque 113 évasions sont réussies.

Le passeur d’enfants

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George Loinger 1910-

Professeur d’éducation physique à Paris et au lycée Maïmonide de Boulogne-Billancourt, il monte en 1942, suite à sa rencontre avec le Dr Weill de l’OSE une importante filière pour faire passer des centaines d’enfants juifs en Suisse. Aujourd’hui, il est président de l’Association des Anciens de la Résistance Juive en France et l’instigateur du livre : Organisation juive de combat, France, 1940-1945.

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Été 1943 au château de Montintin, Georges Loinger organise une formation animateur physique

Moniteur-chef de l’OSE

Noël 1940, Georges Loinger, prisonnier de guerre en Allemagne, s’évade, motivé par les nouvelles alarmantes de son épouse Flore concernant les 125 enfants de La Guette dont elle a la charge. Il s’agit d’enfants allemands et autrichiens réfugiés en France avant la guerre et que l’on doit disperser d’urgence. Il est nommé moniteur-chef itinérant de l’OSE et visite toutes les maisons d’enfants, y compris celles des EIF (Éclaireurs Israélites de France). Il organise des programmes sportifs pour ces jeunes. Fin 1942, Georges Loinger se trouve à Lyon lors de la réunion des responsables des maisons de l’OSE organisée par le Dr Joseph Weill, qui les informe qu’il connaît de source certaine la destination des convois partant de Drancy : les camps, où une sélection mortelle se fait dès l’arrivée. En prévision de l’intensification des rafles, les maisons d’enfants de l’OSE seront dispersées.

Le passage d’enfants en Suisse

Georges Loinger est chargé d’établir une filière de passage d’enfants en Suisse. Il s’installe à Annemasse. Au début, les risques sont modérés, mais lorsque les Italiens quittent la zone et que les Allemands arrivent, le danger augmente. Des convois de 12 à 25 enfants quittent Lyon deux ou trois fois par semaine pour Annemasse, où, grâce à l’aide du maire Jean Deffaugt (cf document sur les Justes), ils sont reçus, en attendant leur passage, dans un centre d’accueil des Chemins de fer dirigé par Eugène Balthazar, du Secours National. Les premiers temps, Georges Loinger emmène les enfants joué au football à quelques mètres de la frontière. Le ballon dévie en zone suisse et les enfants qui passent le chercher y restent. Des paysans repèrent le manège et préviennent Georges Loinger qu’il peut être aperçu par les patrouilles et que les enfants sont en danger. Il est alors obligé de faire appel à des passeurs appointés. Georges Loinger a fait passer des centaines d’enfants en Suisse.

Dès le début de l’été 1943, il assure la liaison avec l’OSE-zone Nord. Il apporte de l’argent au Pr Eugène Minkowski et des informations de la zone

Sud. Il convoie également des groupes d’enfants évacués des maisons en danger, de la zone Sud vers la zone Nord. Il est aidé par Marcel Mangel, son jeune cousin, dont le père vient d’être déporté. Georges Loinger le cache dans une maison du Secours National à Sèvres, près de Paris. Marcel Mangel deviendra le Mime Marcel Marceau. Georges Loinger assure toutes ses fonctions jusqu’à la Libération.

GENDARMES DANS LA RÉSISTANCE

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 5 h 24 min

Lorsque Pierre Accoce publie son livre, il ne dispose que partiellement des archives de la gendarmerie. Et pourtant, depuis 2001, l’étude que l’auteur a entreprise sur la part prise par la gendarmerie dans la Résistance fait toujours référence et montre que la gendarmerie ni n’a été massivement complice des rafles et des déportations, ni n’a été un instrument zélé au service de l’Etat Vichyste, ni n’a pas été un relais docile de la politique de collaboration. Au contraire de nombreux soldats bleus ont rejoints très tôt la Résistance. Ils ont œuvré dans les réseaux existants, créé leurs propres antennes, combattu dans les maquis. Le quart de l’effectif a participé activement à la Résistance soit 12 000 gendarmes. Un pourcentage dont aucun autre corps de métier ne peut se prévaloir.

En guise de préambule

Sur les 12.000 gendarmes engagés dans la Résistance, 2.161 ont été arrêtés dont 1.141 ont été fusillés, ou morts en Allemagne, en prison ou en camp de concentration, ou tués au cours d’opérations de libération en France. Et 920 sont rentrés de déportation. La croix de la Libération a été décernée à 4, la médaille de la Résistance à 360, la Légion d’Honneur à 351, la médaille militaire à 1.060, la croix de guerre avec citations à 4852, la médaille des justes d’Israël à 7.

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Quarante jours ont suffi pour battre l’armée française en 1940 et faire 1.580.000 prisonniers. Le diktat d’Hitler à Rethondes va ruiner la France et la déshonorer lorsque seront refoulés en Allemagne les ressortissants allemands qui s’étaient réfugiés chez nous dont les Juifs. Le 28 Juin 1940, la République bat en retraite et l’Etat français s’installe, le 2 Juillet, à Vichy. En 1939, la gendarmerie compte 54.000 hommes dont 1.514 officiers. A fin Juin 1940, sur les 12.000 gendarmes mêlés aux autres mobilisés, 377 ont été tués et 5.000 faits prisonniers. La garde républicaine à Paris est passée sous le joug allemand. La garde mobile s’est fondue dans la population. La départementale s’est efforcée d’escorter les réfugiés civils. Bref l’institution est disloquée.

Serignan, fil conducteur de la Résistance de la gendarmerie

L’armistice signé, Hitler nomme le Général Otto Von Stülpnagel à la tête de la commission chargée de son application. Elle siège à Wiesbaden et a pour mission de mettre au pas cette France honnie. La faire danser longtemps le ventre creux. La direction générale de la gendarmerie mandate pour la représenter près du Général Huntziger, le Capitaine Sérignan.

Ce Saint Cyrien, ancien du SR, parlant couramment l’allemand, remarqué par sa hiérarchie pour ses qualités hors normes3, est chargé d’obtenir la reconnaissance de la  départementale en zone occupée dans son statut antérieur et que cette dernière en zone libre reste sous l’autorité de la Défense. Il est également mandaté pour obtenir le rapatriement des 5 000 gendarmes qui sont prisonniers et faire en sorte que la Wehrmacht évacue les casernements de gendarmerie qu’elle occupe. Arrivé à Wiesbaden, Sérignan, s’appuyant sur des raisons d’ordre public, rédige une synthèse qui prône le retour de la gendarmerie en zone occupée dans ses garnisons du temps de paix et demande pour cette mission 20.000 hommes. Ceci est, finalement, acceptée par Von Stülpnagel sous réserve que son statut soit discuté avec l’administration militaire allemande. Quant à la garde mobile républicaine en zone occupée elle est dissoute et devient, en zone libre, la Garde forte de 6.000 hommes.

Le 19 Juillet, Sérignan s’installe à Paris pour discuter du statut de la Départementale en zone occupée. Les allemands veulent la mettre sous les ordres de la police mais Sérignan obtient du nouveau commandant militaire que, dans un premier temps, quelques milliers de gendarmes se réinstallent dans leurs départements d’origine sauf dans le Nord et dans l’Est en régime d’annexion déguisée. Ensuite, il obtient que, faute de pouvoir maintenir la Garde Mobile en zone occupée, il intègre 7.000 gardes dans la Départementale. Tout ceci fait, en septembre 1940, que la maréchaussée en zone occupée compte 14.600 hommes dont 375 officiers. Pour le retour des 5.000 gendarmes prisonniers, Sérignan obtient d’Otto Von Stülpnagel le retour de 1.000 mis en congé de captivité puis d’un autre millier et, enfin, en mai 1941, de 2.385. Tous les libérés entrent dans la Départementale en zone occupée. Au final, avec la création d’une gendarmerie auxiliaire de 1.000 hommes chargés de la surveillance des ouvrages publics, et le recrutement de 1.200 autres gardes au titre « d’anciens combattants l’effectif visé de 20.000 passe à 23 000. Pour éviter que la gendarmerie passe de la Défense à la police en zone occupée, Sérignan obtient qu’elle soit rattachée à la Délégation générale de l’Etat français à Paris ce qui, de fait, permet à la Direction générale de la gendarmerie près de la Défense d’avoir sous son autorité la Départementale de zone occupée.

Sérignan a mené toutes ces négociations à Paris où il s’est installé comme chef de La section Gendarmerie en Territoire Occupée (SGTO). Au fur et mesure que la Départementale va s’implanter en zone occupée, la SGTO va se décentraliser pour défendre les brigades près des Kommandanturs afin que la Départementale puisse remplir ses missions classiques locales et, du fait des circonstances, des missions occultes relevant de multiples engagements personnels émanant tant de la hiérarchie que de simples gendarmes. Il n’est pas possible de décrire ici tous ces engagements. Pour cela il faut lire le livre. Par contre j’ai retenu quelques engagements qui montreront aux lecteurs de ce digest l’étendue et la diversité des actions de Résistance ainsi que leur foisonnement au sein de la gendarmerie. Sitôt les brigades en place en zone occupée et avec des fiches de démobilisation timbrées à l’avance, par des services militaires de la zone libre qui sont complices, Sérignan et le SGTO va démobiliser des milliers de mobilisés échappés de l’encerclement de leurs unités par les allemands qui les réclament comme prisonniers de guerre ! Les allemands s’aperçoivent de la manœuvre, s’en plaignent et s’en irritent. En particulier, le colonel Helmut Knochen7. Sérignan est contraint à la prudence d’autant qu’à la tête de la Délégation générale de l’Etat français à Paris qui a autorité sur la SGTO, Léon Noêl est remplacé par Fernand de Brinon, germanophile grand teint, reçu plusieurs fois par Hitler dès 1933 et surnommé, dans l’administration préfectorale, l’Anguille eu égard à sa souplesse d’échine.

Le réseau Saint Jacques de maurice Duclos et Jean Verines

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Maurice Duclos 1906-1981

A Londres, le général de Gaulle décide, dès Juillet 1940, la création d’un Service de Renseignements en France qui soit en mesure d’identifier les forces et les installations à la disposition des allemands. Pour cela, trois réseaux, dépendant du BCRA, sont créés.

Le premier, depuis Paris, couvrira le Nord et l’Ouest jusqu’à la Touraine. Son responsable en sera Maurice Duclos (photo). Il deviendra le réseau Saint Jacques. Le deuxième, couvrant toutes les côtes du Cotentin à l’Espagne sera confié à Gilbert Renault alias Rémy. Le réseau s’appellera La confrérie Notre Dame (CND). Le dernier, en zone libre, sera confié à Pierre Fourgaud alias Barres deviendra le réseau Luras. Duclos va être le premier agent opérationnel en France. Il installe Saint Jacques à Paris et sa première recrue est le chef d’escadron de gendarmerie Jean Vérines grand mutilé de 14/18 et commandant d’un bataillon de la Garde, place de la République. Duclos le charge d’organiser, au sein de la Garde et de la gendarmerie : un maillage capable d’expertiser l’état des forces terrestres, aériennes et maritimes du 3ème Reich du Nord de la France à la Normandie. Des lieux de passage à travers la ligne de démarcation.

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Jean Vérines 1894-1943

Jean Vérines recrute dans son bataillon et au-delà. Ainsi du colonel Jean Baptiste Raby commandant de la 9ème région de gendarmerie de Tours, lui aussi vétéran de 14/18. Ainsi du colonel Emile Boillon, chef de la gendarmerie d’Amiens. En décembre, l’antenne Vérines couvre Paris, la Somme, l’Eure et la Touraine et l’antenne Nord, confiée par Duclos à Lucien Feltesse, un belge, couvre le Nord de la France et la Belgique. Ce sont, en tout, 300 agents qui arrivent à déterminer dans l’armement, l’état des voies routières, ferrées et fluviales, la description des aérodromes qui ont été crées avec des stocks considérables d’essence et de munitions et qui sont protégés par une puissante DCA.

Toutes ces forces sont rassemblées pour la bataille d’Angleterre commencée le 12août 1940. L’assaut va se prolonger pendant quatre semaines puis, le 7 septembre, se déplacer, de la mer et des côtes, sur Londres. 375 bombardiers vont alors pilonner le Londres industriel et populaire, les docks et la centrale électrique de Westham. Le soir même, les bombardiers repartent, armés de bombes incendiaires au phosphore. Et ce, chaque soir jusqu’à la fin septembre 1940. Puis, chaque nuit en Octobre. Au dire d’experts, ce fut Guernica puissance 300. Mais, les britannique tiennent bons. La DCA et la RAF résistent. La Luftwaffe perd 2 375 avions, la RAF, 945. Parmi les civils anglais, on compte 14.621 morts et 20.252 blessés. Le bilan est lourd mais le premier round est gagné par les anglais et Hitler reporte le débarquement. Saint Jacques a d’ailleurs acquis la certitude que la Wehrmacht n’a pas le matériel adapté à un débarquement. Par contre la Kriegsmarine est sérieusement outillée pour une guerre océanique et Hitler décide de continuer à terroriser les anglais par la Luftwaffe et d’affamer avec les U.Boots. Saint Jacques cartographie des lieux de parachutages/atterrissages, organise le passage de la ligne de démarcation pour le courrier, les agents et les aviateurs alliés rescapés. Duclos retourne à Londres, obtient des moyens radios et revient en France avec un radio, Jean Mulemann, qui, retourné par l’Abwehr, va provoquer des désastres en cascade dans le réseau Saint Jacques. En attendant Saint Jacques, poursuit sa recherche de renseignements et est en mesure de décrire pour la Navy, l’importante concentration de sous-marins au Havre.

En parallèle l’Abwehr progresse dans la connaissance de ce réseau et, le 20 juin 1941, la SIPO arrête le Capitaine de gendarmerie Albert Morel et le gendarme Amédée Devineau au moment où ils franchissent la ligne de démarcation. Ils ont sur eux un abondant courrier notamment les plans de la base sous marine de Saint Nazaire. La SIPO attendait les deux agents. Ils avaient donc été donnés. Par Mulemann ? Sans doute.

La SIPO, dans la foulée, intervient à Paris, rate Duclos, mais la torture sans doute aidant, va arrêter le Colonel Raby, le Lieutenant Ernest Laurent et plusieurs de leurs hommes à la 9ème légion de gendarmerie (Tours), le Colonel Boillin, l’Adjudant chef Legrand et plusieurs de leurs hommes (Amiens), le Capitaine Le Flem et plusieurs de ses hommes (Pont l’Évêque).  C’est ainsi que la SIPO arrive à Vérines qui est arrêté le 22 octobre 1941 avec plusieurs gardes. Le docteur Werner Best, qui supervise les liens de la SIPO avec la police française, remarque le nombre élevé de gendarmes arrêtés, mais aussi celui de ceux ayant échappé à la traque. Son chef Helmut Knochen fulmine, convoque Sérignan à l’hôtel Scribe où ce dernier subit injures et menaces visant l’ensemble des gendarmes  Des ennemis du Reich.

Sérignan encaisse. Il connaît la plupart des officiers incarcérés, apprécie leur trempe, la valeur de leurs engagements, partagés le plus souvent par leurs hommes. Il sait que d’autres suivront et qu’il va falloir ajouter au rôle officiel qui est le sien, une fonction délicate près de l’occupant, défendre des compagnons que la détresse guettera.

Le réseau Vérité française du capitaine Descamps

Et ils seront nombreux. Tel le capitaine Henri Clotaire Descamps, basé à Soissons, à la tête de la section locale de gendarmerie antenne du mouvement du Musée de l’homme. Descamps aide le passage en zone libre de quelques prisonniers de guerre évadés, rencontre Daniel Douay et devient, avec lui et seize autres agents dont des gendarmes, un relais du Musée de l’Homme appelé Vérité Française. Descamps collecte avec méthode des renseignements sur les unités ennemies, diffuse la presse clandestine, crée des caches pour stocker les armes. Mais à Paris, Vilde est trompé par un nouveau venu, Albert Gaveau, homme à tout faire ayant le Capitaine Doering de la SIPO comme officier traitant. Gaveau se rend utile à tout le monde et ne tarde pas à connaître l’organigramme de l’organisation secrète de Vilde. La SIPO passe à l’action le 12 février 1941 et arrête Lewitsky, plusieurs avocats faisant partie du réseau du Musée de l’Homme dont Léon Maurice Nordmann et René Georges Etienne. Elle rate de peu le professeur Paul Rivet qui alerte Vilde.

Celui-ci est cependant arrêté le 26 mars. La « tornade » se répand en province avec l’aide de Jacques Desoubries qui, dans le sillage d’un agent de liaison, arrive à Soissons chez Douay/Descamps. Le 25 novembre 1941 la SIPO entre en action, arrête le Colonel de la Rochères qui avait adressé Desoubries à Douay/Descamps, encercle la caserne de gendarmerie de Soissons, roue de coups le Capitaine Descamps, l’arrête avec plusieurs de ses hommes et transfère les prisonniers à Fresnes. Descamps va subir douze interrogatoires musclés. Sans arrêt il est interrogé sur le Musée de l’Homme mais ne parle pas. Il est mis au secret. Un effrayant calvaire l’attend. Sérignan, pour la défense des gendarmes arrêtés, commence par noyer les instances judiciaires occupantes de procédures dilatoires visant à éviter leur comparution devant les tribunaux militaires du Reich. S’il échoue il essaye de minimiser les chefs d’inculpation et fait intervenir un groupe de spécialistes qu’il a constitué. Tous, comme lui, connaissent parfaitement la langue allemande tel Maître Heanning, juriste rigoureux. Lorsque des peines sont prononcées, Sérignan et ses avocats établissent des recours en grâce. Ainsi Sérignan et son service se porteront au secours de plus de 500 gendarmes.

Les gendarme Garin, descamps et Charlot, victimes de la barbarie

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Edouard Charlot 1903-1943

Le premier gendarme condamné à mort fut Maxime Garin de la 2ème légion de Picardie. Membre du réseau « Saint Jacques », il est passé par les armes fin décembre 1941 malgré une intervention de Sérignan près d’Otto Von Stülpnagel encore en fonction. Vains sont aussi les efforts de Sérignan pour le capitaine Descamps. Ce dernier, après avoir été très sévèrement torturé, reste au secret à Fresnes pendant 5 mois. Son procès commence le 15 mai 1942. Il sera long. Défendu par Heanning, Descamps est, néanmoins, condamné à mort. Sérignan dépose, alors, un recours en grâce et intercède directement auprès du nouveau chef des troupes d’occupation, le général Karl Heinrich Von Stülpnagel. Sérignan croit avoir gagné lorsque, en septembre 1942, on lui annonce que la peine de Descamps est commuée en 20 ans de forteresse en Allemagne. Mais c’est sans compter sur la duplicité de Von Stülpnagel qui, dès le 22 août 1942 a ratifié l’exécution par décapitation à la hache du condamné. Descamps, le 14 septembre 1942, part en Allemagne. Il passe de prison en prison jusqu’à celle de Brandebourg (près de Postdam) où, le 23 septembre 1942, à 5h21 du matin, il est exécuté. Le 14 août 1942, c’est au tour d’un autre gendarme, Edouard Charlot d’être condamné à mort.

Sérignan se risque alors à proposer l’échange du gendarme contre un membre de l’Abwehr arrêté en zone libre. Von Stülpnagel accepte apparemment, allant même jusqu’à évoquer une libération, sous réserve de l’accord préalable de Berlin qu’un vaincu ose faire pareil chantage, décide que la peine concernant le gendarme français, formulée par les juges du Reich, sera appliquée à la lettre, à l’allemande par un bourreau allemand C’est ainsi que Charlot est décapité le 4 janvier 1943 à la prison de Cologne. Ces deux exemples d’exécution barbare montrent l’âpreté de la lutte des services allemands contre la Résistance. Outre la généralisation de la torture appliquée sans limite, tout était juridiquement permis aux enquêteurs comme aux tortionnaires. Le croupissement secret en prison, la déportation, l’assassinat comme l’exécution.

Une répression qui s’amplifie

Et après le retour au pouvoir de Laval, Darnand d’abord associé à cette répression avec la Milice va disposer sur ordre du général Obert, et ce, à partir de décrets signés par Laval le 10 janvier 1944, des pleins pouvoirs lui permettant de renforcer dans tous les domaines l’action allemande contre la Résistance. Par ces décrets, outre que Darnand devient Ministre de l’Intérieur et conserve près de lui la Milice, passent sous ses ordres directs la gendarmerie, la garde mobile, la police nationale, les GMR, la Préfecture de Police, les sapeurs pompiers de Paris, la garde des communications, les services pénitentiaires, les polices spéciales, les brigades anti-juives et antimaçonniques et les internements administratifs. Darnand reçoit, d’autre part, pleine autorité pour créer d’urgence des tribunaux spéciaux.

Mais si dure que soit cette répression pendant toute l’occupation cela n’empêche pas des gendarmes d’entrer en résistance. Certains créent leur réseau ou développent une antenne de réseau existant. Citons dans ce dernier cas le Maréchal des Logis Chef Paul Joyeux en brigade à Épinal qui après avoir aidé des prisonniers de guerre évadés, être entré au réseau Kleber-Uranus, avoir obtenu avec l’aide de Sérignan et de sa hiérarchie une mise en congé prolongé, entre en clandestinité sous le matricule E.865 et met sur pied une cellule de 50 agents au service du réseau Mithridate du BCRA. Il réussit à installer une centrale radio à Nancy pour la transmission de ses informations, obtient des renseignements sur les forces allemandes dans les Vosges permettant la destruction d’objectifs stratégiques et parvient à s’infiltrer dans la Sipo sauvant de l’arrestation des dizaines de personnes.

L’action tous azimuts du commandant Guillodot

Citons aussi l’extraordinaire action du Commandant Maurice Guillodot ayant à Vannes la responsabilité d’une circonscription comportant 55 brigades. Dès sa prise de fonction il amorce son entrée en Résistance en faisant détruire dans toutes les brigades le carnet B contenant le nom des habitants connus, dans chaque commune, pour leur appartenance politique. Cette attitude lui vaut d’être approché par plusieurs de ses hommes pour une action clandestine. Guillaudot est extrêmement réfléchi et va constituer, progressivement, un réseau structuré et cloisonné où 300 soldats de la loi sont affectés à des missions de renseignements et de parachutages. Le réseau relié par mer et par l’Espagne pour le courrier est rattaché au BCRA sous le nom d’Action. Guillaudot devient Yodi. Avec les premiers parachutages arrive Jean Cholet, spécialiste en utilisation des matériels nouveaux (du bazooka aux explosifs).

Suivent ensuite des agents du BOA qui organisent, avec Guillodot, la MAB (Missions Aérienne Bretagne) et une liaison radio avec Londres. En six mois, 29 parachutages vont être réussis, des gendarmes assurant l’enlèvement et la cache. Côté renseignement Guillodot a pu répondre aux demandes de Londres sur les forces et les installations allemandes sur l’île de Groix, sur le chantier de l’arsenal de Lorient et sur la nouvelle base sous marine de Keroman. Il a même pu faire parvenir par avion la description complète, appuyée de photos et de croquis, de tout le dispositif allemand dans le Morbihan et le sud Finistère. A ces actions Guillodot charge son réseau d’aider les réfractaires du STO.

Cependant, toute cette activité, qui dure depuis des mois, attire l’attention des allemands qui réussissent à se saisir de fragments du réseau, le cloisonnement rigoureux organisé par Guillaudot évitant le désastre jusqu’en septembre 1943 où arrive de Londres, Valentin Abeille, Délégué Militaire Régional (DMR) qui vient fédérer la résistance dans 10 départements bretons et normands. Début décembre 1943, Abeille rencontre Guillaudot. Il l’informe de sa mission et lui apprend, qu’outre la direction de son réseau, il est nommé par Londres chef régional FFI. Abeille, sans doute pisté, renonce, au dernier moment, à passer la nuit chez Guillaudot. Il échappe ainsi à la SIPO, mais cette dernière arrête, le 10 décembre 1943, son contact. Guillaudot est conduit à la prison de Rennes où il subit plusieurs interrogatoires. Ceux-ci d’abord relativement supportables, se durcissent début janvier 1944. Ce changement de méthode correspond à la prise exorbitante d’autorité de Darnand incluant les prisons qu’il confie à ses miliciens les plus fidèles. Pour les prisons bretonnes c’est Raoul Di Constanzo qui fait régner l’enfer, agissant en maître partout. Dans le cas Guillaudot, les allemands se réservent leur prisonnier mais, désireux d’en finir rapidement, accentuent leurs interrogatoires. N’obtenant pas d’aveux, et sans doute pour ne pas perdre la face vis-à-vis de Di Constanzo qu’ils considèrent commun supplétif, ils décident de déporter, en juin 1944, Guillaudot à Neuengamme. A peu près en même temps, son fils, lieutenant de gendarmerie à Annecy est déporté à Dachau. Ils vont rentrer, tous les deux en triste état. Maurice Guillaudot reprendra son activité dans la gendarmerie où, nommé à la 1ère inspection du corps, il sera promu Général après avoir été fait Compagnon de la Libération le 19 octobre 1945. Quant aux gendarmes de Guillaudot, son successeur à la tête du réseau Action, Paul Chenailler, les fera, sans difficulté, basculer dans l’insoumission, quelques jours après le débarquement. Et notamment à Saint Marcel où ils assistèrent efficacement les maquisards et les commandos du Colonel Bourgoin.

Le martyre du commandant Fontfrede

Rappeler ces quelques exemples de participation de gendarmes à la Résistance ne doit pas faire oublier que ce sont 12.000 gendarmes et gardes qui, sur tout le territoire, sont entrés en Résistance. Beaucoup ont été frappés d’arrêts de rigueur, de suspension de fonction et nombre d’entre eux ont été arrêtés, torturés, déportés, fusillés. Parmi eux, le Commandant Antoine Fontfrede. C’est un honorable correspondant du Colonel Paul Paillole, ancien chef du contre espionnage au sein des services spéciaux devenus clandestins qui combat la pénétration des services spéciaux allemands en zone libre. Fontfrede est à la tête de la gendarmerie du Puy de Dôme et il est également membre de l’ORA et du réseau Mithridate. Le 1er octobre 1943 le SD l’arrête, l’accusant d’avoir préparé un attentat à l’explosif capable de détruire la voiture blindée de Laval alors que c’est son unité qui doit couvrir les déplacements de ce dernier entre sa résidence de Châteldon et Vichy. Il est torturé et un communiqué du 11 octobre annonce qu’il a été fusillé. En réalité, via Compiègne, il est déporté, le 14 mai 1944, à Buchenwald puis affecté au KO Ellrich. Puis c’est une marche de la mort où Fontfrede n’avance plus que soutenu par trois autres déportés dont un gendarme de Volvic, Pierre Paulze qui l’accompagne partout. Tous quatre réussissent à s’évader mais Fontfrede trop fatigué ne peut pas suivre. Paulze reste avec lui et tous deux disparaissent, sans doute tués par une unité de Volkssturm.Ce sont 1.373 gendarmes qui ont été déportés. 454 ne revinrent pas et 338 furent fusillés dont, au Vercors, les gendarmes Courrech, Lespinasse, Barrau, Chalaye et Clesse, à Grenoble le gendarme Raymond, à Beaurepaire le gendarme Offner.

Darnan réorganise la gendarmerie. La désobéissance s’amplifie

Grâce à Sérignan la Garde Mobile qui a été dissoute, réapparaît intégrée à l’armée en zone libre et devient « la Garde » forte de 6.000 hommes dont 180 officiers. Lorsque Darnand reçoit les pleins pouvoirs le 10 janvier 1944, il destitue, aussitôt, 14 préfets suspectés de relations avec le Noyautage des Administrations Publiques (NAP) et, d’une façon générale, met aux postes clés des durs tels Jean Degans (Renseignements Généraux), Marcel Gombert (Groupe Spécial de Sécurité), Rebouleau, milicien promu Préfet de l’Hérault à Montpellier. A cela s’ajoutent onze intendants pénitentiaires qui dispensent l’épouvante dont le chef de la milice du Limousin qui transforme en enfer la prison de Limoges, Raoul Di Constanzo dans les prisons bretonnes, Charles de Beurnonville dans celles de Lyon, Jean Colomb dans celles de Vichy. L’historien Fred Kupferman soulignera la portée de l’instauration de ces équipes dans son livre (La venue de la Barbarie) consacré à Laval en constatant que la fusion forcée de la police et de la milice allait introduire dans le milieu des fonctionnaires une espèce nouvelle, celles des tueurs pressés!

Un pouvoir sans limite, ni contrainte

Cette glaciation va peser sur la gendarmerie. Après la décision de Laval de la retirer de la Défense, Obert veut qu’elle passe sous les ordres de Darnand. Ce dernier va la diriger, la contrôler, nommant et révoquant à sa guise, ne soumettant ses directives (de fait sans recours) qu’au visa de principe de Laval. Par voie de conséquence, la gendarmerie comme la Garde tombent entre les mains de la milice qui, avec les  nouveaux Préfets, exige le concours de la gendarmerie contre la Résistance aux côtés des miliciens. Ces derniers épient leurs moindres gestes n’hésitant pas d’appeler les allemands à la rescousse. C’est ainsi que, dans l’Ain, pour complicité avec les dissidents, ils font arrêter le Capitaine Verchère et six de ses gendarmes (Nantua), le Margi chef Pfirsh et trois de ses hommes  (Brenod) ou l’Adjudant Bertrand et deux de ses hommes (Saint Rambert en Bugey), tandis que dans le Lot, c’est le Lieutenant Louis Dauquier (Gourdon) qui va être victime de cette chasse à l’homme L’arbitraire de la Milice à l’égard de la gendarmerie sévit partout, Haute Savoie, Basses Alpes, Bretagne, Gers, Ariège, Tarn, Haute Garonne . Darnand demande aux nouveaux intendants de police d’inclure des gendarmes dans les pelotons d’exécutions des Résistants condamnés à mort par les cours martiales. Confrontés à pareille situation plusieurs gendarmes désobéissent ou désertent à Toulouse, Limoges, Nîmes où 30 gendarmes et leur chef le Capitaine Orsatelli refusent d’exécuter trois maquisards qui sont alors transférés à Marseille et exécutés par des GMR. Même refus à Poitiers, Orléans, Angers, Nice, Lille. A Paris, le Capitaine Jean Chalvidan et un groupe de gendarmes refusent, à la prison de la Santé, la terrible besogne et désertent.

Un général, aux ordres de Pétain et Darnan

La gendarmerie départementale devient difficile à mater et Darnand pour renforcer son appareil policier dont le pivot est constellé des Francs Gardes de sa Milice, flatte par des promotions et des primes les GMR, les brigades parallèles des partis ralliés à Vichy et constitue, avec une quinzaine d’officiers acquis à ses idées, un Etat Major appelé le STMO (Service Technique du Maintien de l’Ordre). Quant à la Garde et ses 6.000 hommes, Darnand souhaite l’amalgamer à sa force d’intervention. Pour ce faire, il choisit le Général Perre, rallié à Pétain, qui, jusqu’en 1942, a présidé le tribunal militaire de la 13ème Région (Clermont Ferrand) y manifestant un grand rigorisme doublé d’un non moins grand sectarisme. Pour ces services, il reçoit de Pétain la Francisque en ayant comme parrains le docteur Ménestrel et le Général Campet. Au cours de la cérémonie de remise, il prononce, comme tous les 2.625 autres récipiendaires, le serment de vassalisation Je fais don de ma personne au Maréchal Pétain comme il a fait don de la sienne à la France. Je m’engage à servir ses disciples et à rester fidèle à sa personne et à son oeuvre.

L’aventure et le calvaire du chef d’escadron Robelin

Laval présente, à Oberg, le Général Perre qui, par décret du 7 avril 1944, est nommé directeur général de la Garde. A ses côtés, apparaît, comme sous directeur, le Chef d’escadron Robelin, lequel est doublé d’un homme de Bousquet et d’un contrôleur civil. Avec Robelin arrive à un poste essentiel un Saint Cyrien passé par l’école des sous officiers de la gendarmerie de Versailles, entré à la garde Républicaine, admis au concours de l’école supérieure de guerre, breveté d’Etat Major et affecté près du Général Bourret, à l’inspection générale de la gendarmerie. La défaite venue, Robelin veut passer en Angleterre mais, son ami Paul Paillole le retient et il devient l’un des tous premiers honorables correspondants du contre espionnage clandestin de la gendarmerie et de la Garde. Les contacts de Robelin et Paillole permettent notamment de décimer les équipes d’agents nazis tendant à s’infiltrer en zone libre. Paillole, mis sur la liste noire des allemands, reçoit l’ordre de passer à Alger à l’entrée des allemands en zone libre et il est remplacé par Roger Lafont (alias Verneuil) à la tête d’une équipe de militaires liés à l’ORA et comportant de nombreux gendarmes et gardes. Parmi eux, les Capitaines Delmas (Toulouse), Hugon (Lyon), Kerhervé (Issoire), les Lieutenant Colonel et Colonel Boisseau et Vincent (Nice), le Chef du Chef d’escadron Raulet et des Capitaines Perrolaz, Mallaret, Jung et Receveau (Alpes).

Mission de maillage

Clé de voûte de ce maillage, Robelin, assisté du Capitaine Vincent pousse ses antennes jusque dans l’entourage de Darnand. Le Général Revers, chef de l’ORA, confie alors à Robelin une triple mission à la Garde : neutraliser les décisions fâcheuses de la direction de l’Arme, canaliser et contrôler la participation de cette Arme au maintien de l’ordre, préparer son entrée en action dans le camp allié au moment de l’insurrection. On comprend mieux la raison pour laquelle le Chef d’escadron a accepté le poste de sous directeur technique de ce Corps le 15 avril 1944. Il prend comme adjoint-le Commandant Tharaux et s’entoure d’une dizaine d’officiers qu’il connaît pour leur passé et pour leur engagement en faveur de la Résistance.

Le Général Oberg, malgré les engagements de Laval et de Darnand, refuse les moyens lourds que ces derniers réclament pour la Milice et pour la Garde. Cependant, il charge le SD de surveiller le nouvel Etat Major de Robelin. Ce dernier a peu de marge de manœuvre mais il réussit à maintenir ses liaisons avec Verneuil et, par les Capitaines Morand, Bouchardon et Grange, noue des contacts avec l’AS (Armée Secrète), le Délégué Militaire couvrant Allier/Cantal/Puy de Dôme, le Front National ainsi qu’avec le Capitaine Vincent tirant, par ailleurs, du STMO des informations précieuses sur la préparation des assauts contre les réseaux et les maquis.

Il donne aux commandants d’unité de la Garde consigne de renoncer à la chasse et d’éviter l’ouverture du feu. Il prépare avec le colonel Jean Pfister de l’ORA, le glissement de la Garde dans les maquis. Il est, notamment, en relation suivie (via le Capitaine de gendarmerie Marcel Auriol) avec le Commandant Descours, responsable du Vercors. Sa hantise permanente est la Milice, aussi, sous prétexte de protéger Pétain, il regroupe le gros des régiments de la Garde à Lyon,

Limoges, Clermont, Montluçon et Roanne. Abwehr et SD accroissent leur surveillance car les Préfets se plaignent de la passivité grandissante de la Garde. Par le Capitaine gendarme Demettre, Paillole depuis Alger, alerte Robelin qu’il est visé, d’autant que Darnand reçoit une plainte de Vaugelas, chef de la Milice à Limoges, accusant Robelin d’avoir personnellement freiné la participation de la Garde lors d’opération contre les maquis du Limousin. Conséquence, Darnand demande la tête de Robelin à Perre.

Arrestations en série

Le lendemain du débarquement, 500 élèves de la Garde, Chef d’escadron Corberand en tête, accompagnés de cinq escadrons de la Garde passent au maquis. Vive agitation à Vichy. Le 15 Juin Degans, patron des RG avec, à ses côtés, le commissaire Pierre Poinsot, convoque Bouchardon à son QG. Bouchardon fait front. Poinsot le relâche mais il le fait écarter de l’Etat Major de Robelin et le met aux arrêts sous garde de la Milice. De son côté le SD, qui torturent trois résistants, voit  ressortir le nom du DMR Courson de la Villeneuve avec qui Robelin est en relation. L’arrestation du DMR déclenche une traque qui conduit à l’arrestation du capitaine Morand de l’EM de Robelin. Darnand, en liaison avec le SD, convoque Robelin et Perre et deux policiers allemands interpellent Robelin. Le Commandant Jeandel est, lui aussi, convoqué, interpellé et arrêté.

Le 7 juillet, Perre réunit l’EM de la sous direction technique, fustige les comportements des officiers arrêtés en les qualifiant de traîtres. Dans la foulée, il nomme Tharaux au poste de Robelin et s’éclipse. André Grange propose de fuir. Pendant ce temps la SIPO cerne l’immeuble et à 17 heures ; Tharaux, Comemale, Delmas, Lacroix, Garraud et Puthoste sont arrêtés. Grange qui s’est échappé, est néanmoins, reconnue et arrêté avec Dautun, rédacteur et Levy, secrétaire. A l’hôtel du Parc, siège du gouvernement de Vichy, le SD arrête le Chef d’escadron Hurtel et le Lieutenant Bertrand de la garde personnelle de Pétain, ainsi que le Commandant d’escadron 6/4 de Vichy, tous trois fichés comme des proches de Robelin. Bouchardon qui est aux arrêts est, lui aussi, arrêté. Seul Paul Vincent échappe à la rafle et rallie le groupement Colliou de l’ORA.

Transfert vers l’horreur

Les captifs sont transférés, le 9 juillet, à la caserne d’Assas de Clermont Ferrand tenue par les SS et où Francis Morand est déjà incarcéré. Robelin et Morand placés en isolement sont emmenés le 10 à Chamalières, Villa René, siège du SD où se trouve notamment Joseph Kaltseiss, expert en sévices assisté de plusieurs gouapes françaises. Robelin et Morand sont horriblement torturés mais n’avouent rien. Un témoin, prisonnier à la caserne d’Assas, Serge Fischer aide au transfert d’un homme au visage jeune noirci par la souffrance, gisant sur une civière et geignant. Il avait un trou de la grosseur d’un poing dans la fesse droite. On y voyait de petits os. Sa jambe droite était enflée au moins de quatre fois la taille normale. Plus tard j’ai été convoqué à nouveau pour le panser dans sa cellule et il m’a murmuré à l’oreille. Ne t’en fais pas  nous les aurons quand même. Puis il m’a donné son nom Remi Robelin.

Plusieurs fois encore, Robelin est emmené Villa René et torturé. Il est ensuite transféré à Vichy dans les mains d’autres carnassiers, les SS du Capitaine Gallinger.

Paillole qui a pu récupérer une partie des archives de cette antenne SS à Vichy établira que son ami a été torturé jusqu’au 9 août 1944 et que le 10 août, miné par la gangrène, et sans doute sur ordre de Gallinger, un SS l’a étranglé dans sa cellule. Son corps ne fut jamais retrouvé. Le sort de ses compagnons est connu, Tharaux, Comemale, Jeandel, Puthoste, Hurtel, Dupont et Bertrand ont retrouvé la liberté. Grange s’est évadé du train qui l’emmenait en déportation, Delmas, Morand et Lacroix sont morts en déportation. Garraud et Bouchardon sont rentrés de déportation, échappant miraculeusement au bombardement de leur bateau à Neustadt.

Derniers soubresauts d’autoritaisme

A l’hôtel Majestic de Paris, au PC du Général Oberg, se trouve Max Knipping, délégué milicien de Darnand qui n’arrête pas de bousculer Sérignan convoqué aux réunions du chef des polices du Reich. Sérignan l’ignore, ne répond qu’à Oberg et à Knochen et, toujours, en allemand. Il plaide pour ses collègues des brigades et des sections de gendarmerie qui ne font pas leur métier en particulier pour les Colonels Ledu (Paris-Nord), Charollais (Paris Est), Le Guennec (Dijon), Maujean (Rennes), Simontoli (Limoges), Samson (Bordeaux) ou Pouilly (Orléans) à qui sont reprochés des défaillances de personnel, du manquement dans la lutte contre les maquisards et les résistants. Sérignan les couvre régulièrement, Knipping menace, informe Darnand qui fait pleuvoir des peines administratives. A titre d’exemple le Lieutenant Colonel Vernageau, grand mutilé 14/18, chef de la légion Languedoc, est relevé de ses fonctions pour avoirs refusé de saluer le drapeau frappé du gamma de la Milice.

Darnand, approuvé par Laval, crée des tribunaux du maintien de l’ordre. Les miliciens remplacent les magistrats tout comme ils le font déjà pour les cours martiales. Ces instances, où seront jugés tous les agents de la force publique qui n’auront pas fait leur devoir, en particulier des gendarmes surnommés par les Miliciens « La Plaie Bleue », prévoient des peines allant du renvoi à l’emprisonnement, voire, en cas de désertion, la peine de mort. Des peines immédiatement exécutoires et sans recours. Le Général Martin, directeur de l’Armée, proteste oralement et par écrit en pure perte. La Milice est au pouvoir et invente les corps francs mixtes associant GMR, Policiers, gendarmes, douaniers et miliciens. Toute cette accumulation de pressions sur la gendarmerie font, qu’à fin juin 1944, on peut estimer à 12.000 gendarmes et gardes, l’effectif entré en clandestinité. Et bien d’autres allaient suivre.

En guise de conclusion

La gendarmerie fait partie de l’armée. Parler de l’action déterminante des gendarmes et de la Garde dans la Résistance, c’est indirectement rendre hommage à tous les volontaires qui se sont engagés dans la résistance et constituèrent la nouvelle armée française. Que ce soit ceux qui, dès juin 1940 à l’appel à la résistance du Général de Gaulle le rejoignent et forment des unités se distinguant aux côtés des Alliés dans leurs combats. Que ce soit ceux qui s’engagent dans l’armée de l’ombre, celle des réseaux, des mouvements, des maquis et où tant de militaires de réserve et d’active et, notamment, de gendarmes prirent une part active. Cette armée nouvelle a concouru efficacement à la Libération du territoire et cela malgré la collusion de trop d’amiraux et de généraux qui, derrière Pétain, Darlan, Laval et Darnand, s’étaient engager dans un chemin allant du défaitisme à la collaboration active avec l’ennemi. L’analyse de l’étude de Pierre Accoce terminée, il reste à souhaiter que son actualisation puisse être faite lorsque la gendarmerie aura plus largement ouvert ses archives aux chercheurs. Et je formule le regret qu’au moins les chefs d’escadron Joseph Descamps et Jean Verine, les Colonels Remi Robelin et Sérignan n’aient pas été faits Compagnons de la Libération

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PROCÈS SOUS L’OCCUPATION

Classé sous LA RÉSISTANCE 1940-1945 — braultjeanpaul @ 5 h 10 min

MARS 1942 Bataillons de la Jeunesse FTPF

PROCÈS SOUS L’OCCUPATION dans LA RÉSISTANCE 1940-1945 artfichier_729028_1839256_201303044906568

Du sabotage à la lutte armée, être l’enclume ou le marteau

En 1941, explique Albert Ouzoulias, alias colonel André, dans Les Bataillons de la Jeunesse, l’heure est venue d’un développement sur une plus large échelle de cette forme avancée de la lutte. La lutte armée, les actions des francs-tireurs sont un des moyens les plus efficaces pour freiner et même faire reculer le terrorisme de l’ennemi. Si, à ce moment, le Parti communiste et sa direction avaient reculé, comme le lui conseillaient certains attentistes, c’était la capitulation et le déshonneur. Notre pays n’aurait joué aucun rôle dans la grande bataille qui se livrait dans l’Europe entière et n’aurait pas ensuite été capable de participer comme il le fit aux ultimes combats libérateurs de 1944. La répression aurait été encore plus terrible pour des dizaines de milliers d’hommes et de femmes emprisonnés ou jetés dans les camps de concentration en France et pour la population française en général. » Et à ceux qui inversent les rôles pour justifier leur refus du combat armé pendant l’Occupation, il pose cette question : Qu’avaient-ils fait, les 90 000 israélites de France qui sont allés mourir dans les fours crématoires d’Auschwitz avec les 6 millions de juifs de toute l’Europe ? Qu’avaient-ils fait, les dizaines de milliers d’ouvriers français déportés du travail envoyés dans des camps et qui sont allés mourir sous les bombardements dans la Ruhr ? Fallait-il attendre d’être tous déportés en Allemagne pour commencer la résistance ? Les francs-tireurs s’organisent Côté communiste, on comptait au lendemain de l’armistice trois organisations à l’échelon national qui menaient des actions de lutte armée, chacune ayant sa direction propre : l’OS (Organisation Spéciale), organisation de protection des militants du Parti communiste lors des manifestations, distributions de tracts, prises de parole et autres actions de propagande; les Bataillons de la Jeunesse, composés de militants issus des Jeunesses communistes; les groupes spéciaux de la MOI (Main-d’œuvre Immigrée), qui regroupaient les antifascistes immigrés. La coordination est assurée par Eugène Hénaff. En avril 1942, la direction du Parti communiste, dans un souci d’efficacité, charge Charles Tillon d’unifier l’ensemble de l’organisation. Ce seront les FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français), ouverts à tous les patriotes. Un comité militaire est constitué, il comprend entre autres Albert Ouzoulias (colonel André), ancien responsable des Bataillons de la Jeunesse, qui en assurera la direction militaire. Il a comme adjoint Pierre Georges (futur colonel Fabien). Ce celui-ci sera le premier, à la station de métro Barbès, le 21 août 1941, à ouvrir le feu sur un officier allemand. Roger Hanlet, Acher Semahya, Robert Peltier, Christian Rizo, Tony Bloncourt, Pierre Milan et Fernand Zalkinov seront parmi les premiers à participer dès juillet 1940 à ces actions de résistance qui se multiplient sur le territoire. Ils ont alors conscience de reprendre la tradition des patriotes de 1814 et des francs-tireurs de 1870 qu’arma Gambetta, ces combattants de la République animés par l’esprit de 92 et dont Victor Hugo exaltait ainsi le combat :

Vous n’êtes pas armés, qu’importe, Prends ta fourche, prends ton marteau, Arrache le gond de la porte, Délivrez, frémissant de rage, Votre pays de l’esclavage Et votre mémoire du mépris.

artfichier_729028_1839258_20130304035984 dans LA RÉSISTANCE 1940-1945

Ceux qui ont résisté n’étaient nés ni héros ni martyrs. Ils étaient nés pour une vie normale : travailler, apprendre, penser, créer, jouer, rire, aimer. Mais l’intolérable, les circonstances exceptionnelles de cet horizon soudain rayé d’une croix gammée les ont élevés au-dessus d’eux-mêmes, dans le combat qu’ils ont gagné – grâce à leur sens de la vie, de la justice et de la liberté, grâce à leur attachement à la nation française : cette Douce France, synonyme dans le monde entier de Liberté, Égalité, Fraternité. Tony Bloncourt, Roger Hanlet, Pierre Milan, Robert Peltier, Christian Rizo, Acher Semahya, Fernand Zalkinov ont lutté pour la dignité et la fraternité entre les hommes, contre le fascisme et l’hitlérisme dont ils ont connu la domination la plus monstrueuse, la plus perverse que l’humanité ait jamais endurée. La liberté et la paix qu’ils ont voulue pour nous sont toujours à défendre. Ils rêvaient d’égalité et de fraternité humaine. Ce flambeau, nous avons tous le devoir de le préserver et de le transmettre aux générations futures.

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Dès juin et juillet 1940 des appels à la lutte sont lancés : d’Angleterre par la voix du général de Gaulle et, en France occupée, à l’initiative du PCF – ce sera l’appel du 10 juillet 1940 de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, qui encourage à créer un front de la liberté, de l’indépendance et de la renaissance de la France, et proclame qu’il n’y a de paix véritable que dans l’indépendance des peuples. Dans le XIe arrondissement, riche de toute une tradition de lutte, les premières mesures adoptées par les autorités vichystes sont mal accueillies, en particulier parmi les jeunes. Ceux-ci n’entendent pas subir ce régime au service de l’occupant ; dans les classes supérieures des lycées, dans les facultés, dans les Auberges de Jeunesse, aux Jeunesses communistes ils se mobilisent et organisent une résistance au pouvoir autoritaire, antirépublicain et de collaboration avec l’ennemi. Ouvriers, employés, petits artisans, étudiants n’attendront pas juin 1941 et l’entrée en guerre de l’Union soviétique pour engager la lutte sous des formes variées :

Propagande anti-vichyste et anti-allemande par tracts, affiches, prises de parole sur les marchés, dans les files d’attente, publications clandestines. attaque des permanences des associations et partis collaborateurs (RNP de Déat, PPF de Doriot), sabotage des réunions organisées par les maréchalistes (Georges Claude à la Sorbonne, etc.), manifestations publiques contre l’arrestation de Paul Langevin et contre la révocation du recteur Gustave Roussy, participation aux manifestations étudiantes des 8 et 11 novembre 1940,grèves dans les Centres de Jeunesse, actes de sabotage et récupération d’armes.

Les enfants de France, à l’avant garde Début juillet, la Sorbonne rouvre ses portes. Son grand amphithéâtre doit accueillir un cycle de conférences animé par Abel Bonnard et Georges Claude et dont l’inauguration est prévue pour le 26 juillet. Dans un témoignage recueilli par Claude Souef, François Lescure déclarait : Nous savions qu’il devait y avoir des projections illustrant la conférence, et nous avons décidé de faire un lancer de tracts dès que la salle serait obscure. Les tracts en question étaient l’appel du 10 juillet de Thorez et de Duclos. Le jour venu, deux étudiants de la faculté des sciences, Christian Rizo et Félix Kauer, passent à l’action depuis le balcon de l’amphi. François Lescure : Il y a eu une espèce de ahahah !, de cri général ; les tracts voletaient dans le faisceau lumineux du projecteur ; la lumière a été vite rallumée. Les deux trouble-fête seront arrêtés, emprisonnés à la Santé puis relâchés sans jugement le 10 octobre. Leur action spectaculaire constitue, souligne Claude Souef, la première manifestation organisée, chez les étudiants, d’opposition à l’occupation, à la collaboration. Il signale que, par la suite, des accrochages se produiront entre étudiants et soldats allemands, notamment au café d’Harcourt, à l’angle de la place de la Sorbonne et du boulevard Saint-Michel.

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Libérez Langevin C’est dans ce climat que survient l’annonce de l’arrestation, le 30 octobre, du professeur Paul Langevin, éminent physicien et antifasciste. La nouvelle soulève l’indignation de nombreux étudiants et enseignants. Une manifestation a lieu le 8 novembre au Quartier latin. Les étudiants se rassemblent aux cris de Libérez Langevin, avant d’entonner La Marseillaise puis de se disperser. Parmi eux, Pierre Daix et Bernard Kirschen. Et aussi Sam Radzinsky, ancien lycéen devenu postier pour des raisons économiques. Il raconte : On a commencé à manifester à l’intérieur de la Sorbonne, on a balancé des tracts, puis on est sortis sur la place. On a encore crié Libérez Langevin et lancé des tracts. A la fin, on s’est retrouvés au comptoir du Dupont-Latin, Tony Bloncourt, Christian Rizo, Rosine Pitkowitz et moi, pour prendre un café.

La grande manifestation du 11 novembre 1940 aux Champs-Élysées C’est la première grande démonstration de résistance à l’occupation et à la collaboration. Il y a là des lycéens, des étudiants, des professeurs. Le récit varie selon les témoins. Claude Souef : Des lycéens venant à pied, en cortège, déposent des gerbes sur la tombe du Soldat inconnu. La foule est dense. Finalement, la police interdit l’accès au terre-plein. Sur les Champs-Élysées, des incidents se produisent avec des groupes de jeunes fascistes de Jeune Front et de Garde-française, qui ont leur permanence sur l’avenue. Sam Radzinsky, venu avec son copain Jean Verger, dit Nicolas (il sera fusillé deux ans plus tard), restera bloqué à l’endroit où se situait le Lido à cette époque, puis devra regagner son lieu de travail. C’est ensuite l’intervention allemande.

Claude Souef de nouveau : Des voitures et des motos zigzaguent sur les trottoirs, pourchassant les manifestants qui se replient dans les rues voisines. Il y a des tirs de mitrailleuses, des blessés, des arrestations nombreuses (témoignage cité dans L’Humanité du 11 novembre 2001).

François Lescure, responsable UNEF.A dix-sept heures exactement, un cri énorme : vive la France, éclate à hauteur du cinéma George-V, sur le trottoir de droite que remontent de nombreux groupes de jeunes. On chante La Marseillaise. Il y a, dans la foule, des anciens combattants. La Marseillaise éclate à nouveau, suivie du Chant du départ, puis de Vive la France, A bas Pétain, A bas Hitler.

Les Allemands matraquent et chassent les manifestants à coups de crosse de fusil. La Marseillaise continue, tous les étudiants se battent.
Par grappes, les étudiants sont embarqués dans des camions bâchés. Ceux qui échappent à l’arrestation se regroupent encore. Exaspérés, les nazis tirent. Ils assassinent une dizaine de jeunes on en ignore encore le nombre exact et en blessent davantage encore. Il y a une centaine d’arrestations. La chasse à l’homme continuera tard dans la nuit.La presse vichyste ne souffla mot de l’événement. Le 15, elle annonça la révocation du recteur Gustave Roussy et du secrétaire général d’académie Maurice Guyot. Le lendemain, un communiqué officiel indique que les autorités allemandes ont ordonné la fermeture de toutes les institutions universitaires à Paris. L’Université ne sera rouverte que le 20 décembre. Un mois plus tôt, vingt et un étudiants communistes avaient été arrêtés. Ils seront jugés le 1er mars 1941 et condamnés à différentes peines de prison.

Aragon célébrera cette manifestation dans Les enfants de France(Le crime contre l’esprit) :D ans Paris bâillonné, le 11 novembre 1940, moins de cinq mois après qu’un maréchal de France eut proclamé que la Patrie avait touché la terre des épaules, les étudiants descendirent dans la rue, et leur jeune voix retentit si haut que la France tout entière l’entendit et cessa de croire à la défaite. L’ennemi ne s’y trompa pas. On était au lendemain de Montoire, et cette manifestation des étudiants de Paris, il y vit bien le désaveu national de la politique de soumission instaurée  par les capitulards.

Arrestation du groupe Suite à l’entrée des Allemands, ordre avait été donné de remettre aux autorités toutes les armes éventuellement détenues. Beaucoup se retrouvèrent ainsi dans les égouts, voire dans les poubelles. Un copain d’Hanlet n’appartenant pas à la Résistance a l’imprudence de montrer à sa fiancée les revolvers récupérés qu’il va lui fournir.Celle-ci le rapporte à son père qui le répète à un autre de bavardage en bavardage, on débouche sur une dénonciation à la police. La Brigade spéciale criminelle dirigée par le commissaire Georges Veber arrête Roger Hanlet, Pierre Milan et Acher Semahya le 30 octobre 1941. Le lendemain 31 octobre, c’est le tour de Fernand Zalkinov et le 1er novembre Robert Peltier est arrêté sur son lieu de travail. Christian Rizo se fait prendre le 25 novembre dans un cinéma. Tony Bloncourt, qui a pu échapper à l’arrestation, est hébergé par des copains étudiants dont Pierre Daix. Il sera arrêté le 6 janvier lors d’un contrôle de police. Le groupe est emprisonné à la prison de la Santé et mis au secret, avant d’être livré aux autorités allemandes. Le 6 mars 1942, jour du verdict, le président de la cour martiale allemande se félicitera d’ailleurs de l’excellente coopération des polices française et allemande, et c’est Veber en personne qui viendra recevoir les félicitations.

Un procès expéditif

Il semble que fin février 1942, le nouveau gouverneur militaire en France, Karl Heinrich von Stülpnagel, sur l’avis de ses services juridiques, ait décidé de monter une série de procès à grand spectacle pour frapper l’opinion française et tenter de mettre un terme aux attentats. Le commandement militaire allemand organise donc un procès à la Chambre des Députés, alors siège de différents services du Kommandant von Gross-Paris, procès auquel peuvent assister les journalistes de la zone occupée, de même que ceux de la zone non occupée. La Propagandastaffel est également présente. Il apparaît même, d’après la presse de l’époque, que le procès fut filmé, mais la bobine n’a pas été retrouvée, comme elle l’a été pour le second procès à grand spectacle qui, celui-là, eut lieu à la Maison de la Chimie en avril 1942. Mercredi 4 mars. L’accusation. Jeudi 5 mars. Les débats. Vendredi 6 mars. La défense et le verdict. Les sept jeunes sont défendus par des avocats alsaciens commis d’office. L’acte d’accusation, que les avocats reçoivent le 2 mars, leur apprend que leurs clients sont jugés pour Freischärlerei, c’est-à-dire activité de francs-tireurs. On retient contre eux 17 actions de sabotages, incendies et attentats.Nous ne dirons rien des débats, ne pouvant reprendre à notre compte la relation qui en fut donnée par les journaux de l’époque, lesquels s’évertuèrent à comparer les sept jeunes résistants à de vulgaires bandits à la solde de la ploutocratie Anglo-judéo-bolchevique. Ils rapportèrent les faits en les déformant, en y ajoutant des qualificatifs infamants et mensongers, voire racistes à l’égard de certains. La lecture de cette presse laisse cependant transparaître une attitude digne et courageuse. Ce qui fut confirmé par ceux qui assistèrent au procès, notamment par Yolande Bloncourt, la tante de Tony. Ils se transformèrent tous en accusateurs, s’attachant à replacer les faits dans le contexte réel de l’occupation de leur pays. Ils ne contestèrent nullement leurs actes, mais au contraire les revendiquèrent pleinement. J’ai agi en patriote et par conviction communiste, dira Robert Peltier. La perspective d’être fusillé ne le retint pas une seconde, ajoutera l’officier nazi présidant la cour martiale. Cette attitude combative fera dire au Pariser-Zeitung qu’ils répondirent avec une effrayante insolence aux accusations. Le journal de Doriot, Le Cri du peuple, écrivit que pendant la suspension d’audience qui précéda le verdict, les terroristes firent preuve d’un cynisme déconcertant, en riant et plaisantant, alors qu’un peu avant, ils avouaient une fois de plus les attentats.

Samedi 7 mars Deux jours avant l’exécution de la sentence, la maman de Christian Rizo fut autorisée à aller voir son fils à la Santé pour les derniers adieux ; elle ne put le voir qu’à travers un grillage. Sur son insistance, Christian finit par lui avouer, entre autres confidences, que lui et ses camarades avaient été odieusement maltraités par les policiers de la Brigade spéciale criminelle et qu’il en était écœuré. Trop courageux et trop fier pour se plaindre, l’euphémisme qu’il utilisa en disait long sur la gravité des sévices endurés. Lundi 9 mars Étudiants et professeurs font circuler en Sorbonne une pétition demandant le recours en grâce. Elle se couvre rapidement de signatures, certains professeurs y ajoutent des éloges et des annotations. Yolande Bloncourt, arrivée au fort du Mont-Valérien, ne sera pas autorisée à voir Tony et ses camarades avant leur exécution ; elle sera refoulée mais entendra un puissant cri : Vive la France!, suivi d’une salve nourrie. Maître Wilhelm, l’avocat alsacien du Barreau de Paris désigné d’office pour assurer la défense de Christian Rizo et Tony Bloncourt, assistera à la mort des sept jeunes résistants ; dans une lettre adressée le jour même à Mme Rizo, il témoignera qu’ils ont pris congé dans la dignité, le courage et la foi de leur conviction. Il ajoutera : Vous ne devez penser qu’avec honneur à votre fils et accepter le malheur qui vous frappe si durement comme si Christian avait été tué en soldat à la guerre. Il n’y a que cinq poteaux Roger Hanlet et Robert Peltier seront fusillés immédiatement après leurs camarades, avec trois autres patriotes. Dès que la nouvelle sera connue, le XIe arrondissement se couvrira de papillons, de tracts, d’affichettes réalisées à la main ou à la machine, afin d’honorer la mémoire des sept martyrs et d’appeler au renforcement de la lutte contre l’occupant. L’arrestation et l’exécution des sept membres des Bataillons de la Jeunesse n’ont pas pour autant stopper le combat contre l’occupant. Albert Ouzoulias (colonel André) assure la direction des opérations, assisté de Pierre Georges (colonel Fabien), avec comme agents de liaison leurs courageuses épouses respectives, Cécile Ouzoulias et Andrée Georges. Ils dirigeront, impulseront les initiatives et participeront aux actions, y compris les plus dangereuses. Fabien et son épouse seront arrêtés plusieurs fois ; lui réussira, comme Ouzoulias, à s’enfuir. Andrée Georges sera déportée et, heureusement, nous reviendra des camps. Les autres groupes parisiens des Bataillons de la Jeunesse réalisent plus de quarante opérations du 6 septembre 1941 au 29 mai 1942 ; ils sont dirigés par : Marcel Bertone (21 ans), Pierre Tourette (23 ans), Paul Tourette, Louis Coquillet (21 ans), Marcel Bourdarias (18 ans), Maurice Touati (21 ans), René Toyer (20 ans), Pierre Tirot, Georges Tondelier (20 ans), Maurice Feferman (21 ans), Gérard Hilsum, Jean Quarré (22 ans), André Aubouet (18 ans), Raymond Tardif, Jean Garreau (29 ans), Bernard Laurent (20 ans), André Kirschen (15 ans et demi), Camille Drouvot, Roger Debrais, Maurice Feld (18 ans), Maurice Le Berre (19 ans), Karl Schoenhaar (17 ans et demi), Guy Gauthier, Lucien Legros, Pierre Benoît, Rousseau (Dupré), Baraqui, André Biver, Pierre Leblois, Jacques D’Andurain. A ces actions s’ajoutent celles, nombreuses, de l’Organisation Spéciale (OS), conduites par Yves Kermen, Louis Marchandise, Raymond Losserand, Gaston Carré, Roger Linet, Henri Tanguy (colonel Rol) et des groupes spéciaux de la MOI dirigés par Miret-Must. Le journal collaborationniste de Déat, L’Œuvre du 3 mars 1942, dénombrera 230 attentats et sabotages du 1er juillet 1941 au 18 février 1942 dans la seule région parisienne, ce que confirmera le sinistre commissaire Veber qui, lors de son audition devant la cour de justice du CNR, déclarera que les attentats étaient devenus quotidiens.

1942 procès à la chambre des députés

Le 4 mars 1942 se déroula, dans la Chambre des députés, à l’endroit même où le nazi Rosenberg avait prononcé une apologie du national-socialisme, le procès de sept très jeunes résistants, procès qui devait, dans l’esprit de l’ennemi, être un élément d’intimidation de la Résistance en cours de développement. Le 4 mars, dans la salle de la Présidence, étaient introduits sept jeunes résistants enchaînés. Le tribunal était entièrement composé d’officiers nazis. Non seulement la presse et les actualités cinématographiques sont présentes, mais, à la tête de nombreux officiers hitlériens et d’une cour de collaborateurs, se trouve von Stülpnagel en personne.

Le journal allemand publié chez nous, le Pariser-Zeitung, exposa le 5 mars que les sept jeunes se voyaient accuser de dix-sept opérations de guerre. Il écrivait : Les deux intellectuels de la bande que l’on juge, les étudiants Christian Rizo et Tony Bloncourt, ont commencé à militer au sein d’un Front dit National Ils passèrent à l’action, croyant peut-être au début servir sous le drapeau combien périmé de Déroulède. Et suit cette phrase invraisemblable: L’un d’eux alla jusqu’à parler des armées étrangères qui occupaient la France. Est-ce à dire que les armées allemandes n’étaient pas étrangères ? La France était donc l’Allemagne !

Quant au journal de Doriot, ce même 5 mars il écrivait : Tous les accusés ont dit comment ils comprenaient le fameux Front National, organisation bolchevique camouflée allant des gaullistes aux communistes. Le journal allemand précité de préciser, avec un grand frisson d’horreur : “Un des accusés, par exemple, avait fait partie des Jeunesses (communistes) avant la guerre.

La parodie de procès dura trois jours. Le jugement – si l’on peut employer ce mot – se félicite de l’excellente collaboration fournie par la police française. Il condamne à mort Roger Hanlet, Acher Semhaya, Robert Peltier, Christian Rizo, Tony Bloncourt, Pierre Milan et Fernand Zalkinov. Le 9 mars, les sept héros sont fusillés au Mont-Valérien. L’un d’eux, Fernand Zalkinov, dédia sa dernière lettre à sa soeur, la chargeant d’être son interprète auprès de ses parents : il ne savait pas que son père et sa mère étaient déjà déportés et mourraient à Auschwitz. Extrait d’un article paru en mars-avril 1999 artfichier_729028_1843284_201303053538529

Plaque commémorative a été apposée sur la façade nord de l’Hôtel de Lassay

Que sont devenus les autres Que sont devenus les autres combattants ayant participé à ces opérations mais qui ne comparurent pas en cour martiale les 5, 6 et 7 mars 1942 ? Sept combattants appartenaient à d’autres groupes des Bataillons de la Jeunesse dont l’un avait combattu en Espagne. Trois venaient des Brigades internationales. Pierre GEORGES (le futur colonel Fabien) (22 ans). Ancien combattant à dix-sept ans des Brigades internationales, il commandera après la libération de Paris le Groupe Tactique Lorraine composé de volontaires parisiens des FTP. Cette unité sera intégrée dans l’Ire armée par le général de Lattre de Tassigny. Ce sera le 151e régiment d’infanterie, unité qui sera l’une des premières à franchir le Rhin. Fabien sera tué le 27 décembre 1944 à Habsheim dans le Haut-Rhin. Gilbert BRUSTLEIN (22 ANS), qui commande le groupe, a participé à de nombreuses opérations. Il échappe de peu à l’arrestation, passe en zone sud puis en Espagne, avant de gagner l’Algérie. Marcel BOURDARIAS (17 ANS 1/2). Après de nombreuses actions, il sera arrêté et fusillé le 17 avril 1942 (procès de la Maison de la Chimie). Jacques D’ANDURAIN (23 ANS). Après de nombreuses actions en zone nord, il passera en zone sud et continuera la lutte jusqu’en 1944. Jules DUMONT (colonel) (53 ans). Grièvement blessé en 14-18, il reçoit la Légion d’honneur. Volontaire en Espagne, commandant de la célèbre 14e Brigade internationale (composée de Français, elle prit le nom de Brigade la Marseillaise), il participe à de très nombreuses opérations sous l’Occupation ; arrêté, il sera fusillé le 15 juin 1943. Maurice FEFERMAN (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il préférera se tuer avec sa dernière balle, le 10 mai 1942, plutôt que de tomber aux mains des Allemands. Albert GUEUSQUIN (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il sera arrêté et fusillé le 9 juillet 1943. Maurice LE BERRE (19 ANS). Après de très nombreuses actions, il sera arrêté le 28 août 1942, s’évadera le 1er janvier 1943, sera de nouveau arrêté quinze jours plus tard, puis déporté. Il reviendra des camps de la mort en 1945. Il est aujourd’hui décédé. Conrado MIRET-MUST. Républicain espagnol, il est le premier dirigeant fondateur des Francs-Tireurs de la MOI. Il sera arrêté après de très nombreuses actions. Il mourra sous la torture avant l’ouverture du procès de la Maison de la Chimie lors duquel il devait comparaître le 15 avril 1942. Spartaco GUISCO (28 ans). Antifasciste italien, ancien des Brigades internationales. Il participe à de très nombreuses actions. Il est arrêté et fusillé le 17 avril 1942 (procès de la Maison de la Chimie).

Procès de la maison de la chimie 7-14 avril 1942

Du 7 au 14 avril 1942, vingt-sept combattants appartenant aux Bataillons de la Jeunesse et à l’Organisation Spéciale (OS) comparaissent devant une cour martiale réunie à la Maison de la Chimie, après avoir été, comme les sept jeunes combattants du XIe arrondissement, arrêtés et livrés par la police vichyste à ses homologues allemands. Arrêté en même temps que ses camarades, Conrado Miret-Must, républicain espagnol et fondateur de la MOI, ne comparaîtra jamais devant le tribunal : il fut massacré avant même l’ouverture du procès, dans les locaux du sinistre Brigade spéciale n° 2 créée par Pétain. Vingt-cinq de ces combattants seront exécutés, parmi lesquels vingt-trois fusillés au Mont-Valérien immédiatement après le procès. Les Allemands, voulant faire assaut de mansuétude, commuèrent la condamnation à mort en déportation pour quatre d’entre eux : ce sera le cas de Paul et Marie-Thérèse Lefebvre, ainsi que d’André Kirschen, âgé de 15 ans, et de Simone Schloss, laquelle sera cependant décapitée par les nazis à Cologne le 2 juillet 1942. D’autres procès suivront, le plus souvent à huis clos. Près de 9000 combattants seront exécutés par les nazis dans la région parisienne, 21000 en province. Sans oublier les dizaines de milliers de déportés-résistants qui ne revinrent pas et les milliers d’otages exécutés.

Bataillon de la Jeunesse

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André Aubouet  janvier 1923-17 avril 1942

Né à Paris (XIe), domicilié 15 rue de Vanves (actuelle rue Raymond-Losserand, XIVe). Il fréquente l’école primaire de la rue Pierre-Larousse et fait du sport au gymnase de la rue Huyghens. Après son certificat d’études il est engagé comme apprenti à l’Imprimerie nationale où travaillait déjà son père.

Le 20 janvier 1942, 15 boulevard de Vaugirard (métro Bienvenüe), il participe avec Jean Garreau et Raymond Tardif à un attentat contre un soldat allemand de la poste militaire nommé Pepling, lequel est sérieusement blessé. Nous manquons d’informations concernant les autres opérations auxquelles il a participé. Il semble qu’il opérait le plus souvent avec Garreau et Tardif. Il a été arrêté en mars 1942 sans que nous puissions préciser le jour.

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Marcel Bretone 9 octobre 1920-17 avril 1942

Né à Lyon, au cœur du quartier de la Croix-Rousse. Marié, père d’un enfant, domicilié 6 rue de La Folie-Méricourt (XIe). Membre des Jeunesses communistes, il s’engage dans les Brigades internationales à l’âge de 16 ans. Il sera blessé à trois reprises durant les combats. Rentré en France en 1939, il remplace Albert Ouzoulias (futur colonel André) comme secrétaire des Jeunesses communistes de la région lyonnaise. Cela ne l’empêche pas de partir presque chaque dimanche faire du camping à la campagne. Il travaille comme aide-comptable mais en septembre 1939 il est interné, comme de nombreux responsables communistes, au fort du Paillet à Dardilly-le-Mont (Rhône), puis au fort Barraux à Riom-ès-Montagnes (Cantal), à Carpiane près de Marseille, et enfin au camp de Chibron (Var) d’où il s’évade le 7 octobre 1940. Pendant son internement, il épouse sa compagne Jeannette Fédit dont il aura une fille. Après son évasion, il est contraint de gagner sa vie comme conducteur de vélo-taxi. Il est arrêté le 18 décembre 1941 alors qu’avec ses camarades Touati et Coquillet il était en train d’incendier des camions de la Wehrmacht rue Lamartine, à l’angle de la rue Buffault (IXe). La veille, le 17, il avait également incendié avec eux un camion allemand en stationnement rue Mayran (IXe). Poursuivis par des soldats allemands et des gardiens de la paix, Maurice Touati et Louis Coquillet parviennent à s’échapper. Bertone se réfugie au 26 de la rue Cadet, mais le locataire (un opérateur de cinéma) de l’appartement où il s’est réfugié le livre à la police. Lors de son arrestation étaient présents, dit le procès-verbal, le commissaire principal Charles Dubelon, le commissaire divisionnaire Silvestre, le commissaire principal Veber, chef de la Brigade spéciale P.J. et le major allemand Weigert. Marcel Bertone était emmené à 0 h 35 à la Feldgendarmerie.

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Marcel Bourdarias alias Alain 23 janvier 1924-17 avril 1942

Né à Paris (XIIIe), domicilié 16 rue Anatole-France à Alfortville. Fils d’un ouvrier cimentier originaire de la Corrèze. Entré en 1937 à l’école Arago, place de la Nation (XIIe), il adhère aux Jeunesses communistes en 1938, à Saint-Ouen. Entre en contact avec des jeunes militants qui participeront à la formation des groupes armés des Bataillons de la Jeunesse et de l’Organisation Spéciale (OS). S’il n’est pas toujours facile de préciser sa participation aux très nombreuses actions effectuées par son groupe, on peut néanmoins l’associer avec certitude aux opérations suivantes:

Le 14 août 1941, grâce à des renseignements fournis par deux ouvriers de l’usine, Bresler et Lastennet, Maurice Le Berre et son groupe attaquent l’usine des Isolants de Vitry (163 boulevard Amouroux à Vitry-sur-Seine), qui fabrique du matériel destiné aux sous-marins et aux avions allemands. Maurice Le Berre lance des bouteilles incendiaires, tandis que Jacques d’Andurain et Marcel Bourdarias assurent la protection, assistés de Roger Hanlet et Pierre Milan.

Du 15 au 17 août 1941, il participe au stage d’entraînement organisé par Albert Ouzoulias (futur colonel André) et Pierre Georges (futur colonel Fabien) dans les bois de Lardy, près d’Etampes.

Le 19 septembre 1941, il participe à l’opération organisée par Conrado Miret-Must (alias Lucien) contre le garage SOGA (HPK503), 21 boulevard Pershing (XVIIe), où sont réparées les voitures de l’état-major allemand et de nombreux véhicules de la Wehrmacht. Tous les groupes armés de Paris, répartis en quatre ou cinq groupes (le groupe Marchandise, le groupe Le Berre, le groupe Brustlein et un ou deux autres), interviendront. Les dégâts sont très importants, même s’ils ne réussiront pas à incendier l’atelier de menuiserie.

20 octobre 1941 : participation au déraillement du train Paris-Nantes, tandis que Spartaco Guisco et Gilbert Brustlein abattent le Feldkommandant Hotz. Il revient avec un stock de dynamite récupéré dans une carrière.

21 novembre 1941 : participation à l’attentat contre la librairie allemande Rive Gauche du boulevard Saint-Michel (à l’angle de la place de la Sorbonne).

26 novembre 1941 : attentat à la bombe contre la librairie militaire allemande située à l’angle de la rue de Rivoli et de la rue Cambon (Ier). Participent à cette action plusieurs détachements des Bataillons de la Jeunesse et de l’Organisation Spéciale, dont Coquillet.

2 décembre 1941 : participation à l’attentat à la bombe contre le local du RNP (Rassemblement national populaire) boulevard Blanqui, avec Fabien et Coquillet. Cinq cartouches de dynamite font littéralement sauter ce repaire de la collaboration.

6 décembre 1941 : il est en protection lorsque le lieutenant Rahl est grièvement blessé boulevard Pereire (XVIIe) par Louis Coquillet.

15 décembre 1941, 7 h 30 du matin : Marcel Bourdarias et Louis Coquillet, à la tête de leurs groupes, attaquent à la bombe le poste de la Feldgendarmerie situé à l’Hôtel Universel, rue de la Victoire (IXe).

Fin décembre 1941, avec Louis Coquillet, il sectionne un câble de transmission de l’armée allemande dans le bois de Meudon.

3 janvier 1942 : Bourdarias, Coquillet, Gueusquin et quatre autres membres des Bataillons de la Jeunesse attaquent au pistolet et à la grenade une permanence du RNP de Marcel Déat située 11 bis rue de la Procession (XVe). Bilan : les locaux sont détruits et un membre du RNP est blessé.

Arrêté le 3 ou le 5 janvier 1942 par la police française au métro Croix-Rouge, il fut torturé pendant cinq jours et cinq nuits avant d’être remis aux Allemands. Jugé à la Maison de la Chimie, rue Saint-Dominique, avec vingt-six autres résistants, le 14 avril 1942, il fut fusillé par les Allemands le 17 avril 1942 au Mont-Valérien (Suresnes), à l’âge de 18 ans. Il a laissé une dernière lettre d’une touchante simplicité : Chers Amis, Je vous écris une dernière fois pour vous adresser mon adieu. Il est environ 1 heure et à 5 heures je serai fusillé. Donc quelques heures devant moi. Je suis calme et tranquille. Oui pour moi, c’est fini. Je me souviens du bon temps que j’ai passé près de vous et je vous demande de vous en souvenir également. Ne pleurez pas pour moi. Je ne suis pas à plaindre. Mais aimez mon souvenir.

Marcel Bourdarias est enterré au cimetière d’Ivry-sur-Seine. Une rue d’Alfortville porte son nom.

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Juillet-août 1942 |
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